Mode
Le constat est sans appel : l'industrie de la mode est devenue le deuxième plus gros pollueur mondial. Inquiétude feinte ou principe de réalité ? Le leader du textile H&M investit le terrain de l'éco-responsabilité.

Se dire éco-responsable quand on est à la pointe de la mode relève du paradoxe. Et pourtant, des alternatives commencent à voir le jour. En plus des sites de seconde main qui explosent les records de ventes, les friperies reviennent au centre de toutes les attentions. Quant aux adeptes de la fast-fashion plus connus pour leur production à outrance, ils se découvrent une conscience écologiste. H&M, deuxième fabricant mondial de textile derrière Inditex, coupe l’herbe sous le pied de ses détracteurs et lance un outil de transparence. Disponible sur le site internet et leur application du géant suédois, cet outil consiste à donner plus d’informations sur leurs fournisseurs, les matières composant chacun des vêtements et objets vendus par l’enseigne. Un cardigan beige en vue ? Il suffit de cliquer dessus pour lire sa fiche technique : « 59 % de viscose et 41 % de lyocell, une fibre de celluloses généralement fabriquée à partir de bois, nécessitant que peu ou pas d’irrigation ou de pesticides, ce qui en fait une option plus durable que le coton ». Comme une sorte de Yuka, permettant aux consommateurs d'acheter de manière éclairée. 

Apologie du vert

Ce n’est pas la première fois que l’enseigne suédoise dévoile ses secrets de fabrication. « Dès 2013, H&M publiait la liste de ses fournisseurs. Une première pour un groupe de cette taille. Une avancée, certes, mais pas suffisante car le besoin de transparence ne se situe pas seulement dans la traçabilité des produits, il nécessite également des explications claires », traduit Julie-Marlène Pelissier, responsable sustainability & corporate engagement chez H&M. Des efforts qui ont porté leurs fruits puisque le Fashion Transparency 2019, index qui incitent les marques de mode à être plus transparente, positionne H&M en 5ème position sur 200 entreprises. « C’est la première année depuis que l’index existe que des marques atteignent les 60 % de progression. Cela démontre une réelle prise d’initiative en faveur de l'impact social et environnemental de ces entreprises », souligne le rapport de 2019. H&M a par ailleurs établi des objectifs clairs ; d’ici à 2020, 100 % du coton sera organique, recyclé et issue de la Better Cotton Initiative, et au terme de l'année 2030, 100 % des matières seront recyclées ou issues de sources durables. Un travail de longue haleine qui ne serait pas possible sans un coup de pouce venant de l’extérieur. « En plus d’un laboratoire en interne spécialisé dans la R&D, nous possédons le H&M CO:LAB, une structure financière qui investit dans des start-up ou des entreprises pour trouver des solutions viables. Chaque année, nous organisons également par l’intermédiaire de notre fondation le Global Change Award qui récompense les meilleures alternatives », énumère Julie-Marlène Pelissier. Certains des projets sont déjà exploités par la marque. Notamment les matières qui sortent de l’ordinaire. Dont le Piñatex, fabriqué à partir de fibres extraites des feuilles d’ananas comme alternative au cuir ou encore la mousse Bloom, sorte de mousse végétale utilisée dans la fabrication de chaussures. Qui aurait cru qu’une corbeille de fruits renfermerait autant de possibilités !

Éco-conscience ? 

Prendre le virage de la durabilité quand on est l’un des plus gros acteurs de la fast-fashion ne relèverait-il pas un peu du greenwashing ? L’industrie de la mode est le deuxième plus gros pollueur avec 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre rejetés selon la Fondation MacArthur. Se racheter une conscience n’est pas suffisante quand on prend, à juste titre, conscience des conditions de travail dans certaines usines ou que la production, aussi éthique soit-elle, n’a pas diminué. « Il est bon de leur part de changer autant dans leurs pratiques que dans leur communication. H&M ne peut pas se permettre d’être dans la radicalité, aucune marque n’est durable à 100 %, cela relève du mythe contemporain. Le bon geste serait de ne plus acheter. Il faut donc relativiser, nous ne pouvons pas reprocher à H&M de ne pas agir », avance Meryem Laghmari, consultante junior en Recherche & Prospective pour l'agence Peclers. Sur fond de crise de confiance, le scepticisme se développe. Et ce n’est pas un hasard si le rapport « The State of Fashion 2019 » rédigé par Business of Fashion place comme insight principal la transparence radicale. « H&M privilégie la réflexion et la restructuration. Nous arrivons dans une ère de transition », affirme Ashley Adé, consultante senior en Recherche & Prospective, également chez Peclers. Consciente de ses erreurs passées, l’enseigne se repent et ouvre le pas. « Il faut des marques mainstream comme H&M pour démocratiser ce sujet car les marques déjà positionnées sur le créneau du bio sont perçues comme trop bobo, parisiennes », continue Ashley Adé. Portées par les jeunes générations - certains iront jusqu’à les surnommer les « ecological natives » - transparence et durabilité deviendraient presque des marronniers...

Pour autant, les 15 et 16 mai 2019, H&M était le seul représentant de la fast-fashion au sommet du Fashion Summit organisé à Copenhague. Sur place et à plusieurs reprises, l’idée de créer un ONU de la mode a été avancée. « Pour l’instant, la législation est trop compliquée et aucune limite de production n’est imposée. Il faudrait une collaboration avec l’État pour régulariser la chaîne de production, ainsi que des syndicats », tranche Meryem Laghmari. Le chemin est encore long.

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