Salon Viva Technology
Le salon dédié aux nouvelles technologies et créé par Publicis Groupe est-il adapté aux sociétés de marketing technologique ? Au sein de l’écosystème, la question divise.

Le 16 mai prochain, dans les allées du Parc des expositions de la porte de Versailles, Stéphane Amarsy, le créateur de la start-up Inbox, se baladera tout seul. « Nous n’avons jamais exposé à VivaTech. Cette année encore, Inbox ne sera pas représentée, je viendrai seulement en visiteur », annonce-t-il. La jeune pousse est pourtant clairement dans la ligne du salon. Spécialisée dans la data et le machine learning, l’entreprise cherche à intégrer l’intelligence artificielle dans la relation client. « Mais l’événement n’est pas assez ciblé, déplore le fondateur. L’angle est beaucoup trop large et généraliste, notre visibilité serait tout bonnement noyée. Les sociétés qui vont à VivaTech s’adressent au plus grand nombre. Ce n’est pas notre cas. »

Un aspect généraliste revendiqué par les organisateurs de l’événement, qui est même la clé de son succès. En trois ans, Viva Technology a réussi à passer de 45 000 visiteurs à plus de 100 000... Mais les start-up vont-elles y faire du business ?

Métiers cachés

« Les technologies du marketing ne sont pas très bien représentées à VivaTech, les entreprises de ce secteur n’y ont pas vraiment leur place », estime Stéphane Amarsy. Même les pépites françaises dans ce domaine – Criteo, Teads, Smart Adserver… – ne sont pas inscrites. L'activité des « martech » ne parle pas au grand public. « Ce sont des métiers cachés, que personne ne voit ni ne comprend. Certes, la mise en application du RGPD a fait un peu lumière sur ces questions… Mais concrètement, la plupart des consommateurs ne saisissent pas ces enjeux. »

Pour Adikteev, le côté « grand public » du salon est aussi un défaut. « Le secteur y va pour évangéliser sur la publicité. Mais l’idée de base, c’est que les gens n’aiment pas la pub. Nos métiers et leur environnement sont trop complexes. Le retargeting, les données personnelles… C’est compliqué à expliquer. Il n'y a pas de dialogue possible avec le public, surtout lorsqu’on parle d’un sujet qui leur déplaît », considère Émilien Eychenne, cofondateur et DG opérationnel de la start-up spécialisée dans le retargeting mobile. Très souvent, la discussion peut virer au « Ah oui, c’est vous qui me mettez des pubs partout ! » de manière péremptoire, sans que le débat n’aille plus loin. Pourtant, Adikteev sera bien présente, avec un stand. Mais pas le samedi, le jour du grand public. « Nous sommes trop petits. Et à notre niveau nous ne pouvons pas défendre une industrie comme la pub en ligne », assure Émilien Eychenne.

Sujet central

Alors pourquoi y aller ? Beaucoup de start-up sont invitées par un des grands groupes, qui en profitent pour parfaire leur image sur le marché. En l’occurrence, pour Adikteev, Amazon Web Services. Alors, le coût est minime. « Nous y allons pour prendre le pouls du marché. Nous n’avons rien à vendre. Nous ne nous attendons pas à signer quoi que ce soit. D’ailleurs, aucun commercial ne veut y passer sa journée : ils estiment qu’ils perdent du temps », explique le DG opérationnel.

Pourtant, « la place des technologies de communication, de marketing et de publicité a toujours été un sujet central pour VivaTech, rétorque Julie Ranty, codirectrice de l’évenement. Non seulement parce que le salon a été créé par un groupe de communication, Publicis, et un éditeur, Les Échos, mais aussi parce que ce secteur est largement touché par l'évolution des nouvelles technologies. » Cette année encore, cela se matérialisera par la tenue du CMO Forum, un cycle de conférences lancé en 2018 sur une demi-journée et renouvelé cette année sur une journée entière. Il compte une douzaine de sessions pour échanger sur les nouvelles tendances du marketing et de la communication. Mais est-ce assez pour faire venir les clients des start-up, les directeurs marketing ? « C’est un salon de grands décideurs, très politique et très médiatisé. Mais il n’y a pas tant de directeurs marketing que ça. En revanche, c’est intéressant pour le networking, pour prendre contact avec les investisseurs et écouter les conférences, tranche Émilien Eychenne. D’autant plus que la France est dans une grande incertitude, avec les Gilets jaunes, il sera important de voir ce qui se dit sur le marché. »

Salon ROIste

Pour le business, certaines start-up préfèrent des salons plus orientés, comme le Mobile World Congress de Barcelone, le Big data Paris, le TM Forum ou encore le MAU Vegas. Qui leur permettent d’avoir un meilleur ROI. Argument faux, selon le codirecteur de Viva Technology Maxime Baffert : « VivaTech est un événement qui attire massivement les directeurs marketing et communication. Ils constituent d’ailleurs la deuxième des quatre populations les plus présentes. On a en outre un partenariat que l’on renouvelle chaque année avec l’AACC : les patrons d’agence sont invités, avec des tarifs préférentiels pour les collaborateurs. »

Du reste, certaines sociétés y font réellement du business. « Pour nous, c’est un salon très ROIste, assure Rémi Aubert, le patron d’AB Tasty, solution de personnalisation des sites web. L’année dernière, nous l’avions sous-estimé, mais cette année, nous allons y aller massivement. » Invitée, elle aussi, par Amazon Web Services, la start-up ne débourse que pour les goodies et le temps passé. AB Tasty a mis en place un suivi des nouveaux clients et, sans nous donner de chiffre précis, affirme qu’elle attribue au salon des gains de contrats conséquents. « C’est vrai que VivaTech est très politisé, mais justement, pour notre solution, c’est ce qu’il y a de mieux. Au-delà du marketing technologique, nous faisons de l’innovation de manière globale, et on s’insère dans les processus généraux. Il ne faut pas convaincre uniquement les CMO, mais également les dirigeants. Et ce sont eux que l’on rencontre à VivaTech. » 

Et le troisième jour ? La société en profite pour faire des RH et diversifier ses profils. Car cette année Viva Technology attend encore beaucoup de monde…

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