Grand Prix Stratégies Digital 2018
Burger King ou le roi Philippe ? Pas de place pour deux rois en Belgique. Au terme d’un sondage improbable, Burger King a abdiqué dans le Plat Pays et enlevé le « King » de son logo. Une campagne mêlant humour et provocation qui a fait un carton. Et pour Buzzman, le bijou de la couronne.

En Europe, c’était le dernier territoire où Burger King ne s’était pas encore implanté. Comment susciter l’envie et faire le buzz avant l’ouverture du premier restaurant en Belgique ? Aux affaires pour répondre à la question, l’agence Buzzman, déjà en charge de la chaîne de restauration américaine en France. 

«Le slogan de Burger King est “Only BK can do it”, rappelle Julien Levilain, directeur général de Buzzman. En termes de ton, d’audace, de créativité, Burger King a toujours été pour Buzzman la marque référence de la publicité et de la communication. Il fallait que l’on trouve quelque chose de neuf, drôle et déroutant, dans la veine des autres campagnes Burger King. » 

Sauf que cette fois, les budgets sont très serrés, « quelques dizaines de milliers d’euros », révèle Julien Levilain. Il n’empêche, en interne, tous les créatifs se battent pour travailler sur le dossier. « On cherchait une idée “poil à gratter” », se remémorent Tristan Daltroff et Louis Audard, les deux directeurs de création choisis.

Trending topic en quelques heures

Plusieurs jours et nuits de réflexion plus tard, la réponse est là : « Le Plat Pays est aussi le royaume des Belges », résume Tristan Daltroff. Plus c’est évident, plus c’est difficile à trouver : pas de place pour deux kings en Belgique ! L’agence crée alors un site proposant aux Belges de voter pour choisir entre la chaîne de restauration rapide et… leur roi. Alors, who is the king ? Gonflé ! Les Belges ont pris le vote à cœur, au point que le sondage est devenu viral dès son lancement, devenant un trending topic sur Twitter en quelques heures. 

Mais en monarchie, on ne badine pas avec la royauté et son image. Le Palais réagit par un communiqué très sec : « Nous ne trouvons pas ça drôle. Aucune demande ne nous a été adressée. » L’image de la famille royale est en effet soumise à autorisation et non utilisable à des fins publicitaires. 

Julien Levilain assume la blague potache : « Les meilleures campagnes de pub se racontent en deux phrases dans un bar. » Mieux qu’une blague belge, la blague de pubard tourne peu à peu, via l’effet média, à l’affaire d’État. Bingo pour le buzz : un ouragan médiatique avec des articles dans le monde entier. Un coup de maître en RP. « Notre espoir secret était que le Palais royal réagisse, mais là, ça commençait à être moins drôle, explique Julien Levilain. Le roi nous demandait instamment, sous peine de poursuites, d’arrêter notre campagne, qui devait encore durer plusieurs semaines. »

Stress et émulation

Branle-bas de combat dans l’équipe du King en burger. Pendant que la marque et l’agence négocient avec les équipes du souverain, les créatifs s’activent pour sortir de l’impasse. « On était clairement en gestion de crise, indique Louis Audard. C’était stressant, mais très motivant. Les scénarios que nous avions prévus en cas de réaction étaient inopérants. Il fallait trouver quelque chose, et vite. » Ce sera d’abord le dépouillement du vote, auquel 175 000 Belges ont participé. Le résultat ? Un véritable petit miracle : le roi Philippe de Belgique l’emporte d’une courte majorité, juste ce qu’il faut pour ne pas freiner la chaîne de fast-food et (presque) sauver l’honneur royal.

« Nous n’avons même pas bidouillé les chiffres », s’amuse Julien Levilain. Alors, puisqu’il n’y a qu’un seul roi des Belges, Burger King annonce dans la foulée, par voie de communiqué et sur sa page Facebook, renoncer à son « King » pour se rebaptiser en Belgique… « Burger » ! « La vraie idée géniale en termes de communication est là, radicale, qui joint le geste à la parole et tire les enseignements du vote, à savoir abdiquer », explique Tristan Daltroff. Ainsi, durant un mois et demi, plus de « King » sur les supports de la marque. Un geste fort, peu impactant pour Burger King (qui n’avait pas encore ouvert ses magasins dans le pays), assurant un nouveau coup de RP. Au total, l’opération recense plus de 315 millions d’impressions. Et pour conclure, Burger King s’est fendu d’un présent pour le roi : un burger à son effigie, le King Whopper. Sans rancune, Votre Altesse !

« La viralité a été incroyable ! »

Kevin Derycke, CEO de Burger Brands Belgium

Quel était votre brief de départ ? Vous attendiez-vous à une telle réponse créative ?

KEvin Derycke. Le brief, c’était réussir à faire la meilleure entrée de marché en Europe de Burger King. Ce qui a été fait. Pour cela, nous voulions faire le plus de bruit possible. Quand on a lancé notre appel d’offres en Belgique, il y avait dans la short-list une agence belge et Buzzman. Quand ces derniers nous ont parlé de leur idée, on s’est dit qu’ils étaient fous ces Français, puis, très vite, on a trouvé ça génial. Complètement dans l’esprit Burger King, décalé, drôle, engageant, provocant. Une campagne que personne d’autre ne peut réaliser. La viralité a été incroyable. Ici, en Belgique, tout le monde ne parlait que de cela. Je recevais des appels du bout du monde pour me demander ce qui se passait. Nous avons eu des papiers partout, au New York Times, dans le Times of India

Une fois de plus, Burger King joue avec la limite, n’avez-vous jamais eu peur d’aller trop loin ? 

Les Belges ont beaucoup d’humour, on le sait : ils savent que l’on fait du second degré, et pas de la politique. Mais il est vrai qu’après la réaction du Palais, on a eu peur. Juridiquement, il y avait un petit risque. Pierre-Emmanuel de Bauw, le porte-parole du Palais royal, nous a enjoints de stopper l’opération en cours. Il ne plaisantait pas. Et finalement, les créatifs nous ont trouvé cette solution géniale pour sortir de l’impasse : enlever le « King » de « Burger King ». Ce qui nous a rendus très fiers dans ce « Whopper Gate », c’est de voir nos fans nous soutenir et nous défendre. Nous en avons gagné 35 000 en six mois. Depuis la campagne, six Burger King se sont ouverts en Belgique et 17 autres projets sont à l’agenda 2018. Et côté communication, nous préparons pour le printemps prochain de nouvelles campagnes qui devraient encore étonner et détonner.

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