Dossier Corporate
Dans sa première interview depuis sa nomination à la direction de la communication d'Air France en décembre dernier, Benoît Parayre revient pour Stratégies sur les grands chantiers qui l'attendent.

Vous avez été nommé, le 4 décembre dernier, directeur général adjoint, directeur de la marque et de la communication d’Air France. Comment devient-on le dircom d’Air France ?

Benoît Parayre. (sourire) L’été dernier, j’ai vécu les turbulences d’Air France confronté notamment au départ précipité de son dirigeant à la suite d’un référendum perdu. Je me suis simplement ouvert à la fois de ma passion pour cette marque, qui fait partie de notre histoire, et de ma tristesse de la voir risquer de s'abimer, ou pire… de disparaître. Et puis les choses se sont enchaînées de manière heureuse dans un bel alignement de planètes…

 

Quelle entreprise avez-vous découverte ?

Une grande entreprise, avec près de 50 000 salariés, dont une grande partie de «nomades». Les 14 000 stewards et hôtesses, et 4 000 pilotes ne sont pas derrière un bureau mais ils naviguent, ce qui fait que s’adresser à eux, garder le fil, sont des enjeux importants. Ils sont tous équipés d’iPad ; cela permet de porter une relation attentionnée à nos clients et aussi de partager avec eux un certain nombre de messages sur l’entreprise.

 

C’est important, la communication, chez Air France ?

Oh oui, et le directeur de la com est au Comex [comité exécutif]. Communiquer, c’est donner du sens, créer du lien entre chacune des entités, faire savoir en interne, faire connaître en externe, partager les valeurs, réinsuffler un sens partagé à l’ensemble des actions que nous portons, «désiloter» en développant un travail transversal dans toute l’entreprise et avec les salariés.

 

Les tensions nées de la montée des Pays-Bas dans le capital d’Air-France KLM semblent s’apaiser. Sur le moment, comment avez-vous réagi ?

(rire) Ça a été un «petit» moment de surprise, qui est arrivé tard, après la clôture des marchés. Ce furent ensuite pas mal de coups de téléphone, en mode «petite» gestion de crise, où il fallait trouver les bons mots pour répondre aux questions nombreuses qui déferlaient alors.

 

Le 11 avril, l’Assemblée a adopté la loi Pacte, qui introduit la notion de raison d’être pour les entreprises. Où en êtes-vous de la vôtre ?

Nous avons lancé nos premières réunions sur ce sujet début avril, autant dire que nous sommes dans les temps… Avec l’arrivée de Ben Smith à la tête de l’entreprise, d’Anne Rigail à la direction générale d'Air France et Anne-Marie Couderc, présidente du conseil d'administration, qui a un passé très engagé dans les problématiques sociétales et publiques, c’est le moment idéal pour nous interroger sur notre raison d’être, ce que nous sommes fondamentalement, et comment donner le sens à une nouvelle stratégie ambitieuse. Ces premières réunions posent les bases d’une méthodologie, nous permettent de réfléchir ensemble aux enjeux de la définition d’une raison d’être pour une entreprise. Ce serait bien qu’on en finalise les bases dans le courant de l’été.

 

Le vote de la loi Pacte a-t-il été un élément déclencheur ?

Oui, en partie. Mais nous sommes aussi à un moment charnière de notre groupe et tout cela fait sens. Remettre de la perspective, réembarquer à la fois les salariés, avec leur management, mais aussi nos clients autour d'une véritable vision, ça c’est un vrai challenge passionnant. Il s'agit de retisser le fil qui va nous permettre de décliner tous ensemble nos actions, nos ambitions, notre marque et nos prises de parole.

 

Allez-vous faire appel à une agence ?

Il y a énormément d’intelligence collective dans la maison, et j'aime travailler de manière transversale. Parfois, on a aussi besoin d’être un peu accompagné pour remettre ce foisonnement d'idées en perspective, avec un regard extérieur constructif et objectif.

 

Quelle est votre vision de la RSE [responsabilité sociétale des entreprises] ?

C’est un travail essentiel pour une entreprise. Tout le groupe Air France KLM a pris collectivement conscience de ces questions. En réalité, il agit déjà beaucoup mais le fait peu savoir. Nous travaillons en ce moment-même sur la communication autour de ces grands enjeux. Personnellement, fort de mon passé engagé sur ces questions environnementales, je suis absolument convaincu qu'il est essentiel de nous mobiliser et d'agir.

 

C’est quoi le développement durable pour Air France ?

C'est important. Le transport aérien n'est pas le mode de transport le plus consommateur de CO2, mais il en consomme. C'est pour cela que nous devons et que nous voulons agir. La compagnie s'est déjà engagée dès 2009 à une croissance neutre en carbone à partir de 2020 et à une réduction de moitié des émissions de CO2 d'ici 2050 (par rapport aux niveaux de 2005). Bien entendu, nous ne construisons pas les moteurs, mais nous portons beaucoup d'espoirs dans le développement des moteurs électriques. Ça avance, ça va arriver, mais pas immédiatement. Nous devons assumer cette responsabilité collectivement, et proposer des actions. Un exemple: quand nos clients prennent l’avion, nous leur proposons une opération toute simple: «A tree for a trip» (un arbre pour un voyage). Ainsi, ils peuvent compenser leur voyage à travers un don qui permet de planter un arbre. Cela participe à la prise de conscience collective. Nous avons aussi des efforts à faire sur la réduction des plastiques, nous devrions annoncer des actions dans les prochains mois.

 

Fini, les pailles dans les avions ?

C’est déjà fait ! Mais nous portons aussi attention, avec nos pilotes, à une meilleure gestion des temps d’approche à l’atterrissage ou des temps de roulage, aux techniques d'éco-pilotage innovantes... Nous avons aussi des enjeux très forts en matière d’égalité professionnelle et de diversité. Sur 4 000 pilotes, seules 7 % sont des femmes. Nous cherchons donc à encourager les jeunes filles à s’engager dans des cycles d’études pour devenir pilote de ligne. Il est essentiel d'être attentif à chacun dans l'entreprise et de lutter contre toutes les discriminations, ce sont là aussi des enjeux passionnants.

Dates-clés

26 avril 1964. Naissance.

1988. Professeur de français à Auckland.

1995. Conseiller au cabinet d'Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat chargée des transports.

1997. Directeur de la communication de Matra Transport International.

2000. Directeur de la communication de la ville de Bordeaux auprès d'Alain Juppé.

2005-2010. Conseiller au cabinet du ministre d’État Jean-Louis Borloo.

2013. Directeur de la communication du centre Georges-Pompidou.

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