Communication de crise
Prises à partie par Sleeping Giants pour le financement de certains médias via leurs campagnes, les marques faisant acte de contrition sont épinglées par WatchingGiants. Quelle attitude adopter ?

Sleeping Giants vs WatchingGiants. Il ne s’agit pas là du dernier blockbuster américain mais d’un phénomène qui occupe pourtant ces derniers mois le haut de l’affiche sur les réseaux sociaux, Twitter en tête. De quoi donner de sacrés maux de tête aux annonceurs, pris entre deux feux éminemment contradictoires. D’un côté, Sleeping Giants, qui se présente comme un « collectif citoyen de lutte contre le financement du discours de haine » et qui n’hésite pas à enjoindre les marques à cesser de faire leur publicité dans des médias tels que Boulevard Voltaire ou Valeurs actuelles. De l’autre, WatchingGiants, né - entre autres - en réponse à la montée en puissance du premier nommé et qui se décrit comme un « lobby de consommateurs patriotes » ayant « un œil sur les prises de position des marques ». Concrètement, quand Sleeping Giants interpelle les marques et obtient gain de cause -on parle de plusieurs dizaines d’annonceurs ces dernières semaines, WatchingGiants réplique. Avec pour conséquence pour les marques de se faire parallèlement épingler par Valeurs actuelles sur son « mur de la honte ». Dernières cibles en date de WatchingGiants ? ManoMano, Qonto ou encore Easyjet. Et si quelques-unes ont choisi d’assumer publiquement de ne plus communiquer via Valeurs actuelles, la plupart des entreprises visées semblent découvrir le sujet - programmatique oblige - quand elles ne naviguent pas à vue face à ce cyberactivisme aux airs de chantage moral. D’où l'épineuse question consistant à savoir quelle réaction privilégier.

« Se positionner sans ambiguïtés »
Édouard Siméon, directeur de l'expertise crise de BCW France
« L’essentiel, ici comme pour d’autre situations polémiques, c’est de se positionner rapidement et sans ambiguïtés. Sur la forme, il ne s’agit que d’une énième confrontation d’idées entre deux côtés bien identifiés du spectre politique, à qui les entreprises servent de champ de bataille. On va demander aux marques de se positionner sur le plan de la morale, ce qu’elles ne savent pas faire et ce qui leur pose régulièrement problème. Or, à part changer d’avis, il n’existe rien de pire que l’eau tiède. Il faut faire un choix et ne plus en dévier. Ce ne sont pas les masses présentes qui décident des batailles, ce sont les masses agissantes. »

« Faire profil bas »
Romain Degrange, directeur du pôle corporate et crise d’Euros/Agency à Paris
« On retrouve deux blocs habituels, deux sphères particulièrement identifiées et actives sur les réseaux sociaux qui ont décidé de s’affronter sur le territoire des annonceurs. C’est un sujet sensible car très connoté politiquement et idéologiquement. Et si l’impact s'avère avant tout réputationnel plutôt que business, les annonceurs ont tout intérêt à faire profil bas et à ne pas communiquer, quel que soit leur choix. Car même s’il s’agit de leur plus stricte liberté, la précaution prévaut parfois sur le rationnel. Ce sujet soulève enfin la question de l’achat automatique d’espace ainsi que de la place des algorithmes et préfigure de l’observation totale qui sera bientôt faite des marques. »

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.