Economie collaborative
La question de la protection des coursiers et chauffeurs VTC de type Uber ou Deliveroo revient devant les députés cette semaine après plusieurs échecs pour réguler ces plateformes, qui prolifèrent depuis quelques années dans une «zone grise» du droit.

Un amendement à l'article 20 de la Loi d'orientation sur les mobilités rédigé par la députée LREM Bérangère Couillard et trois amendements du gouvernement tentent de nouveau d'encadrer les conditions de travail des livreurs et VTC. En septembre 2018, un projet de charte présenté dans la loi «Avenir professionnel» avait été retoqué car sans rapport avec le texte. Une nouvelle tentative en première lecture de la LOM devant le Sénat début avril s'était soldée par la suppression de l'article 20, jugé insuffisamment protecteur.

Cette fois, la députée Bérangère Couillard propose un «socle» d'obligations pour les plateformes en plus de la charte optionnelle. Ainsi, les travailleurs seraient informés du prix minimum prévisible d'une course et pourraient la refuser sans encourir de pénalité. La plateforme devrait publier sur son site internet des indicateurs de «transparence» comme le revenu moyen des chauffeurs, le temps de travail, le prix moyen des prestations. Le socle prévoit aussi un compte personnel de formation.

Le gouvernement protège-t-il les plateformes?

Aujourd'hui les coursiers courent le risque, s'ils refusent une course ou se déconnectent à certains jours ou horaires, d'être pénalisés voire évincés par le donneur d'ordre. L'amendement reprend le principe d'une charte optionnelle dans laquelle les plateformes pourraient mettre un oeuvre un «prix décent» ou encore fournir des «garanties de protection sociale complémentaire».

Bérangère Couillard espère entrer avec ces chartes dans un cercle vertueux où «les plateformes qui mettront en oeuvre ces garanties seront les mieux placées pour recruter des chauffeurs dans un marché très concurrentiel».

Pour sa part, l'avocat Kevin Mention, qui défend en justice quelque 200 travailleurs de plateformes, juge «minimales» ces garanties et soupçonne le gouvernement de chercher à protéger les plateformes contre le risque de requalification des contrats.

Plusieurs décisions récentes ont requalifié en salariat les activités de coursiers (arrêt du 28 novembre 2018 de la Cour de cassation Take Eat Easy et décision de la cour d'appel de Paris du 10 janvier 2019 "Uber"), jugeant qu'il y avait un «lien de subordination» entre le coursier/chauffeur et sa plateforme. Or les amendements stipulent que les engagements pris par les plateformes dans une éventuelle charte «ne peuvent caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique», susceptible de donner lieu à une éventuelle requalification.

Selon Kevin Mention, des chartes qui «ne sont pas issues de négociations ne constituent en rien un contre-pouvoir». «La charte est par essence unilatérale», observe le Conseil national du numérique, qui se prononce dans un avis contre les chartes et leur homologation par l'administration. «On souhaite que ce soit discuté entre les travailleurs qui sont directement concernés et les plateformes», souligne Hind Elidrissi, membre du CNNum, une instance consultative.

«Bien en dessous du Smic horaire»

La relation actuelle entre «ces immenses plateformes et les travailleurs est très déséquilibrée», estime-t-elle. Un déséquilibre qui s'est traduit, selon Kevin Mention, par une chute des rémunérations. «Des plateformes qui pratiquaient il y a deux ans un tarif horaire brut de 16 euros sont descendues à moins de 10 euros: sans congés payés, sans majoration de dimanches et jours fériés, vous êtes bien en dessous du Smic horaire», dit-il.

En réponse aux critiques, notamment de Laurent Berger de la CFDT, un amendement prévoit que «dans un délai de 12 mois», des modalités de représentation des travailleurs des plateformes seront définies par ordonnance.

Entretemps, une consultation devra jeter les bases de ce dialogue social, selon Bérangère Couillard. «Nous sommes tout à fait candidats à organiser les modalités de la consultation», propose Hind Elidrissi. «Ces travailleurs sont inscrits comme indépendants, ils ont un numéro SIRET (identifiant attribué par l'Insee), on peut tout à fait les identifier et organiser une représentation globale, puis décliner par plateforme les différents sujets», juge-t-elle.

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