International
Plutôt peu fidèles aux marques, les consommateurs chinois sont, en revanche, intéressés par la qualité des produits, friands de promotions et sensibles aux avis de leurs pairs.

Novembre 2018. La maison Dolce & Gabbana essuie une volée de bois vert en Chine après une série de vidéos publicitaires très mal perçues dans le pays. Appuyant sur des différences culturelles, elles sont jugées dégradantes et «cliché». Résultats : un défilé de mode annulé, des appels au boycott et une image de marque gravement abîmée. Depuis, le scandale illustre ce qu’il ne faut pas faire lorsque l’on souhaite parler aux consommateurs chinois – même si la leçon vaut qu'elle que soit la cible. 
Les consommateurs chinois ont aussi d’autres attentes vis-à-vis des publicitaires. Et certains arguments de vente portent mieux que d’autres, dans un contexte où la force de la marque elle-même, sa capacité à convaincre et à entraîner un achat, apparaît moindre qu’en France, par exemple. « Le consommateur chinois n’a aucune fidélité aux marques », constate Stéphane Monsallier, entrepreneur et fondateur de la French Tech Shanghai. « La marque a du poids, mais souvent il faut une combinaison des deux : un produit, une marque », tempère Thomas Graziani, dirigeant fondateur de WalktheChat, agence de marketing basée à Pékin. L’offre proposée reste, toutefois, prépondérante. « En Europe, les consommateurs ont tendance à acheter beaucoup de produits d’une même marque tandis qu’en Chine, un produit peut représenter la moitié du chiffre d’affaires de la marque. Celle-ci a parfois des difficultés pour se sortir du produit qui se vend très bien », développe Thomas Graziani. Une problématique à prendre en compte pour les entreprises afin d’émerger au mieux. « La construction de marque est difficile car cela prend du temps et les Chinois n’aiment pas cela », prévient Stéphane Monsallier. D’autant que, précisera-t-il plus tard, « personne ne vous connaît, personne ne vous attend ».
27 milliards en 24 heures
« La loyauté vis-à-vis des marques est faible, abonde Nicolas du Cray, associé chez Cathay Capital, un fonds d’investissement franco-chinois. Cela implique des coûts marketing très élevés. En parallèle, les consommateurs comparent les prix. Ils sont très sensibles au rapport qualité/fonctionnalité/prix ». Une raison qui explique d'ailleurs, à ses yeux, le succès de Xiaomi, marque de smartphone à bas coût. Au-delà de ce triptyque, les acheteurs apparaissent aussi attentifs aux bonnes affaires. « Ils sont sensibles aux promotions », note Stéphane Monsallier. En témoigne le succès phénoménal rencontré par les opérations de vente en ligne à prix promotionnels organisés par Alibaba ou encore le retailer JD.com, autour du 18 juin et pour le 11 novembre, dite « journée des célibataires ». En 2018, cette journée a par exemple permis à Alibaba d’engranger 27 milliards d’euros de chiffre d’affaires, en seulement 24 heures. C’est aussi en se fondant sur une mécanique promotionnelle que Pinduoduo, sorte de Groupon chinois entré au Nasdaq l’année dernière et lancé en 2015 par l'ex-Google Colin Huang, a tiré son épingle du jeu malgré des pertes financières récentes. « Créer une marque dans un environnement très sensible aux promotions est compliqué car on achète davantage la transaction que la fidélité », remarque Stéphane Monsallier.
Reste que la promotion ne fait pas tout. Tordant le cou à une idée reçue, les consommateurs sont également sensibles à la qualité du produit, composante essentielle du triptyque conduisant à l’achat. « L’important, c’est la qualité », confirme Jiaowei Tang, analyste de projet chez Fabernovel, groupe de conseil et création de produits et services numériques, présentée comme une représentante des millennials par son entreprise. La marque peut, d'ailleurs, permettre de rassurer sur ce point. Quoi qu'il en soit, une publicité basée uniquement sur la promesse d’une bonne affaire n’atteindra pas son but.

Loi sur la cybersécurité
Un autre facteur déterminant est l’importance de la recommandation, via des amis, son réseau proche ou via des influenceurs. « À mon réveil à 9 heures, la première chose que je fais est d’ouvrir WeChat pour voir ce que mes amis ont fait », raconte Jiaowei Tang. Tout un symbole... Appuyée sur cette logique, une véritable économie des KOL (key opinions leaders) se développe. « L’une des spécificités du marché est que les gens ont un peu plus besoin d’être guidés dans leurs achats. Ce n’est pas un problème de suivre des influenceurs et qu’ils collaborent avec les marques », explique Thomas Graziani. « Lorsqu’ils font de la pub dans leurs posts, pas de problème ! », jure Jiaowei Tang. Bon à savoir pour les marques : un « gros » influenceur ne brasse pas nécessairement des millions d’abonnés. « Les influenceurs les plus importants ont plus de 3,5 millions de followers », estime Thomas Graziani.
Enfin, le rapport aux données personnelles est spécifique. Les consommateurs apparaissent moins frileux qu’en Europe pour céder leurs données, du moment qu’ils y gagnent quelque chose, par exemple en termes pratiques. Les « données personnelles » n’incluent pas seulement le nom, le prénom ou un e-mail. Elles peuvent englober des données beaucoup plus sensibles, dans un contexte où, par exemple, le paiement par reconnaissance faciale est plus répandu. L’on peut ainsi payer avec son visage au sein de la chaîne de magasins alimentaires Hema (créée par Alibaba). S'agissant de la donnée, une loi sur la cybersécurité est entrée en vigueur en 2017. Entre autres mesures, les données doivent rester localisées sur le territoire. 

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