Ciblage
Malgré ses promesses, le programmatique peine à faire du vrai sur-mesure. Beaucoup regrettent des solutions automatisées parfois trop standardisées. Comme si la machine avait supplanté l’humain.

Tous les marketeurs en ont rêvé : être capable de cibler chaque consommateur pour lui adresser une campagne sur mesure. Ce rêve, c’est la promesse du programmatique. Sauf que cette automatisation de l’achat et de la vente d’espaces publicitaires ne se conjugue pas toujours avec l’hyperpersonnalisation attendue. « Le programmatique a vendu une surpromesse, commente Samir Amellal, CEO d’Havas Helia, agence spécialisée dans la relation client. Celle d’un sur-mesure où le one-to-one est présenté comme le Graal. » Pas la meilleure façon de faire la promotion du programmatique. 

« On est aujourd’hui capable d’aller très loin dans le ciblage publicitaire, mais l’individualisation à tous crins n’est pas la panacée, explique Yann Blat, directeur général France et Europe du DSP The Trade Desk. Car plus on fait du ciblage précis, plus on réduit son taux de couverture, il faut donc trouver le bon dosage. » Aller jusqu’à l’individu s’avère compliqué, coûteux et peu pertinent. « À quoi sert de trouver la bonne personne, si on lui envoie le mauvais message ? résume Yohann Dupasquier, cofondateur de Tradelab. Pour être pertinent, il faut tenir compte du contexte. Plus que d’hyper-personnalisation, il faut parler d’hypercontextualisation. »

Et ce n’est souvent ni l’un ni l’autre. Pour Samir Amellal, la majorité des sites se fondent sur des « audiences look alike et des micro-segments mal ficelés et autres cookies peu efficaces, sinon

périmés ».
À qui la faute ? « Parfois, les annonceurs font du vernis de programmatique volontairement, souligne le patron d’Havas Helia. Parce qu’ils savent très bien qu’aller plus loin implique de transformer les périmètres et de bouleverser les organisations et les pouvoirs. » De leur côté, les acteurs de l’adtech font valoir une mauvaise utilisation de leurs solutions. « Trop d’annonceurs ont cru qu’il suffisait d’appuyer sur un bouton, estime Yohann Dupasquier. Sans accompagnement, ni intelligence humaine, le programmatique ne peut rien. » 

 

Achat d’Audience et de data

 La machine a-t-elle pris le pas sur l’humain au point de transformer l’automatisation en ennemi de la personnalisation ? « Hors sujet, tranche Vincent Pelillo, patron de Captify, société de search intelligence. Dans son principe et par nature, le programmatique permet d’acheter, plus que des espaces publicitaires, des audiences et des datas d’individus, il vise indéniablement à faire du cousu main. Si automatisation et personnalisation font bon ménage, plus fondamentalement les annonceurs se plaignent de solutions souvent trop standardisées. » 

En ligne de mire : le duopole Google/Facebook. « Nous créons des couches technologiques par-dessus leurs outils pour mieux personnaliser la façon dont on adresse les campagnes. Nous injectons aussi de la donnée enrichie qui va plus loin que les segments standards », explique Yohann Dupasquier. Pour ce faire, Tradelab a notamment recours à des partenariats. Comme pour l’offre Foodlab, lancée au printemps dernier avec Carrefour et les sites 750g et Marmiton. Elle mixe et segmente les 150 millions de transactions mensuelles de Carrefour, les données de ses 14 millions d’encartés et des 18,5 millions de visiteurs uniques de 750g et Marmiton pour recomposer le parcours du consommateur.

Même démarche partenariale chez Sublime, place de marché spécialisée dans la création et la diffusion de campagnes. L’entreprise vient de s’allier avec la plateforme Sizmek pour mieux cibler les audiences et optimiser la communication des annonceurs. « Les solutions de Google et Facebook sont trop standardisées, car elles se fondent essentiellement sur la technique et la scalabilité [évolutivité] sans prendre assez en considération la créativité, estime Marc Rouanet, CEO de Sublime. Or, la publicité est d’abord de la créativité, qui produit de l’émotion, puis en bout de chaîne l’achat du consommateur. » La créativité chez Sublime passe par l’intégration en interne de studios graphiques et la proposition de nouveaux habillages et formats publicitaires. Illustration avec Swipe to Site pour mobile, une solution présentée comme une alternative à l’intersti-tiel où les éléments créatifs contenant le site de l’annonceur s’affichent pendant la navigation de l’utilisateur. « Mais c’est à celui-ci de déclencher la publicité, qui ne peut plus être perçue comme intrusive, précise Marc Rouanet. Les utilisateurs en ont assez d’être épiés, retargetés et finalement pollués par la publicité. »



Rassurer les annonceurs

 Créativité et éthique dans la publicité sont également le credo des régies, qui ont revu leur positionnement. Il ne s’agit plus seulement de vendre des espaces, mais d’accompagner les annonceurs via des structures dédiées. Ganz, Studio Imagine, 14Haussmann ou encore Creative Hub proposent ainsi à leurs clients des fonctions – planneurs stratégiques, directeurs de création…– habituellement dévolues aux agences de publicité et des offres premium et packages sur mesure. « Dans ce contexte où les annonceurs ont besoin d’être rassurés sur les environnements comme sur les formats publicitaires, nous avons des atouts à faire valoir », affirme Bruno Ricard, DGA de 366, la régie nationale des quotidiens régionaux. 

À leur attention, de nouvelles offres premium comme Hexago lancée en septembre 2018, une solution web-to-store sur mesure qui exploite la géolocalisation des internautes pour diffuser de la publicité personnalisée dans des zones spécifiques. « L’annonceur peut ainsi définir avec la granularité

qu’il souhaite ses zones de chalandise sur lesquelles sont diffusées des publicités personnalisées »,
détaille Bruno Ricard. De nouvelles formes de personnalisation en somme. Paul Caucheteux, le directeur programmatique de Prisma Media, en rappelle toutefois les limites : « La personnalisation dépend de la qualité des signaux que donne l’utilisateur. » Selon un sondage de l’Observatoire des comportements de consommation Odoxa pour Emakina publié en mai dernier, 60 % des Français donnent de fausses informations aux sites d’e-commerce. Un autre casse-tête pour les marketeurs…

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