Atypique, le secteur de l’événementiel l’est assurément. « La notion d’amplitude horaire fait partie des particularités de notre secteur, confirme Sandrine Christon-Pain, déléguée générale de l’organisation professionnelle Lévénement. Les équipes permanentes sont la plupart du temps d’une dizaine de collaborateurs. Cependant, un événement peut pousser l’agence à recourir à des personnes supplémentaires. Certains mois, elle peut être amenée à établir plus d’une centaine de bulletins de paie. » Une réalité que Peggy Boitel, fondatrice de l’agence Événement d’elles, rappelle à tous ceux qui postulent chez elle : « C’est un métier qui exige de l’engagement. Il peut y avoir des montages de nuit, du travail le week-end. Au moment du recrutement, nous disons clairement les choses. »
Une anticipation difficile
Autant prendre les devants, car les évolutions récentes du secteur ont plutôt tendance à compliquer la donne, les clients posant des délais de plus en plus courts pour répondre aux appels d’offres tout en sollicitant toujours plus d’agences, le tout réduisant la visibilité sur l’activité future… « Il devient de plus en plus compliqué d’anticiper, ce qui rend plus difficile la sélection des appels d’offres auxquels répondre », confirme Béatrix Mourer, cofondatrice de l’agence Magic Garden, qui note également une réduction de plus en
plus importante des délais qui sont impartis à la production.
Pour s’adapter, les agences ajustent par conséquent leur organisation. « Nous passons beaucoup de temps sur le rétroplanning pour éviter d’avoir des soucis sur les horaires, explique Stéphanie Léonard, fondatrice de Beautiful Monday. Nous avons aussi des fiches de poste très détaillées pour déterminer avec précision les besoins. » Les outils digitaux sont également une aide précieuse, estime Yvan Hinnemann, dirigeant des Événementielistes : « Cela accélère les process, permet de mieux communiquer et d’être plus vite opérationnel. »
Plutôt que d’optimiser l’existant, l’agence AREP a pour sa part choisi de transformer son organisation en 2018. Les effectifs répartis en « mini-silos » avec une équipe affectée à un directeur de clientèle ont cédé la place à un schéma radicalement différent. Désormais, l’agence comprend une « strate commerciale » regroupant les directeurs de clientèle et une grande équipe regroupant toutes les spécialités. Chaque événement mobilise ainsi des collaborateurs différents en fonction des besoins. « Cela permet aux gens de travailler avec les autres dans une dimension transversale, assure Guillaume Ernié, président d’AREP. Cela développe la solidarité tout en éliminant le problème d’imperméabilité entre les équipes de l’organisation précédente. » Autre avantage du dispositif : la réduction des à-coups, qui a le mérite de rassurer les clients.
Sensibiliser les clients
Prendre soin des équipes joue aussi un rôle important. Chez Beautiful Monday, Stéphanie Léonard organise ainsi des réunions hebdomadaires et un bilan semestriel sur les grands axes stratégiques. L’agence Chaïkana a poussé cette logique plus loin en associant les collaborateurs à l’aménagement de leur espace
de travail et en mettant en place une « concierge » : « Elle a pour mission de faciliter le quotidien des collaborateurs, de les aider à gérer les irritants ou à réduire les éléments qui leur font perdre du temps », explique son dirigeant Vincent Dumont. Chaïkana assure aussi porter une attention poussée à sa galaxie d’intervenants, en défendant notamment de bonnes conditions de restauration et de logement.
Au-delà des collaborateurs, sensibiliser les clients, dont les urgences n’en sont pas toujours, peut également s’avérer utile. « Nous devons accompagner les clients en termes d’anticipation, de pilotage et de planification, parce que travailler dans l’urgence a un impact négatif sur la qualité du résultat », plaide ainsi Vincent Dumont.
Portée par d’autres agences, cette démarche semble faire évoluer l’attitude des clients, estime Stéphanie Léonard : « Même si certaines directions des achats sont difficiles, l’enjeu RSE commence à peser, car l’image de l’entreprise
se joue aussi sur la qualité de l’événement. Ils savent qu’un événement monté dans la douleur, cela finit par se ressentir. Les clients sont revenus des modèles avec des équipes sous-staffées qui génèrent beaucoup de tension. »
En gagnant toujours plus d’importance dans les stratégies de communication des entreprises, l’événement est aussi devenu une vitrine de leur engagement social... Une conséquence sans doute inattendue mais positive pour tous les acteurs du secteur.
Inspirience, l’agence qui ferme à 18h30
Créée en 2013, Inspirience compte dix permanents atteints d’un handicap physique ou psychique. Elle gère aujourd’hui une cinquantaine de clients et réalise un chiffre d’affaires avoisinant le million d’euros. Un succès
qui ne doit rien aux « charrettes ». « Dans notre modèle social, nous n’avons pas d’amplitude horaire ou de durée de
travail atypiques, explique son fondateur et directeur général Grégoire Decaux. Nous avons adopté le principe du binôme dont chaque membre connaît les dossiers de l’autre et peut donc prendre la relève si besoin. » Les montages pouvant déborder des horaires habituels restent une exception. « C’est le résultat d’un rythme et d’une approche spécifiques, assure Grégoire Decaux. Être une petite agence aide à instituer ce type de règles. C’est bénéfique pour tout le monde. Avoir des gens surmenés ou fatigués n’est bon pour personne. » En 2017, Inspirience a lancé un dispositif pour favoriser l’emploi des personnes atteintes de handicap. Baptisé « Passerelle événementielle », il leur permet d’accéder à des missions courtes sur les événements. Une vingtaine de personnes en ont déjà bénéficié. Fin 2019, Inspirience compte faire profiter l’ensemble de l’écosystème événementiel de cette expertise.