Tribune
La crise du Covid a fait évoluer les mentalités des consommateurs en faveur d'une consommation plus durable. Aux entreprises du numérique de mieux prendre en compte leur impact environnemental si elles veulent rester dans le jeu.

Quand le président de la République se prononce pour une économie «résiliente» lors de sa déclaration du 13 avril, acteurs privés, publics et citoyens ont pu se sentir concernés et interroger leur rôle dans cette nouvelle trajectoire. S’il est un secteur qui doit saisir cette opportunité pour revoir son rôle, c’est celui du numérique. Face aux usages digitaux croissants, les entreprises du secteur doivent revoir leurs modèles et faire converger transition écologique et croissance soutenable, pour elles comme leurs utilisateurs.

Outil indispensable de notre quotidien, le numérique représente 4% des émissions de gaz à effet de serre, soit plus que celles émises par le secteur aérien aujourd’hui. Il devrait par ailleurs atteindre 8% des émissions globales d’ici 2025. Nos usages digitaux continuent de s’intensifier, sans prendre en compte les limites de nos ressources énergétiques. Derrière le mot «big data», se cache aussi un volume croissant de données stockées parfois dans des data centers lointains pour, in fine, une exploitation minime comparée aux masses récoltées. De nouveaux outils comme la 5G nous pousseront aussi d’ici peu à une consommation mobile encore accrue. Les usages suivent donc naturellement la courbe de croissance du secteur mais rares sont les entreprises du numérique à s’interroger sur la surutilisation des ressources naturelles que cela implique.

Le digital reste un rouage majeur de nos vies, professionnelles comme personnelles. Il ne s’agit en aucun cas de le renier et de prôner l’anti-consommation. Les acteurs du secteur doivent cependant travailler à lui donner une autre direction que celle empruntée jusqu’à présent, lui offrir une croissance soutenable et le mettre au service d’une transition globale et systémique.

Les consommateurs comme principaux arbitres

Une autre urgence à prendre en compte pour avancer vers ce nouveau paradigme est indéniablement la voix des consommateurs. Avec la crise du Covid-19, qui a servi d'électrochoc, ces derniers montrent un certain changement de mentalité, encore à ses prémices. Le circuit court et la consommation locale sont sortis grands champions du confinement et certains modèles de consommation ont été bousculés.

L'e-commerce en est un exemple frappant. Les acheteurs ont été amenés à reconsidérer la facilité d’un achat en un clic, pour des produits qui ne sont pas toujours fondamentaux. Face à l’encouragement du «toujours plus» et surtout du «toujours plus neuf», les plateformes capables de mettre en relation acheteurs et vendeurs plus localement et durablement ont su tirer leur épingle du jeu, comme Leboncoin, largement plébiscité ces dernières semaines, ou encore Backmarket, site de reconditionnement d’appareils électroniques.

Si la finitude de nos ressources naturelles n’est pas un présage suffisant, les entreprises du numérique refusant d’évoluer devront affronter un nouvel obstacle, celui de l’arbitrage des consommateurs. Et cet arbitrage fait rarement de cadeau. Si les consommateurs évoluent, les offreurs de service le doivent aussi.

Le numérique doit devenir la solution

En poursuivant sa route actuelle, le numérique posera rapidement un problème écologique majeur et difficile à appréhender. Certains craignent d’ailleurs un black-out des réseaux internet et mobile dans les prochaines années face à l’essor fulgurant de leur utilisation. Mais au-delà, le numérique peut surtout devenir l’accélérateur d’une transition capable de converger avec une croissance sobre et résiliente.

Ce challenge de la préservation de nos ressources s’impose bien sûr aux consommateurs, mais il s’impose surtout et avant tout aux entreprises du secteur, qui doivent revoir leurs modèles dont la principale faiblesse réside aujourd’hui dans la non-intégration des externalités négatives écologiques du numérique et de ses usages, comme la consommation électrique croissante ou l’impossibilité de recycler certains composants.

De nouveaux modèles d’activité et de croissance doivent être trouvés, plus transparents sur les externalités négatives qu’ils peuvent engendrer pour accompagner la prise de conscience. Le design thinking, méthode d’innovation utilisant les outils du designer, peut ainsi embarquer de nouveaux critères plus globaux et systémiques (pollution générée, accès à l’eau, consommation électrique) dans ces modèles, pour comprendre les impacts négatifs d’un produit numérique, de sa création à sa fin de vie. Il devient ainsi la fondation d’un design éthique, plus que jamais nécessaire. C’est aux entreprises du numérique aujourd’hui de saisir leur rôle dans cette nouvelle croissance, pour la transformer en impulsion durable et solide.

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