Dossier Marketing
De Sézane à Cyril Hanouna, en passant par TikTok ou Sosh, toutes ces marques, plateformes ou personnalités sont parvenues, chacune à sa façon, à fédérer une communauté autour d’elles. Décryptage de huit stratégies gagnantes.
  • TikTok, l’authentique

Rien de plus fédérateur que la musique : tout le monde, ou presque, en écoute. Et le réseau social TikTok - héritier de la bien nommée application Musical.ly - n’est pas le dernier à bénéficier de cet engouement. Tandis que TikTok était au départ plébiscité par les plus jeunes, sa cible s’est aujourd’hui élargie. « TikTok fédère car il est le seul à prendre les réseaux sociaux à contrepied », entame Jérôme Duchamps, président fondateur de l’agence digitale Spoke. Si Instagram est devenu le royaume de la retouche photo, où chacun veut se montrer sous son meilleur jour, « il y a dans les challenges TikTok un côté accessible, authentique, qui plaît aux jeunes », illustre Julia Cadoux, fondatrice de l’agence d’influence Jaivy. « On a tous cette humanité, ce second degré, cette dérision. Au début, c’était ça, Instagram. Et surtout, on s’amuse… », poursuit Jérôme Duchamps. Voilà pour l’esprit général.

Côté fonctionnalités, le réseau a été pensé pour susciter l’émulation. Au-delà des challenges, « il est possible de refaire une vidéo en mode duo. Vous pouvez répondre à quelqu’un comme si vous étiez à côté de lui. Cela donne l’impression de discuter », décrit Jérôme Duchamps. Autre option : visionner toutes les vidéos réalisées avec une même musique.

Mais tout ne s’arrête pas à la plateforme en elle-même. « L’animation de la communauté passe par le recours à des personnalités comme Jimmy Fallon », explique Julia Cadoux. L’animateur américain a contribué à démocratiser l’usage de TikTok en proposant des challenges dans son émission.

  • Typology, le sens de la formulation

Entre Typology, marque de cosmétique née en ligne voilà près d’un an, et ses clients, il n'y a pas d’intermédiaire. D’où l’importance, pour cette spécialiste des soins naturels fabriqués en France, de cultiver sa proximité avec les consommateurs. « Nous pensions que les clients seraient les jeunes mais, en réalité, ils ont de 18 à 65 ans », précise Ning Li, son fondateur, également cocréateur du site de vente de meubles Made.com. « Avec eux, il y a un partage de valeurs. Nous avons cherché à faire des produits informatifs, transparents, sains, faits de formulations simples, sans ingrédients nocifs… C’est le premier moyen de véhiculer nos valeurs », poursuit l’entrepreneur. Et de fédérer autour de préoccupations communes. Pour que cela fonctionne, la marque, qui en novembre 2019, employait 24 personnes et cherchait à s’agrandir -, adopte aussi un discours qui n'est pas uniquement axé produit. « Nous communiquons aussi sur nos actions concrètes comme le Black for Good », témoigne Ning Li. Ce mouvement alternatif au Black Friday, rejoint progressivement par 80 marques, a permis de reverser des fonds à des associations.

Pour séduire, l’entreprise s’appuie, par ailleurs, sur ses réseaux sociaux. « Instagram est notre deuxième vitrine après le site. Nous mettons en avant visuellement nos produits, et le texte, c’est de l’information : ingrédients, formulations, conseils beauté… », développe Emin Sassi, directeur des communications de la start-up. Au total, 85 % des clients sont recommandés par le bouche-à-oreille. « C’est le pouvoir de la communauté qui fait fonctionner notre croissance », relève Ning Li.

  • Le bon goût partagé de Tal Spiegel, influenceur food

La pâtisserie. Les chaussures. Les deux n’ont a priori aucun rapport. Et pourtant, sur son compte Instagram, Tal Spiegel parvient à les assortir. Sur Desserted_in_Paris, chacune de ses photos présente un gâteau assorti à sa paire de chaussures du jour. Une patte reconnaissable entre toutes qui, depuis le lancement du compte en 2014-2015, a séduit 315 000 personnes - à 60 % des femmes, des personnes venues de France, des États-Unis ou d’Asie, et âgées de 24 à 40 ans. « Je n’avais pas planifié de construire une communauté, mais c’est arrivé… », sourit l’influenceur, avant tout chef pâtissier. Mais au-delà du sujet, à savoir les desserts, c’est un sens de l’esthétique, de la couleur, de la forme et surtout du design que les amateurs viennent aussi chercher sur le compte de cet ancien directeur artistique (ex-McCann Erickson Israël, entre autres).

Cette communauté de goûts se décline aussi, ponctuellement, IRL (in real life). « Parfois, on me reconnaît à cause de mes chaussures… Je peux croiser des abonnés sur des événements comme le Salon du chocolat », raconte Tal Spiegel. Par ailleurs, sa communauté n’est pas composée uniquement d’amateurs de pâtisseries mais aussi de chefs, qu’il avait souhaité rencontrer à son arrivée il y a quelques années dans la capitale française et qu’il contribue à faire connaître en montrant leurs réalisations sur son compte. Aboutissement ultime ? Le concept est copié et décliné par d’autres sur Instagram. « Cela prouve le pouvoir de la marque », analyse l’instagrameur.

  • Sport Heroes, une communauté en pleine santé 

« Tu peux courir ! » C’est l’un des messages que Sport Heroes Group, PME française d’une cinquantaine de personnes pour 2,5 millions de chiffres d’affaires en 2018, à l’origine de solutions technologiques encourageant la pratique sportive (running, vélo, natation, marche), adresse à sa communauté. Celle-ci se compose d’amateurs et amatrices de sport de tous les niveaux et ayant autour de 35 ans. « Le concept original n’était pas très communautaire : au départ centrés sur la course, nous proposions aux coureurs de gagner des points et des récompenses. C’était un service plus qu’une communauté mais très vite, nous avons voulu en construire une », se souvient Boris Pourreau, dirigeant cofondateur. Ainsi, Sport Heroes organise, par exemple, des événements permettant aux sportifs de courir ensemble. Elle compte aussi à son actif des événements de marques, comme pour Asics en novembre dernier, des projections ou encore des rencontres avec des athlètes. Un sillon - l’événementiel - qu’elle entend aujourd’hui continuer de creuser. Elle n’exclut pas dans le futur l’organisation de rassemblements à plus grande échelle. 

Pour animer sa communauté, Sport Heroes mise, par ailleurs, sur la gamification. « Le sport tout seul peut lasser. Si on veut maintenir l'engagement, il faut renouveler l’expérience », confie Boris Pourreau. Dix-huit challenges sont organisés chaque semaine. Enfin, l’entreprise envisage de se lancer très bientôt dans l’e-commerce, pour vendre des produits dérivés afin de cultiver son aspect communautaire.  

  • Sézane, une marque incarnée

Octobre 2019. La marque de mode Sézane ouvre son second magasin parisien, dans un esprit un peu différent du premier, une optique plus « Libre Service » (c'est son nom). Une façon d’ouvrir un peu sa communauté ? Toujours est-il que la griffe sait animer son cercle de clientes. « Sézane est la marque la plus customer centric du prêt-à-porter féminin », affirme Marie Dupin, directrice mode de l’agence conseil NellyRodi. Le fait que Sézane soit en contact direct avec les consommatrices, en tant que marque née sur le web, a favorisé les échanges. « Depuis le début, la marque joue sur la proximité, explique la spécialiste. Cela passe par un ton de voix, dans la newsletter, sur le site. C’est une marque “amie” : on a l’impression qu’on interagit avec quelqu’un qu’on connaît ». Ce côté « customer centric » passe aussi par la multiplication de services en ligne (retours gratuits…) et en boutique (conciergerie…).

Au-delà, la capacité de la fondatrice, Morgane Sézalory, à incarner sa marque, contribue aussi au dynamisme de la communauté. D’ailleurs, au démarrage, celle-ci « ressemblait énormément à sa créatrice. Elle saluait son courage de lancer une marque de prêt-à-porter, en ligne, menant de front sa vie d’entrepreneuse et de maman ». Aujourd’hui, même si l’équipe a bien grandi, « cela reste la vision de Morgane Sézalory. La boutique, les événements, les collaborations qu’elle choisit, jusqu’à la petite carte qu’on reçoit avec ses colis : tout est cohérent, léché, désirable ». Autant d’initiatives qui contribuent au succès de Sézane.  

  • Twitch, la communauté dans le stream

Sur Twitch, l’aspect communautaire existe depuis la création. « Il s’agissait au départ de filmer la vie d’un individu dans le cadre d’une téléréalité », rappelle Jérôme Duchamps, président fondateur de l’agence digitale Spoke. La plateforme s’ouvre ensuite au live-streaming, toujours au cœur de son offre aujourd’hui. Live de jeux vidéo, mais aussi autour de la musique, du divertissement… Voilà ce qui séduit les utilisateurs, principalement des hommes, jeunes, passionnés de gaming - souvent, mais pas systématiquement.

En pratique, les fonctionnalités proposées permettent de renforcer la communauté. « Payer un abonnement donne accès à une plus grande proximité avec le streamer [producteur de contenus] », explique Jérôme Duchamps. Par exemple, les abonnés sont plus visibles dans le chat permettant de discuter avec les streamers. Le chat que l’expert voit comme « le nouveau salon ». « Les conversations peuvent aller au-delà du jeu vidéo. Une autre forme de cérémonial du retour d’école », poursuit-il. Autre exemple, une monnaie virtuelle, le bit, permet de remercier ceux que l’on suit. « Une reconnaissance des fans envers les streamers », note Julia Cadoux, fondatrice de l’agence d’influence Jaivy.

Enfin, le modèle économique de Twitch contribue à ce que les communautés restent fortes. Si les marques peuvent faire de la publicité sur Twitch (lire Stratégies n°2015), les streamers, qui ont d’autres sources de revenus (abonnement, monnaie), n’ont pas besoin d’elles pour vivre. Ce qui peut changer la donne pour leur public.

  • Cyril Hanouna ou la « communauté réconciliée »

« Mes chéris », « mes amours ». C’est par ces petits noms que Cyril Hanouna appelle les fidèles de l'émission de C8, Touche pas à mon poste… Ils le lui rendent bien, donnant du « Baba » à celui qui, n’en déplaise à ses détracteurs, parvient à séduire un public, soir après soir, ayant constitué ainsi, au fil des émissions, une vraie communauté de fans. Tous, aussi divers soient-ils, peuvent s'identifier dans son programme. « Je compare Cyril Hanouna à un super maître d’école qui tient sa classe avec des chroniqueurs différents en termes d’âge, de sexe, de niveau intellectuel… Une sorte de communauté réconciliée autour de gens qui pourraient s’opposer », expose François Jost, professeur à la Sorbonne-Nouvelle et spécialiste des médias. Un maître d’école est là aussi pour faire régner l’ordre. « Il dirige avec ce côté punition, encouragement, exclusion du plateau, comme un père ou un prof sévère », poursuit celui qui, sur ce point, l’a aussi observé « profondément se radoucir » et se légitimer en traitant des problèmes sociaux, par exemple en invitant des Gilets jaunes.

Autre ciment de la communauté de Cyril Hanouna, l’anti-intellectualisme. « Il considère que Yann Barthès [sur TMC] est pour les bobos parisiens. Cyril Hanouna n’intellectualise pas les choses, il est dans l’émotion (embrasser, pleurer), et dans le refus de l’élite ». Et joue « l’enfantin » quand il fait croire à son chroniqueur Matthieu Delormeau qu'il vient d'assister à un meurtre. Enfin, sa communauté se prolonge sur les réseaux sociaux, où ses followers sont très actifs et prêts à le défendre s’ils l’estiment nécessaire.  

  • Sosh co-crée avec ses clients

4,5 millions de personnes sont passées chez Sosh, marque de téléphonie mobile créée par Orange en 2011. Et parmi elles - 675 000, plutôt des hommes, de tous les âges - ont fait un pas de plus en devenant membre du site Communaute.sosh.fr. Celui-ci permet aux membres d’échanger et de s’entraider sur des problèmes techniques ou des questions plus larges.

La particularité est que la communauté a été créée avant l’offre commerciale. « Dès le départ, nous voulions lancer une marque communautaire. En juillet 2011, via une page Facebook, nous avons proposé aux gens de nous aider à la co-construire », relate Eve Hohman, directrice de Sosh. Une philosophie restée au cœur des actions de la marque. Ainsi, Sosh mise sur les rencontres physiques avec sa communauté, comme les événements « Let’s talk about Sosh », qui ont permis, sur deux jours, fin 2017 puis fin 2018, à des clients et des membres de l’équipe d’échanger sur des projets concrets pour l’entreprise. Dans une version repensée, ce rendez-vous pourrait être reconduit en 2020. La marque organise aussi des rencontres avec une trentaine de top contributeurs, trois fois par an, pour travailler sur l’offre notamment. De quoi créer une proximité, avec l’équipe et entre les clients, de nature à renforcer le lien. « Ils se voient entre eux car ils se sont rencontrés à nos événements. L’un des moteurs de leurs implications est le lien social. Ils nous envoient des cartes postales… Il y a un vrai affect autour de la marque », explique la directrice. 

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