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Ces dernières semaines ont fait évoluer la perception qu'ont les consommateurs de leurs données personnelles ainsi que la gestion des datas par les entreprises. Elles ont aussi redessiné les enjeux actuels autour de la donnée, par exemple sur les cookies tiers.

C’était au temps pas si lointain où chacun était encore confiné chez soi. Chaque semaine apportait son lot de débats, d’interrogations, d’avancées ou de retours en arrière sur StopCovid, l’application imaginée par le gouvernement afin d’aider à endiguer la pandémie, et qui devait être lancée le 2 juin. Parmi ces interrogations figuraient - et figurent toujours - la question des données personnelles de santé à partager ou non avec d’autres pour que cette application, censée avertir l’utilisateur du risque potentiellement couru en fonction des personnes qu’il a croisées, puisse fonctionner. « C’est un peu comme avec le RGPD. Le débat a fait évoluer le niveau de connaissance et de préoccupation des consommateurs sur le sujet », estime Raphaël Fétique, cofondateur et directeur associé de Converteo, société de conseil en digital et data. Autrement dit, si la data est longtemps restée une préoccupation d’experts, l’actualité récente a contribué à renforcer l’idée que le thème concerne tout le monde. Chacun est producteur de données et a le droit de savoir celles que des tiers possèdent à son sujet.

Levée de boucliers 

Dans la situation actuelle, le débat est allé un cran plus loin. Avec StopCovid, l’État pourrait être en situation de collecter des données sur les citoyens. « Cela devient politique », analyse l’expert. « Le citoyen est assez paradoxal. Il donne des données de santé à son employeur et à énormément de services en ligne. Lorsque l’État commence à s’en mêler, une levée de boucliers se produit », relève Gabriel Amirault, manager cybersécurité chez Wavestone, cabinet de conseil en transformation des entreprises. Complexe, la question cache en fait un enjeu essentiel : celui de savoir ce que chacun serait prêt à céder pour accéder à des services - comme avec Google ou Facebook, pour ne pas les citer. Sur ce point, la situation a évolué tout au long du confinement. « Au bout de sept semaines, les avis des Français ont glissé vers une majorité de personnes prêtes à utiliser une telle application », se souvient Raphaël Fétique.

Autre coup de projecteur mis sur ces enjeux durant la période : « les technologies développées pour le marketing digital ont révélé leur potentiel dans le domaine sanitaire et médical », complète Pierre Harand, associé chez Fifty-Five, société spécialisée dans la data. De quoi, là encore, sortir la question d’un débat d’experts du marketing digital.

Des évolutions en termes d'attitudes

Côté entreprises, qu’elles soient issues de l’ad tech ou non, force est de constater que la crise a également fait évoluer les attitudes vis-à-vis des données et de leur traitement, à commencer par les données internes. « La première question qu’elles se sont posées avant le confinement est de savoir ce qu’elles avaient le droit de faire avec les données de leurs collaborateurs », retrace Gabriel Amirault. Certaines sociétés ont en effet été amenées à collecter des informations (symptômes du Covid-19…) pour prendre des mesures d’isolement. Elles ont dû, alors, se poser la question de la collecte, de la centralisation et, pour les plus matures, de la durée de conservation des données. Il leur a aussi fallu ouvrir les systèmes d’information pour que les collaborateurs continuent à travailler à distance. Des débats similaires se posent actuellement pour la gestion du déconfinement, alors que la présence dans les locaux doit être adaptée.

Critère géographique

Au-delà, la question de la data se pose également plus que jamais sur le terrain du business. « Les préoccupations des clients n’ont pas beaucoup évolué. L’urgence d’accélérer leur transition vers le digital et l'e-commerce a été confirmée », constate Pierre Harand. Or pour exceller en matière d’e-commerce, la data est clé. Par ailleurs, si la crise a conduit nombre d’annonceurs à couper leurs investissements publicitaires – plus besoin de tracker les résultats – la reprise s'effectue notamment sur le digital où, là encore, la data est au centre. Elle permet, en effet, de gérer les leviers à activer pour communiquer au mieux. Autre impératif pour atteindre cet objectif : « appliquer une granularité fine au niveau géographique car le déconfinement ne se fait pas au même rythme partout, remarque Raphaël Fétique. Les réalités terrain sont d’autant plus importantes dans la prise de choix. » Beaucoup de marques ont privilégié le national pendant le Covid-19 pour rester à l’esprit des consommateurs. En parallèle, elles vont désormais devoir affiner leur approche.

Fin des cookiers tiers : l’indigestion

Le Covid-19 a fait bouger les débats autour de la data, en particulier celui des cookies tiers. Début 2020, Google en avait annoncé la suppression sous deux ans sur Chrome, tandis que la Cnil émettait, sur le recueil du consentement, un projet de recommandations peu favorable à la publicité en ligne. « J’espère que cela va être un bénéfice de la crise : remettre le sujet en perspective », explique Pierre Harand, associé chez Fifty-five. Et l’expert de pointer « l’excès de zèle » de la Cnil et de souligner l’absence de scandale de fuite de données personnelles liées aux cookies tiers. Pour lui, il y a « d’autres combats à mener, comme celui autour du fait que Google et Apple organisent le partage des données de suivi ». Derrière la question des cookies tiers, « le vrai sujet est l’identification », juge Raphaël Fétique, cofondateur de Converteo, qui met en avant la « notion de web anonyme vs web connecté ». Google et Facebook parviennent, en offrant des services, à donner envie aux consommateurs de se loguer, ce qui leur permet de savoir exactement quel internaute fait quoi. En attendant que le débat soit tranché, les entreprises se mettent en ordre de marche. « Elles vont basculer de la donnée third party à la donnée first party. L’enjeu est de se concentrer sur un consentement en toute transparence en montrant la valeur ajoutée de cela », explique Armelle Plassart, manager consumer goods and services chez Wavestone.

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