Formation
Dans le secteur de la communication comme ailleurs, les acteurs de la formation initiale ne cessent d'adapter leurs maquettes pédagogiques aux besoins du marché. Data, RSE et création de contenu sont au cœur des innovations, en plus de l’adoption croissante des outils digitaux.

Poussées par l'évolution des métiers dans le secteur de la communication, les filières de formation initiale continuent d'explorer de nouveaux horizons. C'est le cas de l’Iscom, qui a choisi de creuser le sillon de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) en donnant plus de place aux problématiques des marques responsables et du marketing éthique dans les cursus. « En troisième année, nous avons transformé le cours de communication corporate pour le centrer sur les enjeux RSE de la communication des entreprises », précise Sylvie Gillibert, directrice des formations de l’Iscom. En 5e année, le programme « RSE et nouvelles économies » a été repositionné pour évoquer les grandes entreprises et plus seulement les petites structures, plus enclines à épouser les nouvelles formes d'économie. Cette approche va au-delà des seuls cursus. En 2019, les étudiants de 3e année ont ainsi contribué à la préparation d’un festival de cinéma dédié à l’urgence climatique. Convaincue que « les marques se déterminent en fonction des enjeux RSE », Sylvie Gillibert assure que « les sujets concernant ces enjeux, que ce soit à travers les problématiques soulevées ou les sujets de recherche personnelle, ont augmenté au moins de 20 % ces trois dernières années. »

De son côté, Sup de Pub oriente ses efforts sur la création de contenu avec, en 5e année, un nouveau programme marketing de contenu et brand content, destiné à attirer les profils littéraires. « Les marques recherchent des profils sachant rédiger et concevoir des scénarios ou des publi-reportages », explique Philippe Cattelat, directeur de Sup de Pub, qui déplore un « déficit stupéfiant » sur l’orthographe. La création d'une filière « communication et rédaction », accessible dès la troisième année à partir de la rentrée 2020, ne doit également rien à une intuition soudaine. « Le marketing se fait à l'oral mais aussi, et surtout, en construisant une narration sur le long terme. Le luxe, seul secteur où la France est leader dans le monde, est construit uniquement sur le long terme avec des histoires structurées. Il y a un aspect culturel très fort, qui passe par le prestige de l'écrit et la qualité de la rédaction et du scénario », insiste Philippe Cattelat.

Des espaces d’interaction

L’école W (groupe Abilways) compte apporter ce type de compétences à un tout autre public. En partenariat avec la faculté des sciences de Sorbonne université, elle va lancer à la rentrée 2020 un double diplôme. « Dès la licence, les étudiants scientifiques – informaticiens, biologistes, mathématiciens ou ingénieurs – pourront apprendre à informer et communiquer, explique Julie Joly, directrice générale de l'école W. Ils seront formés aux techniques de communication digitale, du journalisme, du storytelling et de la prise de parole. Aujourd'hui, on ne peut plus être chercheur sans savoir communiquer. »

Au-delà des contenus pédagogiques, l’innovation touche aussi l’environnement dans lequel travaillent les étudiants. Audencia a ainsi refondu ses amphithéâtres. Les étudiants accèdent désormais à plusieurs plateaux séparés par des barrières vitrées d’une capacité de 25 places assises et dotés d’un grand écran. « Nous avons voulu instaurer des espaces d'interaction favorisant le travail en équipe et la capacité de proposition », explique Nicolas Arnaud, directeur des programmes. Il estime que ces nouveaux espaces sont « particulièrement adaptés aux enseignements de marketing, de stratégie ou de management ». Tenant pour acquis que « les enseignants ne sont plus dans un rôle descendant », il les voit « de plus en plus [comme] des sachants et des experts ».

Depuis la rentrée 2019, l’Ecole Supérieur du Digital (ESD) a misé quant à elle sur Beecome, un outil collaboratif similaire à Slack mais conçu pour l’environnement éducatif. « Il est doté d’une interface adaptée qui gère les projets, les classes, les communautés et les livrables, explique Mélanie Viala, directrice générale de l’ESD. C'est un outil qui simplifie la gestion des professeurs, qui disposent d'un tableau de bord leur permettant de savoir qui a déjà remis le livrable demandé, combien de temps il reste avant la date butoir... » Un module de classe virtuelle a été déployé en décembre. « Il permet aux élèves de voir leur professeur mais aussi l'activité qu'il veut leur montrer et d'échanger avec lui, précise Mélanie Viala. Le professeur peut de son côté voir qui est présent. » Initialement mis en place pour limiter l’impact des grèves de décembre et janvier, ce module va intégrer la panoplie des outils existants.

Arrivée de la data

Parallèlement aux outils digitaux, la data commence à irriguer les cursus. L’ECS Bruxelles (European communication school, groupe Mediaschool, propriétaire de Stratégies) a choisi la méthode douce, avec des conférences et des ateliers afin de « sensibiliser » ses étudiants à la data. En octobre 2019, un data scientist est par exemple venu exposer les grandes lignes de son travail tandis que le mathématicien belge Paul-Olivier Dehaye, qui a permis de dévoiler le scandale Cambridge Analytica, viendra faire une conférence en mars.

Depuis septembre 2019, le CFJ et Sciences Po Lyon proposent également un master sur la data et l’investigation, qui accueille une quinzaine d’étudiants intéressés par les sciences sociales et économiques. « L’objectif est de former des journalistes capables de comprendre la data, de la donner à voir et de la vulgariser, affirme Julie Joly, directrice du CFJ. Nous avons conçu un parcours qui tienne compte des besoins de compétences de notre secteur. » Les étudiants passent leur première année à Lyon et la seconde à Paris, où ils sont plongés dans un environnement plus pratique et professionnel en lien avec leur future profession.

Quant à la digitalisation des cours, elle s’approfondit tout en suscitant des attitudes et des choix toujours plus spécifiques. Chez Audencia, elle ne suscite pas un élan irrépressible : « Nous ne sommes pas des ayatollahs de la formation en ligne, résume Nicolas Arnaud. Nous sommes mesurés sur ce point et nos étudiants ne manifestent pas d’attente particulière. Ils ont besoin d’être encadrés. » Chez Sup de Pub, le volume de cours en ligne augmente de 10 % par an. « Le degré d’avancement dépend aussi de la nature des matières, indique Philippe Cattelat. C’est dans le marketing que le digital est le plus avancé. Dans les filières créatives ou techniques, c’est beaucoup plus difficile. »

We will coach you !

À Bruxelles, l’ECS (groupe Mediaschool) mise sur des ateliers de « soft skills » pilotés par des coachs certifiés. Pendant plus d’une heure, la dizaine d’étudiants participants sont accompagnés pour surmonter leur manque de confiance en eux, mieux gérer leur stress ou encore améliorer la qualité du travail en groupe. « Nous organisons en moyenne trois ateliers par an, voire plus, explique Barbara Claeys, sa directrice. Nous avions proposé ces ateliers il y a trois ans sous forme facultative mais ils n’attiraient que très peu d’étudiants. Comme j’étais convaincue de leur nécessité, nous les avons rendus obligatoires en 2019. Les étudiants sont désormais très demandeurs. »

 

Le retour de la rhétorique

Supprimée du concours de l’agrégation de lettres classiques en 1904, la rhétorique fait un timide retour. L’Iscom a réintroduit en première année un cours sur « l’art du débat et la rhétorique » après avoir constaté que le précédent cours sur la maîtrise de l’oral ne remplissait plus les attentes professionnelles actuelles. Il fallait passer à un autre stade, explique Sylvie Gillibert, directrice des formations et du développement : « Il faut que les étudiants soient en mesure de maîtriser la structure générale du discours, apprennent à argumenter en s’appuyant sur le discours de leurs contradicteurs. » Fini donc le temps des présentations se concluant par quelques échanges de politesse. L’enjeu est désormais l’adhésion de l’interlocuteur.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.