Snapchat
À la tête du bureau français de Snapchat depuis son inauguration en 2016, Emmanuel Durand poursuit une mission prioritaire d’évangélisation de ce réseau social souvent mal compris.

Quatre. C’est le nombre d’années qu’il nous a fallu attendre avant d’obtenir l’opportunité de réaliser le portrait du directeur général France de Snapchat. Mais la communication du groupe californien semble se détendre et nous a accordé un entretien. Et ça tombe bien, Emmanuel Durand est un homme loquace, qui se plaît à analyser son parcours et à mettre en perspective ses différentes expériences professionnelles, qui ont forgé le dirigeant qu’il est aujourd’hui. Diplômé de l'université Paris Dauphine, il a entamé sa carrière chez M6 Publicité, responsable des opérations spéciales, avant de rejoindre Universal, comme directeur de la pub, puis Sony, comme directeur marketing. Après huit ans passés dans le secteur de la musique, ce « passionné de médias et de contenus » saisit une opportunité d’embauche « paradoxale » au sein du groupe L’Oréal, en tant que directeur de la marque La Roche-Posay à Zurich. « La cosmétique n’était pas du tout mon domaine. Mais ce passage a été extrêmement formateur : j’y ai appris que j’aimais apprendre. J’ai dû tout découvrir par moi-même, tout en prouvant ma légitimité. Je tente désormais de toujours conserver cette posture d’apprenant dans mes fonctions, ne jamais me positionner en expert », révèle-t-il. C’est pourquoi, de retour à Paris pour contribuer à la transformation digitale du groupe Warner Bros en tant que vice-président France & Benelux, Emmanuel Durand décide parallèlement d’écrire des ouvrages sur l'impact de l'innovation et des nouvelles technologies dans le secteur culturel (1) et de devenir maître de conférence à Sciences Po.

 

L'incompris

Quand on lui propose d’ouvrir le bureau français de l’application à succès Snapchat, en octobre 2016, il accepte volontier de relever le défi de bâtir, «à partir de zéro», une culture d’entreprise, passant de cinq à trente salariés en quatre ans. «Cette société me correspond parfaitement. Ce n’est pas une boîte d’ingénieurs. Evan Spiegel, le CEO, est designer à l’origine. Il a centré son outil sur l’humain plus que sur la tech. Snapchat est une entreprise qui sait se remettre en cause. C’est une position unique dans le secteur». Emmanuel Durand reconnaît qu’un très grand travail d’évangélisation reste à opérer pour convaincre à la fois les utilisateurs, les annonceurs, les médias et les institutions politiques. Le réseau social étant très souvent mal compris. A commencer par le préjugé persistant autour de la jeunesse de ses membres. Pourtant, parmi les 14 millions d’utilisateurs quotidiens en France, Médiamétrie décèle que plus de la moitié sont âgés de plus de 25 ans. «Je fais souvent le rapprochement avec la série de romans Harry Potter. Le premier tome a été lu par les enfants de 13 ans, mais ceux-ci ont grandi à mesure que les épisodes paraissaient. C’est pareil avec Snapchat, née en 2011. » 

 

Secteur mouvant

Chaque trimestre, les résultats financiers de la plateforme sont scrutés à la loupe, comme si les observateurs guettaient la moindre preuve de la dérive de Snapchat. Mais celui qui a vécu la période d’entrée en Bourse de M6, «la chaîne de trop», aujourd’hui devenue incontournable dans le paysage audiovisuel français, ne connaît que trop bien les doutes qui enveloppent les nouveaux arrivants. « Mais nous avons la chance d'avoir un produit meilleur que ce que les gens pensent. Pour cela, nous avons parfois fait des choix qui peuvent paraître contre-intuitifs pour réussir dans le milieu du social media. Par exemple, nous n’avons jamais cédé au principe des "likes", ni à l'affichage du nombre de vues. L’appli s’ouvre sur le mode caméra et non sur un feed à scroller passivement. Nous ne distribuons pas les contenus de manière à les rendre viraux. Snapchat est un espace plutôt fermé sur lui-même. Le choix de l’éphémère, aussi, contribue à la fois à la liberté et à la sécurité », détaille-t-il. Pour le directeur général, il est clair que le marché regarde l’outil avec de mauvais critères, le comparant trop souvent à des concurrents supposés. Snapchat, orienté messagerie privée, ne serait selon lui pas un réseau social comme les autres. « L’idée est de reproduire le contrat social millénaire de l’oralité, de permettre à tous de s’exprimer librement au sein d'un environnement sécurisé et sain. Je me retrouve beaucoup dans cette posture, à la fois innovante et traditionnelle », confie celui qui semble pleinement en phase avec ce secteur technologique « mouvant », « riche d’inconnus », « qui écrit son histoire au jour le jour », et au sein duquel il assouvit sa soif d'apprendre.

 

Parcours

1968. Naissance

1991. Master 2 Management des télécoms et des médias à Paris Dauphine

1993. Commercial chez M6

1995. Directeur de la publicité chez Universal Music

1999. Directeur marketing chez Sony

2004. Directeur de la marque La Roche-Posay (L'Oréal)

2009. Vice-Président, marketing France & Benelux chez Warner Bros.

2016. Directeur général France chez Snapchat

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