Monnaies virtuelles
La nouvelle cryptomonnaie de Facebook, qui sera lancée en 2020, dispose d’un potentiel de 2,7 milliards d’utilisateurs et a tout pour devenir la première devise mondiale au cours de la prochaine décennie. Non sans risques…

Septembre 2017, Londres. La directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, s’exprime face à plusieurs dirigeants de banques centrales. « Pour l'instant, beaucoup de monnaies virtuelles sont trop volatiles, trop risquées, trop énergivores, leur infrastructure est complexe à déployer à plus grande échelle, et certaines sont hackées. Si elles évolueront, il est aujourd’hui plus sage de les mépriser.»

Mais nous y sommes. Moins de deux ans plus tard, Facebook, via une fondation, a annoncé le déploiement d’une monnaie virtuelle, le Libra, qui sera lancée en 2020. Les utilisateurs de WhatsApp, Messenger et Instagram (2,7 milliards au total) disposeront d’un portefeuille numérique, dénommé « Calibra ». Une trentaine de grandes sociétés autoriseront les paiements ou les échanges dans cette nouvelle devise, parmi lesquelles Paypal, eBay, Uber, Lyft, Visa, Spotify, Vodafone ou Mastercard. Une centaine de sociétés et organisations seront parties prenantes au moment du lancement.

Une évolution irréversible

Le directeur du projet, David Marcus, qui présidait auparavant Paypal et Messenger, envisage une évolution lente mais irréversible. « Avec le temps, si nous construisons plus de services autour du Libra, nous allons probablement indexer d’autres sources de revenus », a-t-il indiqué au moment de l’officialisation du lancement de cette cryptomonnaie, annoncé depuis un certain temps. « Plus il y aura d’achats sur la plateforme, plus les petites entreprises y seront présentes et plus la publicité qu’elles y feront sera efficace. » Même si le géant a indiqué que les données de transaction seront séparées des données Facebook.

Reste à savoir si, en adoptant des standards aussi précis et limitatifs, surtout ceux d’une monnaie, les PME ne courront pas le risque de devenir trop dépendantes de cet écosystème, de devenir plus faibles, comme beaucoup de médias en ligne.

L’ombre de Cambridge Analytica

Pour Chris Skinner, spécialiste de Fintech et auteur notamment des ouvrages Digital Bank et Digital Human, la crise de confiance que traverse Facebook sur la confidentialité des données, pourrait être un obstacle à l’adoption massive de cette nouvelle monnaie. Mais parallèlement, le Libra a un avantage qu’aucune autre monnaie, ni le dollar, ni l’euro, ni le bitcoin, ne peut offrir : la stabilité, précisément la première force d’une monnaie. « Les gens évoquent souvent la volatilité des cryptomonnaies comme une bonne raison de ne pas les utiliser. Facebook a compris cela en fixant la valeur du Libra sur un panier de devises réelles (le dollar, la livre sterling et l’euro), ce qui en fera une monnaie extrêmement stable, peut-être plus que le dollar. Ce concept était imaginé depuis la fin des années 60, mais n’a jamais été réalisée. De fait, le Libra concurrence potentiellement les banques centrales. »

Facebook peut-il faire avec le Libra ce qu’il a réussi avec les likes ? Comme le pouce levé, la monnaie deviendrait une unité de mesure de la confiance que s’accordent des individus. Et ainsi mieux les connaître, lui offrant à la fois le pouvoir de (dé)faire des élections et de supplanter les banques centrales. Une omnipotence qui ne va pas calmer les ardeurs de celles et ceux qui appellent au démantèlement du géant, avant qu’il ne devienne « too big to fail ».

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