Consommation
Alain Bazot est président de l'UFC-Que Choisir. Nous lui avons demandé son avis sur six sujets d'actualité.

1/ La campagne pour les élections européennes.

Un rendez-vous manqué. On n’a pas résisté à la tentation de nationaliser le débat, de le polariser entre le RN et Macron. Cela favorise les adversaires de la construction européenne et l’Europe passe à la trappe. Pourtant, face aux géants étatiques ou aux multinationales, cela n’a pas de sens de se recroqueviller sur les frontières nationales. La campagne n’a pas permis d’orienter le débat sur la Politique agricole commune. Or, le Parlement a un poids considérable car il est codécideur. Suivant qu’il est très libéral, vert ou nationaliste, cela a un impact sur notre vie quotidienne. Seule l’Europe peut mettre en œuvre efficacement une nouvelle ère de la néo-consommation, responsable et durable.


2/ La guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis qui se matérialise avec la suspension des relations commerciales de Google avec Huawei.

Où est l’Europe ? On se prendrait presque à rêver d’avoir un Trump, ou tout au moins quelqu’un pour défendre nos intérêts. Par ailleurs, cela interroge sur la puissance des Gafam, car même si Huawei est un géant, il est dans la dépendance de Google. Il nous faut développer à l’échelon européen une concurrence pour résister à des acteurs prédateurs qui font la loi. Aucune multinationale ne peut se passer du marché européen.

 

3/ Le Commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan, qui exige la transparence sur la répartition de la valeur entre agriculteurs, industriels et distributeurs.

Une initiative bien tardive. J’aimerais savoir de quelle transparence on parle. En France, nous avons l’Observatoire des marges et des prix mais avec des chiffres si agglomérés qu’ils ne donnent pas de visibilité. Il faut des chiffres fins et pas moyennés, si l'on veut savoir qui a une rente de situation, et faire du naming and shaming. Pour faire pression sur les mauvais comportements, il faut une transparence de bout en bout, qu’on sache le prix à la production et dans les étals. Et quand les cours agricoles s’effondrent, il faut que cela se répercute sur les prix de détail.


4/ L’UFC-Que Choisir à l’origine d’une pétition pour rendre obligatoire dans l’UE le Nutri-Score, un étiquetage nutritionnel sur les produits alimentaires. 

La législation européenne rend facultative cette forme d’information du consommateur. Des distributeurs et des industriels, comme Auchan ou Fleury Michon, l’ont adoptée. Mais d’autres sont vent debout contre l’idée que l’on sache simplement la valeur nutritionnelle des aliments à travers un code couleurs. Cela permet de savoir, par exemple, qu’un produit « 0% de matière grasse » est trop sucré. Les gens ne comprennent rien aux actuels tableaux nutritionnels sur les packagings. Ils se déterminent en fonction d’un marketing contre-intuitif. Notre antidote redonne un pouvoir d’arbitrage au consommateur. Nous allons sortir à l’automne une application « nutri-score » .


5/ Après Gucci, Prada mise sur la mode éthique en renonçant à l’utilisation de fourrures.

Avec la néo-consommation responsable, les consommateurs mettent en conformité leurs attentes et leurs actes. Cela touche le luxe. Mais il ne faudrait pas que ce soit du conso-washing. Il convient de voir si l’on utilise des colorants ou des substances dangereuses dans la fabrication des vêtements. Et dans quelles conditions sociales ils sont produits.


6/ Le RGPD qui fête son premier anniversaire.

Un progrès important du point de vue de l’information du consommateur, du contrôle de ses données. Nous irons en justice pour les entreprises qui ne respectent pas ce règlement car cela rendrait leurs clauses abusives. La loi sur le RGPD a mis en place la possibilité des actions de groupe qui permettent d’indemniser les victimes pour préjudice moral. C’est potentiellement quelques centaines d’euros par internaute. Si la condamnation de Google est confirmée en appel, nous utiliserons ce levier pour les millions d’internautes qui se sont vus prendre leurs données sans leur consentement. Mais il faut un peu de temps pour les PME pour lesquelles c’est plus difficile à mettre en œuvre. Et il va falloir que les internautes utilisent leurs nouveaux droits. C’est une culture du consentement à instaurer. On fera une campagne à ce sujet à travers nos rendez-vous conso.

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