Moto
Pour une marque dont l’ADN repose sur le son d’un moteur thermique, passer à l’électrique est un risque majeur. Avec sa LiveWire, prévue en 2019, Harley-Davidson n’y va pourtant pas à reculons.

Motor Company. Sa baseline est incrustée au cœur du logo et se confond avec la marque. Harley-Davidson est une «entreprise de moteurs». Son métier est aussi de fabriquer une sonorité, issue de la mécanique «V-twin». Ces deux cylindres placés à 45°, formant un «V», et ce, depuis la toute première moto en 1903, font que les pistons n’opèrent pas à intervalles égaux. Ils génèrent un son que les aficionados comparent aux sabots d’un cheval sur des pavés, ou, plus imagé, ils le surnomment «potato-potato». C’est devenu un tel élément identitaire que la marque de Milwaukee a tenté de le breveter en 1996. Chez la concurrence on a essayé d’imiter, mais sans jamais égaler. Comme Honda, attaqué par Harley à l’époque sur ce terrain. Las, l’américain a perdu. La sonorité est malgré tout un réel actif de marque. Harley s’en rend d’autant plus compte aujourd’hui alors qu’il doit se mettre lui à l’électrique.

Proto prometteur

L’américain a surpris son monde en 2014 en dégainant un prototype électrique. Le bouleversement potentiel est si grand pour la marque qu’il valait mieux prendre le taureau par les cornes. «Nous avons voulu tester l’opinion publique sur la perception d’une moto électrique Harley-Davidson, nous avons donc envoyé cinq prototypes sur quatre continents, nous les avons fait tester à des journalistes, des clients et des non-clients», rembobine Xavier Crépet, directeur marketing et communication de la marque pour l'Europe de l’Ouest. Résultat, selon lui, «85% de retours positifs». Et c’était il y a quatre ans, avant que Tesla ne perce, que n’éclate le scandale du dieselgate, que tous les constructeurs auto aient un projet d’électrification ambitieux, sans parler des CityScoot et consorts, ces scooters électriques en libre-service en vogue dans les grandes villes. Pour l’américain, 2018 était la bonne année pour lancer officiellement sa LiveWire. C’était début octobre, au Mondial de la moto de la Porte de Versailles.

Marlon Brando

Prévue pour une commercialisation en 2019, cette Harley nouvelle génération est le fruit d’une réflexion à la fois prudente et maline. Prudente car elle se positionne sur le segment des roadsters, celui qui connaît le plus de succès dans le secteur avec 50% de parts de marché en Europe. Ainsi l’Américain ne visera pas sa clientèle historique en premier, mais l’énorme vivier d’amateurs de ces motos plus légères, et qui voudraient quand-même profiter de la griffe Harley-Davidson. Malin enfin, car la société a trouvé une parade à l’absence de moteur: créer une identité sonore en utilisant l’électrique. «Ce n’est pas un artifice, nous avons trouvé un mécanisme qui produit un son très caractéristique, comme une turbine», explique Xavier Crépet. Et il est vrai qu’il en impose. Rien à voir avec les vibrations du moteur thermique, mais au moins les Harley (une gamme complète suivra) continueront de se démarquer par leur sonorité. Simplement s’adapte-t-elle à un nouveau paradigme. L’autre force de l’américain, dont les ventes ont progressé de 15% sur un an en 2017, avec 265 000 unités, alors que le marché évoluait de 3%, c’est sa communauté de 1 million de membres, réunis en clubs, qui font vivre les codes de Harley façonnés au cours de l’histoire, avec des icônes comme Johnny, Elvis, Marlon Brando… Pour cette raison, la marque ne fait jamais de publicité. Pour sa première moto électrique, ce sera peut-être une autre histoire.

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