Boissons
Perrier, accompagné d’Ogilvy Paris et du réalisateur Cary Joji Fukunaga, revient aux fondamentaux avec un film coup de poing et une signature historique en phase avec un marché en voie de recomposition.

« De l’eau, de l’air, la vie ». Quoi de plus naturel ? Mais ce qui peut sembler couler de source depuis toujours n’est plus forcément avéré. Réchauffement climatique oblige, en témoigne l’augmentation galopante du thermomètre aux quatre coins du globe, l’eau se raréfie. Or, qui dit rare, dit précieux. Et dans un monde écrasé par un ardent zénith façon Mad Max, une bouteille de Perrier fraîche est un bien qui ne se monnaie pas. C’est à travers cet univers résolument dystopique et la course-poursuite effrénée entre une cavalière détentrice du précieux sésame et une foule assoiffée, que la marque du groupe Nestlé a misé pour sa nouvelle campagne internationale. À la baguette, l’agence Ogilvy Paris et le réalisateur américain Cary Joji Fukunaga, connu notamment pour la série True Detective. Et le résultat est dans la droite ligne du travail de ses glorieux prédécesseurs, de Jean-Paul Goude et son immortelle « Lionne » à Ridley Scott et son inoubliable « Danse cosmique ».

Advertainment

« Cela faisait quelques temps que Perrier se cherchait un peu ou, pour le dire autrement, avait un peu moins d’impact. À ce titre, l’objectif de la campagne consiste à réinstaller Perrier dans la pop culture avec une saga publicitaire à la hauteur de celles qui ont fait sa grandeur », pointe Emmanuel Ferry, co-président d’Ogilvy Paris, rappelant « le rôle précurseur de la marque dans le domaine de l’advertainment ». Et il faut bien reconnaître que ce dernier n’a pas tort. Tant sur la réputation créative de la griffe, qui n’est plus à faire, que sur le relatif coup de mou connu ces dernières années, à l’image d’une signature - « Go for the extraordinaire » - au franglais pour le moins douteux…

Retour aux sources donc avec un slogan historique aux allures de valeur sûre, développé en 1991 par Ogilvy&Mather, déjà. Tout sauf un hasard lorsqu’on sait que même Richard Girardot, ex-DG de Nestlé Waters France, et Daniel Sicouri, président d’Ogilvy à l’époque, ont été conviés au séminaire originel de cette campagne au nom de code évocateur : Renaissance. « La genèse de cette opération, c’est de retrouver les fondamentaux qui ont fait la force de la marque. On parle d’éléments de fond comme la désirabilité ou le choix ultime pour étancher la soif. Mais aussi d’éléments de forme avec des histoires fortes, symboliques et souvent portées par une héroïne qui, dans le cas présent, protège son Perrier mais avant tout la vie puisqu’on réalise à la fin que celle-ci est enceinte », reprend Emmanuel Ferry, en écho à « un film qui respecte les codes actuels de l’entertainment ». De là à penser que Perrier entend faire du neuf avec du vieux, il n’y a qu’un pas à ne surtout pas effectuer.

« Cary Joji Fukunaga se caractérise par une écriture très contemporaine. On retrouve dans cet opus une ambiance de western spaghetti moderne avec un film à la croisée des chemins, qui comporte des références aux jeux vidéo ou aux films d’action. Il a apporté sa patte en entrant finalement assez aisément dans l’univers de la marque », souligne le dirigeant quant à une campagne déployée massivement sur les marchés clés de la marque (France, États-Unis, Canada, Chine…), avant d’autres vagues programmées en France et à l’international dans les mois à venir. Le tout sans oublier le reveal de la campagne, effectué en grande pompe à l’occasion de la finale de Roland-Garros, dont Perrier est un sponsor historique.

Plus de doute : les grands moyens sont de sortie. Car si Nestlé Waters, la branche eaux du géant suisse, affiche plus de 7,25 milliards d’euros de ventes l’an passé, elle le doit en large partie à Perrier. Difficile de savoir à quelle hauteur tant la communication du groupe est verrouillée. Ou tout du moins avare en données chiffrées. Toujours est-il que depuis la crise du benzène ayant permis à Nestlé de mettre la main en 1992 sur le numéro un français des eaux minérales, la marque affiche une progression constante. Et des ambitions tout aussi insolentes. D’un peu plus d’1 milliard d’unités produites en 2013, la marque se fixe pour objectif d’atteindre une production de 2 milliards de « cols » à horizon 2021, soit plus de 50% d’augmentation par rapport au niveau d’activité de 2016 !

Cette accélération, Perrier, présent dans plus de 140 pays, la doit aussi à la diversification récente de son offre. Perrier fines bulles, Perrier aux arômes naturels, Perrier&Juice… La marque n’a de cesse de décliner ses produits, reflet des attentes actuelles des consommateurs ainsi que d’un secteur en voie de recomposition. « Le marché de l’eau se diversifie, entraînant une multiplication des acteurs et donc des concurrents », note Emmanuel Ferry, pour qui le but de la campagne est également de « renouveler l’intérêt et le regard sur la marque ».

Plastic bashing

Mais au-delà de cette concurrence exacerbée, Nestlé Waters doit surtout faire face à un adversaire autrement plus pressant : le plastic bashing. De l’aveu même d’un PDG d’un acteur majeur s’étant confessé récemment au Figaro, le marché des eaux en bouteilles subit une véritable secousse. Ces attaques contre le plastique et son impact environnemental ont coupé net la dynamique d’un secteur en pleine santé depuis une dizaine d’années. Le phénomène, que les géants des boissons regardaient encore de loin il y a peu, a déferlé sur le devant de la scène en moins de 18 mois. Le choc est tel que les leaders mondiaux que sont Danone, Coca-Cola ou Pepsico réorganisent leurs activités d’eaux en bouteille, dont les volumes sont à la peine depuis un peu plus d’un an. Certains revoient même déjà drastiquement leur portefeuille. Et Nestlé ne déroge pas à la règle puisque le groupe a lancé en juillet une revue stratégique de sa division eaux sur le marché nord-américain. « L'entreprise a décidé d'explorer des options stratégiques, y compris une vente potentielle, pour la majorité des activités de Nestlé Waters en Amérique du Nord, à l'exclusion de ses marques internationales », a précisé la multinationale. Là encore, Perrier fait figure d’ultime élément.

Chiffres clés

0,2%. Croissance organique 2019 de Nestlé Waters (7,8 milliards de francs suisses de ventes soit 7,26 milliards d’euros).

95%. Taux de notoriété de la marque en France.

140. La marque est présente dans plus de 140 pays.

2 milliards. Nombre d'unités que l’usine Perrier, située à Vergèze (Gard), entend produire à horizon 2021.

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