Opérateurs
Le groupe retrouve la croissance de ses abonnés et de ses résultats. Sa maison mère, Altice, est aujourd'hui vue davantage comme un atout que comme un handicap pour favoriser son développement.

C'est un SFR métamorphosé qu'est venu présenter Alain Weill et ses équipes devant les journalistes, le 11 avril, dans son nouveau campus 5G de Paris 15e. Avec un gain d'1,3 million d'abonnés, soit le meilleur recrutement des opérateurs sur le fixe et le mobile de 2018, le PDG d'Altice France s'est félicité de résultats « bien meilleurs que ce qu'on avait imaginé ». Les mauvaises langues rétorqueront que cette performance est à mettre au regard du 2,5 millions de clients perdus entre 2015 et 2017 et d'une chute du revenu moyen par abonné (arpu) qui rend l'abonnement bien moins rentable qu'auparavant. Le patron assume : « Le prix à payer pour la reconquête est de s'aligner sur les offres promotionnelles des concurrents. Aujourd'hui, le marché s'est stabilisé, le churn [taux de désabonnement] baisse. Ce qui permet d'être optimiste en 2019. » Grégory Rabuel, directeur exécutif grand public de SFR, a enfoncé le clou en expliquant que sa stratégie de « proposer les meilleures offres au meilleur prix » se moquait bien d'être accusée de casser les prix : « À chaque fois qu'un concurrent fera une proposition commerciale très agressive, je ferai la même le jour même.... Sauf que nous avons 650 magasins ». Un clin d'œil appuyé à Free, en particulier, qui ne peut pas en dire autant. En même temps que le churn baissait de 20 %, l'indice de satisfaction gagnait 10 %, le taux recommandation progressait de 20 points et le nombre de plaintes - très élevé en 2017 - diminuait de moitié.

« Les clignotants sont au vert »

Les maux de SFR étaient connus : relation clients désastreuse, valorisation des contenus par des hausses tarifaires non voulues, réseau mobile très dégradée... La décision d'Alain Weill, et avec lui de Patrick Drahi et d'Armando Pereira, de remettre le client au centre, a semble-t-il porté ses fruits. Même l'endettement, qui représente le talon d'Achille financier d'Altice en cas de retournement des marchés, est sur la voie de l'amélioration. Les cessions de 49,9 % des filiales SFR FTTH (fibre) et Hivory ont permis de faire rentrer 3,5 milliards d'euros dans les caisses. Et, selon Reuters, Altice Europe a demandé à Lazard de trouver des candidats désireux d'investir dans son réseau de fibre au Portugal. « 2019 sera une année de désendettement très fort », assure Alain Weill. Parallèlement, l'activité d'exploitation ne cesse de s'améliorer : sur 10,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2018, le groupe dégage 3,7 milliards d'ebitda et 2,2 milliards de capacité d'investissement. Cette année, où 1000 salariés seront recrutés, il parie sur 3 à 5 % de hausse de son activité et 6 à 8 % d'amélioration de son ebitda. « Tous les clignotants sont au vert pour atteindre cet objectif, se félicite le patron d'Altice France. Ce n'est pas arrivé depuis 2012. » De quoi affronter les enchères de la 5G dont les fréquences seront attribuées en 2020.

Reste à démontrer les bienfaits d'une stratégie de la convergence avec les médias qui singularise SFR dans l'environnement télécoms. Versant 370 millions d'euros par an entre 2018 et 2021 pour La Ligue des Champions - et la Ligue Europa -, l'opérateur a accepté en septembre de partager son exclusivité avec les abonnés au satellite de Canal en leur réservant un accès payant à RMC Sport. En comptant les plateformes OTT, la chaîne compte 2 millions d'abonnés en neuf mois. « Un succès commercial » selon Damien Bernet, le nouveau directeur général d'Altice Media, qui table parallèlement sur un déploiement de BFM en régions. BFM Lyon sera lancée en juin avec une quinzaine de journalistes et BFM Paris compte déjà 500 000 téléspectateurs par jour. Selon des indiscrétions de presse, Toulouse et Marseille pourraient suivre. « On a laissé toute la croissance à Google et Facebook, nous voulons offrir de la puissance en local », assure Damien Bernet qui rappelle que les compétences de SFR en matière de data alliées à celles de BFM en termes de commercialisation placent ce développement en situation optimale dès lors que sera acquise l'ouverture de la publicité adressée. Les prometteurs immobiliers, les concessionnaires automobiles et les distributeurs spécialisés seront les annonceurs ciblés en priorité.

Le consommateur libre de ses choix

Concernant les contenus payants, la philosophie de l'opérateur est aujourd'hui très claire : ne rien imposer au consommateur et le laisser libre de ses choix. Si des hausses tarifaires inopinées de l'abonnement surviennent encore - pour proposer davantage de giga-octets en particulier -, ce n'est pas par acceptation tacite des packages sport ou ciné-séries. Il en va de même de l'offre SFR Presse perçue comme un avantage compétitif qui pourrait être mise au service de propositions business. Le groupe recrute cette année 500 vendeurs pour aller démarcher les petites entreprises, domaine où Orange est ultra-dominant avec près de 90 % de part de marché. « C'est le coffre-fort de notre confrère et c'est à ça qu'on va s'attaquer », a résumé Jean-Pierre Galera, directeur exécutif entreprises.

De sa relation avec les autres opérateurs, dépend une bonne part de l'avenir d'Altice-SFR. En témoigne son bras de fer avec Xavier Niel sur la rémunération de ses médias. Alain Weill refuse de ne proposer que ses chaines, comme le veut Free, sans les services délinearisés. Il sait que les grands réseaux américains sont de moins en moins regardés en hertzien et que l'opérateur Cablevision distribue le quart de son chiffres d'affaires aux chaînes. Il sait aussi qu'il lui faut développer une offre de programmes plus longs pour le replay, sur BFMTV, afin de s'adapter aux usages. Pas question donc d'accepter les exigences de Xavier Niel alors que se profilent les discussions avec Orange. « Céder à Free, c'est remettre en cause nos accords avec Bouygues, Canal et SFR. » Il faut oser justifier le prix d'Altice Media par SFR.... Mais c'est aussi cela la convergence !

La montée en puissance du débit 

Monter en débit pour suivre les usages vidéos et préfigurer la 5G, dès l'an prochain, telle est la feuille de route de l'opérateur télécom en 2019. Outre un réseau mobile 4G à 99 %, le groupe se dit numéro un sur plus 300 megabits (4G+) avec plus de mille communes. D'ici la fin de l'année, il comptera une trentaine de ville à plus de 500 megabits, Nantes a un giga et la 5G sur Toulouse et les quartiers d'affaires parisiens. En faisant passer le câble coaxial de Numericable vers la fibre optique, SFR se positionne par ailleurs comme numéro un de la fibre en France avec 12 millions de logements éligibles et 10 millions de prises en propre.

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