Audiovisuel
Ce sera le premier pays africain francophone à se doter de la télévision numérique terrestre, accessible gratuitement grâce à l’achat d’un décodeur. En 2019, quatre chaînes privées et une chaîne publique sont attendues sur le nouveau canal de diffusion ivoirien.

«Le groupe français Canal+ va lancer prochainement son offre de télévision numérique terrestre (TNT) en Côte d’Ivoire», peut-on lire sur une dépêche AFP datée du… 16 décembre 2016. Cette fois sera-t-elle la bonne ? Selon René Saal, spécialiste du marché africain au sein d’Adweknow et ancien de Canal+, la chaîne TNT sera effectivement lancée le 14 janvier 2019, quitte à démarrer sur le satellite. «Ce sera A+ Ivoire, avec beaucoup de fictions africaines et sud-américaines, dont les contenus vont se fondre ensuite avec A+» [chaîne panafricaine du groupe Canal lancée en 2015] précise-t-il. «Mais le gouvernement a laissé entendre que tout serait prêt au niveau technique avant la fin de l’année pour lancer la TNT».

«Afro-novelas»

Lors de la sélection des chaînes par la Haute autorité de la communication audiovisuelle (Haca), le groupe précisait que la déclinaison nationale d’A+ proposerait «des séries inédites, des films et des émissions de divertissement avec plus de 30 % de contenus ivoiriens». A+ produit déjà à Abidjan des fictions (Capitales africaines, Ma grande famille), des sagas (Casino) et même des «afro-novelas».

Ce qui est sûr, c’est que cette offre de TNT gratuite a déjà ses heureux élus depuis décembre 2016. Outre A+, il faut compter avec RTI3, un canal public qui viendra compléter les deux chaînes existantes, Life TV du groupe Voodoo dirigé par le publicitaire Fabrice Sawegnon (et dont M6 détient 33 %), NCI (Nouvelle chaîne ivoirienne) élaborée par le directeur général de Nostalgie, Cheick Yvhane, et enfin Info 7, une chaîne d’information en continu. La surprise, ces derniers mois, face à des chaînes bien épaulées par le service public ou des groupes français, est plutôt venue de NCI. Elle est conseillée par François Deplanck, l’ancien numéro deux de Canal+ International, évincé après la diffusion d’un reportage contre le président togolais Faure Gnassingbé, et par René Saal pour l’aspect marketing. NCI s’est déjà fait construire deux studios sur 800 m2 pour arriver 70% de sa grille réalisée avec de la production locale.

La plupart des opérateurs, qui viennent de se voir attribuer leurs numéros, peuvent s’appuyer sur des acteurs installés. C’est d’abord le cas de RTL3, spécialisée sur le sport et la musique, et qui selon Jeune Afrique sera dirigée par Didier Bléou, l’actuel dirigeant de RTL2. Life TV, qui obtient le numéro 6 comme son partenaire français, est dirigée par Vincent Brossard, qui a dirigé Teva et TF6 (groupe M6). Ce sera une chaîne généraliste (divertissement, cinéma, info, séries, talk shows) avec des programmes issus du catalogue de la chaîne française mais aussi des contenus produits localement grâce 1000 m2 de studios. Enfin, Infos 7, est réalisée à l’initiative de Jean-Philippe Kaboré, ex-secrétaire exécutif du Conseil national de migration vers la TNT et directeur général d’Optimum Media.

D’où un débat existant en Côte d’Ivoire sur la proximité des opérateurs avec le pouvoir d’Alassane Ouattara. «On entend souvent dire que ces opérateurs choisis sont des proches du président de la République. Ce ne sont pas des cadeaux qui sont faits. Le processus a été transparent.», a rétorqué en mars à RTI le ministre ivoirien de la communication, Bruno Nabagné Koné qui espère atteindre «12 voire 15 chaînes» de TNT. «Il n’y a pas un seul pays au monde où l’on ne fait pas attention à qui l’on confie des chaînes», rappelle René Saal.

Des perspectives prometteuses

Reste à savoir comment seront financées les chaînes, hors redevance. A la différence du Sénégal, la Côte d’Ivoire n’a pour l’instant pas de chaînes privées. «Les deux tiers de l’audience sont faits par des chaînes panafricaines, on ne compte pas plus de 160 annonceurs TV pour un montant brut qu’on peut estimer à 10 millions d’euros bruts. Au Sénégal, c’est l’inverse, les deux tiers de l’audience sont réalisés par des chaînes locales, on trouve 800 annonceurs TV, le montant brut est de 40 à 45 millions bruts. C’est un rapport de un à quatre ou cinq».

Les perspectives sont d’autant plus prometteuses que la croissance publicitaire ivoirienne est de 25% au premier semestre, selon Ipsos / Adweknow. Reste à se doter d’une mesure d’audience digne de ce nom, avec un recueil automatique quotidien, via un panel comme en France ou au Maroc. Il existe déjà une mesure via des interviews en face à face. René Saal table sur cet équivalent du Mediamat au bout d’un an, après un recueil déclaratif. Mais Charles juster, directeur de la communication de Médiamétrie, est plus prudent: «Il faut que le pays décide de confier la mesure à un institut. On est évidemment intéressé mais la décision revient à Ibrahim Sy Savané, président de l’Haca». Tout est donc une question de mois… ou d’années. «Vous avez la montre, nous avons le temps», dit-on en Côte d’Ivoire.



Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.