Santé
À la tête de la communication et des affaires publiques de la Fédération hospitalière de France, en première ligne avec le Covid-19, Guillaume Papin estime que le système hospitalier public sort grandi de cette crise, grâce notamment à une communication pragmatique.

Même si la prudence reste de mise, le plus dur semble passé pour les hôpitaux français. Comment affronte-t-on une telle tempête sanitaire et médiatique ?

Guillaume Papin. Avant toute chose, il faut rester prudent. Cette crise est caractérisée par une incertitude totale, comme on a pu le voir sur les plans scientifique et sanitaire. Sans même parler des dommages économiques et sociaux que ce blackout a provoqué. L’incertitude a été et reste le facteur clé de cette crise. Il va de soi que la Fédération hospitalière de France, qui est en quelque sorte le Medef de l’hôpital en représentant les intérêts d’un millier d’établissements publics de santé et de la quasi-totalité des structures médico-sociales publiques du pays, s’est retrouvée au cœur de la tempête. La gestion de la communication s’est faite en plusieurs étapes. Dans un premier temps, alors que l’épidémie était encore marginale, il a fallu privilégier une communication destinée à rassurer. Cela passait par le fait de rappeler que l’hôpital public est une entreprise complexe aguerrie à gérer des crises importantes. Dans un deuxième temps, nous avons basculé vers une communication d’ordre pédagogique, dans le sillage de l’activation du plan blanc. L’objectif était de faire comprendre au grand public ce que cela impliquait, comme par exemple l’arrêt temporaire de certains soins. Troisième étape, une communication dite d’alerte, qui s’est déroulée principalement en off avec les pouvoirs publics afin de ne pas créer de vent de panique inutilement. Dans la foulée, c’est une communication citoyenne qui a été mise en place avec le confinement et qui s’est traduite par un appel à l’union sanitaire sacrée. Cinquième jalon, une communication de mobilisation autour de l’extraordinaire élan de solidarité des citoyens et des entreprises. Enfin, la sixième et dernière étape correspond à la communication de sortie de crise, qui prend des formes diverses, comme par exemple rappeler aux malades que l’accès aux hôpitaux est à nouveau effectif pour certaines pathologies. En résumé, la FHF a fait le choix de communiquer avec humilité et pragmatisme.  



Par volonté de transparence, faut-il tout dire ?

La transparence, c’est le b.a.-ba de la communication de crise. Il faut être factuel et transparent, à une nuance près. En d’autres termes, il faut tout dire mais il est préférable d’avoir des solutions à proposer avant de communiquer. Nous connaissions parfaitement la réalité du terrain grâce aux remontées locales dont nous disposons et aux réunions de crise organisées quotidiennement durant la pandémie. Néanmoins, il fallait prévenir le piège consistant à tomber dans une communication trop anxiogène. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de soigner chaque prise de parole et de ne pas livrer des informations brutes sans avoir un plan pour y répondre. L’équipe de communication de la FHF, qui représente cinq personnes, était d’ailleurs accompagnée en complément durant la crise par une équipe de l’agence Havas Paris, sélectionnée après appel d’offres il y a environ un an.



Comment se sont articulées les prises de parole de la FHF avec celles de Santé publique France et du ministère de la Santé notamment ?

La répartition est claire et s’inscrit dans une optique de co-construction. La Fédération hospitalière de France, indépendante du ministère de la Santé, n’a pas débordé de ses prérogatives habituelles en termes d’information et de communication, à quelques rares exceptions. Comme par exemple avec l’aide proposée spontanément par de nombreuses entreprises, que ce soit sous la forme de matériel médical – masques, gel hydroalcoolique… –, de dons financiers ou encore de tablettes pour aider les seniors à lutter contre l’isolement. Nous avons même eu le cas d’un cabinet de recrutement qui a souhaité contribuer à son échelle en effectuant gracieusement des recrutements. Nous avons été extrêmement sollicités mais la FHF n’est pas une fondation ! C’est la raison pour laquelle la fédération a noué une stratégie d’alliance avec la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France et sa présidente Brigitte Macron. La FHF a par ailleurs mis en place de nombreuses initiatives solidaires ces dernières semaines : Maradon sur YouTube, sortie d’un disque, partenariat avec Flying Blue… Au total, ce sont déjà plus de 30 millions d’euros qui ont été redistribués aux établissements de santé et médicosociaux depuis le début de la crise. La FHF a quand même accepté certains dons en direct comme celui de Generali à hauteur de 3 millions d’euros pour les hôpitaux en première ligne.



Cette crise révèle-t-elle au grand jour la dégradation du statut de l’hôpital public ?

L’épidémie n’a pas uniquement mis à jour la crise de l’hôpital public, même si celle-ci a été la plus visible avec son lot d’images fortes, comme les transferts de patients en avion et en train vers d’autres régions de France et même d’Europe. Cette crise a également mis en lumière les difficultés que connaissent les Ehpad, qui représentent près de la moitié des décès. Il faut tout de même rappeler que certains résidents sont morts de tristesse en raison de l’isolement, qui reste à l’heure actuelle un sujet éminemment problématique. L’hôpital public est un bien commun qu’il faut préserver à tout prix.



La FHF va-t-elle sortir grandie de cette crise ?

La FHF n’a pas vocation à être connue et reconnue du grand public comme peut l’être une marque. Notre rôle, c’est d’influencer les parties prenantes, les acteurs publics et le secteur de la santé à chaque prise de position. La FHF a la légitimité pour le faire et est extrêmement entendue. À ce titre, des annonces fortes ont été réalisées très tôt durant la crise quant à un plan massif d’investissements pour l’hôpital public. Il faut que ces paroles soient suivies d’effets. C’est la raison pour laquelle nous sommes très vigilants quant à l’avancée des négociations du « Ségur de la santé ».

Chiffres clés

1924 Création de la Fédération hospitalière de France.

4800 Nombre d’établissements publics de santé ou médicosociaux (maisons de retraite et maisons d’accueil spécialisées autonomes) que représente la FHF, dont près d’un millier d’hôpitaux.

29663 Nombre de décès recensés causés par le Covid-19 en France à la date du 22 juin.

78% Part des Français ayant confiance dans les hôpitaux selon une étude récente d’Opinion Way pour le Cevipof. C’est de loin l’institution la plus plébiscitée.

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