Finance
« Vous avez le droit », dit La Banque Postale dans sa nouvelle publicité conçue par Havas Paris. Une posture à mi-chemin, dit-on, entre valeurs citoyennes et consuméristes.

Elle a été créée onze ans après Boursorama, et pourtant, une image vieillotte lui colle à la peau. La Banque Postale, « la plus vieille des jeunes banques », concède même Cécile Riffard, directrice de la communication et de la marque. Car dans La Banque Postale, il y a La Poste. Avec 10,6 millions de clients, l’institution financière se classe au sixième rang national, loin derrière le cinquième, le Groupe CM11 (Crédit Mutuel) et ses quasi 24 millions de clients. Dans un marché tourmenté entre transformation digitale et percée des néobanques, sans parler de la redéfinition du rôle du point de vente, l’heure est au branle-bas de combat. La conquête de clients prime et cela passera, aussi, par un discours réaffûté. Celle qui se définit comme « banque et citoyenne » depuis 2013 n’allait pas jeter au rebut un terme devenu central en ces temps de référendum d’initiative citoyenne. « Le brief tenait en un point : revivifier ce positionnement », résume Fabrice Conrad, directeur général d’Havas Paris, victorieux de l’appel d’offres en juillet 2018 face à Leo Burnett (la finaliste), Ogilvy, Romance, et la sortante, M&C Saatchi GAD, qui détenait le compte depuis 2006. Mais en creux - et c’est sans doute aussi pour cela qu’Havas Paris a gagné le budget - l’agence lit « la volonté de rompre avec une communication qui traitait séparément la communication commerciale et ce qui relève de l’engagement ». Bref, de dissocier dans le message « banque » et « citoyen ».

Entretenir un autre rapport à la banque

« Nous voulions que les deux thèmes soient imbriqués de telle sorte que la citoyenneté ressorte dans les offres », souligne Fabrice Conrad, qui dresse un autre constat : « Nous voulons permettre aux gens d’entretenir un autre rapport à la banque. Aller chez son banquier est un truc engageant, c’est limite si l'on ne met pas une cravate quand on y va ! Il y a un rapport très vertical, presque d’autorité, donc il fallait rééquilibrer les choses pour tendre vers un rapport plus horizontal. » La réponse d’Havas Paris entend se placer dans une tonalité « proche et misant sur l’humour et des expressions de la vie quotidienne ». Le point de pivot de la campagne : « Vous avez le droit. » L’exclamation introduira chaque message de La Banque Postale. Elle « affirme le droit de ses clients à réaliser leurs projets et agir pour la société » précise l’agence. En associant systématiquement un engagement et un produit (le soutien scolaire avec Maxicours, l’investissement socialement responsable avec Business Energies, le financement participatif avec KissKissBankBank…) la banque fait du marketing de preuve.

Damoclès 

Dans un contexte de taux bas, la finalité est aussi d’augmenter ce que l’on appelle le taux d’équipement des clients, soit le nombre de produits, comme des assurances, par client. Un levier qui permet à la fois d’augmenter le panier moyen mais aussi de rendre le client plus fidèle - d’aucuns diront dépendant - à sa banque. Il faut dire que la loi Macron sur la mobilité bancaire est devenue une épée de Damoclès sur la fidélité. La Banque Postale est la 12e la moins chère selon Cbanque avec 133,8 euros par an de coût annuel, contre 33,09 pour Boursorama, première ou 44,53 euros pour Orange Bank, 5e. Pour le directeur d’Havas Paris, dire aux clients qu’ils ont « le droit », une expression « à la fois citoyenne et consumériste », positionne le discours « entre le code civil et 60 Millions de Consommateurs ». C’est aussi pour cela que le ton retenu a été voulu « très populaire au bon sens du terme ». Sur un mode « joyeux et festif », cinq films de 20 secondes réalisés par Owen Trevor sont diffusés en TV du 21 janvier au 16 février. L’un dit : « Vous avez le droit de saouler tout le monde en soirée, parce que vous avez le droit de croire en votre projet, parce qu’avec nous, vous avez le droit à des solutions de financement participatif. C’est ça, être banque et citoyenne. »

Un secteur complexe

Le pari de La Banque Postale est que les clients attendent « une plus grande présence au quotidien dans leurs projets et une compréhension de leurs usages bancaires », pointe Cécile Riffard. Elle reconnaît que le secteur est devenu bien complexe. « Les néobanques jouent le zéro frais, soignent leur expérience client et face à cela, les clients sont devenus multibancarisés et ont un rapport toujours plus critique à leur banque ». Elle remarque aussi la rémanence de la crise financière de 2008 sur l’image du secteur : « Le monde de la finance n’est pas perçu de manière très positive, il pâtit d'une perception d’instabilité voire de malhonnêteté qui entache le secteur dans son ensemble, obligeant à faire un vrai travail sur l’image. » Mais c’est avec un faible budget que la direction de la communication doit composer. « Nous perdons des places dans le rang des investisseurs du classement des banques », glisse la directrice de la communication, dont l’enveloppe a baissé sur trois ans. Selon Kantar Media, La Banque Postale a dépensé 60,7 millions d’euros en 2017 (dont quasi la moitié en télévision), soit 4,5 % de moins qu’en 2016. C’est par exemple moins de la moitié de BNP Paribas – à l’achat d’espace, Starcom (Publicis) a été renouvelée en 2017. Avec un autre budget, La Banque Postale se serait peut-être offerte un grand film de marque.

Chiffres clés

- 5,7 milliards d'euros. Produit net bancaire en 2017 (+ 1.5 % sur un an).

- 10,6 millions. Nombre de clients en 2017.

- 60,7 millions d'euros. Investissements médias en 2017 selon Kantar Media (+4,5% sur un an).

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