Étude
Les résultats du Trust Barometer Edelman, qui jauge la confiance des consommateurs à l’égard des institutions, font apparaître une défiance grandissante en France dont seules les marques semblent en mesure de s’extirper.

Des institutions malmenées

Les années se suivent et se ressemblent pour les institutions que représentent le gouvernement, les organisations non-gouvernementales (ONG), les entreprises et les médias. Avec une interrogation qui revient en boucle : comment regagner en crédit auprès des Français ? La 20ème édition du Trust Barometer, qui voit comme chaque année le réseau Edelman scruter les rapports entre pouvoirs et individus à travers le monde, révèle ainsi que la confiance des Français dans les quatre institutions étudiées se maintient à un niveau inférieur à la moyenne. Entre 2019 et 2020, elle gagne péniblement un point en passant de 44% à 45%. Au sommet du classement, figurent toujours les ONG, qui gagnent deux points (58%), et les entreprises, qui se maintiennent à 50%. Viennent ensuite les médias (37% seulement contre 36% en 2019) et le gouvernement qui, malgré une timide remontée de trois points, reste l’institution suscitant le plus de défiance (35%). « La confiance des Françaises et des Français se stabilise à un niveau très bas », ne peut que constater Marion Darrieutort, à la tête de l’agence parisienne Elan Edelman, figure de proue du réseau mondial dans l’Hexagone. « On remarque d’autre part qu’aucune des quatre institutions n’est perçue comme éthique et compétente. Les ONG sont ainsi considérées comme plutôt éthiques mais pas toujours compétentes, à l’inverse du gouvernement », éclaire-t-elle. À titre d’illustration, plus des deux tiers (69%) des Français disent ne pas avoir confiance en les dirigeants actuels pour régler les problèmes du pays…

Les entreprises tirent leur épingle du jeu

Dans ce marasme ambiant, les marques arriveraient donc à limiter la casse. Voire mieux ? « On constate depuis 2016 que l’entreprise devient une source de confiance. Ce pic, nettement visible les années précédentes, se confirme en 2020. Et ce n’est pas tant la confiance que les Français accordent actuellement plutôt que les espoirs qu’ils fondent en ces marques qui importe », poursuit la dirigeante. Preuve de ces attentes, près de trois quarts des Français (74%) jugent que les PDG devraient jouer un rôle de premier plan en matière de changement plutôt que d’attendre que le gouvernement leur en impose. Un désaveu de taille pour les organisations gouvernementales, sachant que les deux tiers des sondés (66%) estiment parallèlement qu’une société peut adopter des mesures spécifiques pour accroître ses bénéfices tout en améliorant les conditions économiques et sociales des communautés où elle opère. Enfin, signe supplémentaire de l’échappatoire que représente les entreprises, la fonction de chef d’entreprise apparaît en première ligne sur nombre de sujets. À titre d’exemple, l’immense majorité des sondés (90%) estime important que son PDG s’exprime sur des thèmes tels que la formation aux métiers du futur (79%), les inégalités de revenus (74%), l’usage éthique de la technologie (71%) ou la diversité (67%). Seule ombre au tableau pour les marques : le déficit de confiance des consommateurs tricolores vis-à-vis de secteurs d’activité comme la tech (-10%) ou la grande distribution (-9%), qui décrochent ostensiblement.

Des médias en souffrance

De son côté, le fossé entre le Quatrième pouvoir et les Français reste béant, dans le sillage de la défiance face à l’information en elle-même, sa qualité et l’usage qui peut en être fait. Ce sont ainsi plus d’un Français sur deux (52%) qui sont d’accord pour dire que les médias qu’ils utilisent sont contaminés par des informations non fiables, quand 69 % d’entre eux ont peur que de fausses informations soient utilisées comme une arme. Un chiffre en hausse de neuf points entre 2018 et 2020. « Il ressort clairement de ces chiffres que les Français se méfient et ont même peur des fake news », souligne Marion Darrieutort, relevant néanmoins « le retour en grâce du média traditionnel » en comparaison des autres sources d’information telles que les réseaux sociaux. Ce divorce entre médias et citoyens se retrouve d’ailleurs dans la considération portée à l’égard des journalistes, qui sont uniquement 38% à trouver grâce à leurs yeux. C’est certes plus que les leaders religieux (29%) mais moins que les chefs d’entreprise (40%), les leaders gouvernementaux (46%), les citoyens (57%) ou les scientifiques (78%). En d’autres termes, la confiance est rompue et il faudra probablement de longues années pour espérer remonter la pente.

Une France à deux vitesses

Le mal est profond. Entre les deux typologies de profils sur lesquelles s’appuie l’étude -« informed public » d’une part et « mass population » d’autre part-, l’écart atteint des sommets dans l’Hexagone. « Le niveau de confiance global en France s’élève à 63% pour les premiers nommés mais à seulement 42% pour la deuxième catégorie, soit un delta de 21%, ce qui constitue un record parmi les 28 pays étudiés », constate la présidente d’Elan Edelman. Autrement dit, l’écart de confiance entre les « élites » et la « population globale » n’a jamais été aussi criant. Dans le détail, seules les ONG obtiennent la moyenne (55%) pour la deuxième catégorie quand le gouvernement, qui ferme la marche chez les premiers nommés, affiche quasiment la même note (54%). Conséquence ? Ces craintes, partagées par une large part de concitoyens, débouchent sur un pessimisme solidement ancré. Parmi la trentaine de pays passés au crible, la France se classe en effet comme le pays le moins optimiste à travers le monde, juste derrière le Japon. « Seuls 19% des personnes interrogées en France considèrent que leur situation est amenée à s’améliorer dans les cinq ans à venir, soit quatre points de moins que l’année dernière », précise Marion Darrieutort, ajoutant que « 69 % des Français s’accordent à dire que, tel qu’il existe aujourd’hui, le capitalisme fait plus de mal que de bien dans le monde. Cela représente 13 points de plus que la moyenne mondiale. Il y a urgence à réconcilier ces deux France », conclut-elle.

Chiffres clés

21% Différentiel de confiance des deux typologies de population étudiées envers les quatre institutions majeures (ONG, gouvernement, entreprises, médias)
45% Confiance moyenne des Français à l’égard de ces quatre institutions en 2020 (+1 point par rapport à 2019)
50% Part des Français ayant confiance en les marques
52% Proportion des Français d’accord pour dire que les médias qu’ils utilisent sont contaminés par des informations non fiables
69% Part des Français considérant que le le capitalisme fait plus de mal que de bien dans le monde

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