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Des parents qui filment leurs jeunes enfants déballer des jouets fournis par des marques sur Youtube et génèrent assez de vues pour avoir cessé de travailler... la situation est permise par un vide juridique, et ne rime pas toujours avec éthique.

Des enfants stars filmés par leurs parents en train de tester des produits sur Youtube ou autres plateformes: le député LREM Bruno Studer a présenté mercredi 4 décembre une proposition de loi pour mieux encadrer le phénomène, qui ferait de la France une pionnière.

«Ce dont on parle, ce sont notamment des vidéos très regardées, parfois virales avec plusieurs millions de vues, où les parents cumulent les rôles de réalisateur et de producteur», impliquant des enfants «souvent très jeunes», a expliqué le président de la commission des Affaires culturelles et de l'Education de l'Assemblée, lors d'une conférence de presse.

Dans ces vidéos qui sont «souvent monétisées, générant des revenus pour les plateformes et les parents», il y a régulièrement «un recours par les marques au placement de produits».

Interrogé sur l'ampleur du phénomène, Bruno Studer a fait état de «connaissances limitées» à ce stade, évoquant «plusieurs dizaines de cas» et des revenus «qui permettent à certains parents d'avoir cessé toute activité».

Le travail des enfants est interdit

Or, selon Bruno Studer, ces vidéos font l'objet d'un «vide juridique», car «contrairement aux enfants du spectacle, les horaires et la durée de tournage de ces enfants ne sont pas encadrés par le droit du travail et les revenus générés ne sont pas consignés à la Caisse des dépôts jusqu'à leur majorité».

Partant du principe qu'«internet n'est pas un espace de non-droit» et que «le travail des enfants est toujours interdit sauf dérogation», sa proposition de loi entend encadrer ces pratiques, ce qui ferait de la France une pionnière, selon le député. Soutenue par le groupe majoritaire, elle pourrait soit être examinée par les députés directement, soit se concrétiser plus rapidement par des amendements au prochain projet de loi audiovisuel.

Le texte prévoit notamment de préciser les conditions dans lesquelles l'activité de l'enfant «doit être regardée comme un travail». Dans ce cas, comme cela se fait pour les enfants mannequins, il faudra un agrément préfectoral préalable. Et sans respect des règles, les plateformes devront retirer les vidéos.

8 ans et 22 millions de dollars

Pour les cas où la relation de travail n'est pas établie, le texte prévoit une déclaration obligatoire au-delà d'un seuil de temps consacré par l'enfant et de revenus à fixer par décret. Une partie de la rémunération sera conservée jusqu'à la majorité de l'enfant.

Les plateformes qui tirent des revenus de vidéos avec des mineurs devront aussi informer l'autorité administrative, sous peine de sanctions.
La proposition prévoit en outre «un droit à l'oubli» pour permettre à ces enfants de demander le retrait de ces vidéos.

Pour information, en 2018, le youtubeur le mieux payé du monde selon Forbes avait 8 ans. Le jeune américain Ryan a ainsi accumulé des millions de dollars en testant des jouets devant sa caméra. Plus précisément, entre juin 2017 et juin 2018 : 22 millions de dollars.

 

Mise à jour 04/12 à 16h

Suite à la publication de cet article, Youtube France a souhaité faire part de sa réaction, par la voix de l'un de ses porte-paroles : «Les familles viennent sur YouTube pour regarder des contenus de qualité, faire des découvertes et se divertir, et notre objectif est que leur expérience en ligne soit positive. C'est la raison pour laquelle nous avons créé YouTube Kids, une version de YouTube conçue pour les familles. C'est également pour cela que nous avons élaboré un guide de bonnes pratiques à destination des personnes qui souhaitent créer des contenus pour les familles, et que nous utilisons les toutes dernières technologies d'apprentissage automatique pour protéger les familles contre les contenus qui enfreignent nos règles. Nous pensons que les nouvelles technologies sont une importante source d'opportunités pour les familles et les enfants mais nous comprenons qu'elles puissent également soulever de nouvelles questions. Nous y réfléchissons, et restons à la disposition des autorités et des associations compétentes en France pour déterminer tous ensemble les meilleures pratiques dans ce domaine.»

 

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