Télécoms
Le procès des « suicides de France Télécom » pose la question de la posture de communication d’Orange, pendant tout le temps des débats judiciaires. Mais aussi au-delà.

C’est le procès du monde du travail. Le plus gros depuis des décennies. Pendant plusieurs semaines, les témoignages se succèdent au tribunal correctionnel de Paris, pour permettre à la justice d’établir les responsabilités quant aux suicides qui ont eu lieu dans l’entreprise de télécommunications. Et aussi d'aider les familles. Au total, 39 cas de salariés qui avaient mis fin à leurs jours ont été retenus par les juges d’instruction. Sur le banc des accusés, Didier Lombard, l’ex-PDG, son ex-numéro deux Louis-Pierre Wenes, et son ex-DRH Olivier Barberot. Il leur est reproché d’avoir mis en place « une politique d'entreprise visant à déstabiliser les salariés et à créer un climat professionnel anxiogène », et doivent donc répondre de harcèlement moral. Un plan de 22 000 départs « volontaires » était prévu dans le cadre du projet « Next », qui devait permettre de restructurer l’entreprise.

Deux noms, une entreprise

Mais sur le banc, on trouve aussi la société Orange. Nicolas Guérin, secrétaire général d'Orange, représente France Télécom au procès. Si dans les médias, on parle bel et bien du procès « France Télécom », c’est juridiquement toujours la même entreprise. Et qui pourrait donc être condamnée à l’issue des audiences. Le risque réputationnel existe-t-il vraiment pour la marque française ? En attendant, comment communiquer pendant le débat judiciaire ? Préparer le terrain et rassurer sur son projet RH, ou au contraire, protéger sa marque et se garder de toute intrusion ?

« L’enjeu réside dans la com interne »

Stanislas Barnett, directeur associé de l’agence Maarc

« Pour le moment, le procès se concentre surtout sur les anciennes équipes de direction, même si la société figure aussi sur le banc des accusés. Le risque de réputation pour Orange est, selon moi, maîtrisé. En revanche, pour la marque, c’est en matière de com interne que réside tout l'enjeu. À l’issue du procès, si Orange est condamnée ou non, la posture de communication devra être très maîtrisée. Fera-t-elle appel ou non ? Car il faut penser à tous les salariés qui ont vécu cet épisode, ou même à ceux qui l’ont en tête. Ils seront très attentifs à ce que dira l’entreprise, et notamment les syndicats. Jusqu’ici, la marque est très soignée dans ces prises de parole, avec un message d’empathie. Elle se fait le porte-parle des salariés. Elle explique tout ce qui a été mis en place depuis en interne. Elle cherche à créer la distance avec les dirigeants de l’époque. »

 

« La fin d’un monde »

Nicolas Castex, spécialisé en affaires publiques et fondateur de Everybody Knows

« Quand on observe l’opinion publique, et surtout la presse, on se rend compte que ce procès est le procès de deux mondes. Les méthodes managériales racontées lors des audiences correspondent à tout ce qu’on essaye de changer aujourd’hui dans le monde du travail, quand on parle de bienveillance, d’empathie… Certes parfois ce ne sont que des mots, mais la stratégie défensive de Didier Lombard, qui réfute tout et accuse les médias, est représentative de cet ancien monde, où tout était justifié tant que c’était pour le business. Le fait que l’entreprise ait changé de nom pour devenir Orange la protège auprès du public, car elle matérialise ce changement de monde. Le risque reste très minime, selon moi. »

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