Fast fashion
Alors que de grandes marques internationales ont été épinglées dans un rapport de l’institut australien ASPI, en mars 2020, dénonçant le travail forcé des Ouïghours, Clear Fashion recense en temps réel les prises de parole des marques dans un document public. Un nouveau scandale qui interroge sur les responsabilités d'une marque et ses limites.

Nike, Apple, Lacoste, Volkswagen... Selon un rapport de l'institut ASPI (Australian Strategic Policy Institute) de mars, 83 marques internationales bien connues des secteurs de la mode, de l'automobile et de la technologie, seraient liées à un travail forcé de 80 000 Ouïghours, minorité turocophone en Chine, dans des usines chinoises. 

À partir de ce travail d'identification, Clear Fashion, qui évalue les marques en fonction de leur impact environnemental, a créé un document public. Le fichier agrège en temps réel les réponses communiquées par différentes sources, dont des communiqués de presse. L'application mobile a également invité des ambassadeurs citoyens à contacter directement des marques.

«Ce document illustre parfaitement la difficulté pour une marque à maîtriser l'ensemble de sa supply chain. Face à un même problème, la posture et donc le niveau de responsabilité est différent. Des marques ont pu récolter des informations, quand d’autres disent qu’elles vont le faire voire ne répondent pas. Et pour certaines, ça a déclenché de nouvelles pratiques», soulève Claire Gallon, consulting director et head of luxury practice chez Ogilvy Paris.

Traçabilité

Lacoste s’engage notamment à mandater des cabinets indépendants pour mener des enquêtes sur place. Contacté par Stratégies, la marque n'a pas donné suite à notre demande. D’autres acteurs, comme Esprit, affirment avoir pris de nouvelles précautions pour s’assurer qu'il n'y ait pas de travail forcé tout au long de la chaîne de production, mais sans fournir de travaux cartographiques.

Pour Yvonne de Bruyn, directrice de style sénior chez Peclers (groupe WPP), le problème est aussi gouvernemental. «Si une marque a du mal à s’engager sur les questions de transparence et de traçabilité, c’est aussi parce que les normes sociales et environnementales ne sont pas uniformes selon le pays. Or, l’alignement entre filière et réglementation internationale est essentiel pour changer les pratiques.» Dans son rapport Sustainability and Circularity in the Textile Value Chain publié en octobre 2020, l’ONU alerte sur la nécessité d’une gouvernance plus forte pour accompagner le changement. Des initiatives ont déjà été prises depuis un an, à l’image du Fashion Pact et de l’Alliance des Nations Unies pour la mode durable.

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Face à ce manque de maîtrise de l’intégralité de la chaîne d’approvisionnement, quid du QR code ? Depuis septembre 2020, Etam et Undiz se sont engagées à revêtir d’un QR Code 80% de leur lingerie. Mais dans les faits, la pratique a des limites. «C'est très bien qu'Etam ait déjà récolté des données de leurs fournisseurs de rang 1, mais je leur ai dit qu’il fallait aussi dire aux consommateurs qu’ils n’avaient pas encore pu récolter des information sur les autres rangs. Ce manque de précision peut prêter à confusion», lance Rym Trabelsi, co-fondatrice de Clear Fashion. 

«La focalisation doit aussi être mise sur l’étape de la conception du produit, surtout quand vous augmentez le nombre de composants», avertit Nathalie Ruelle, professeure à l’Institut français de la mode. Pour Claire Gallon, la blockchain, de plus en plus utilisée à des fins de traçabilité, ne fait que déplacer le problème : «L'adoption du QR code n’est pas la même partout. On sait que la fast-fashion crée le désir sur le prix bas. Alors comment passer d'une posture individuelle à une pensée de système ?» C'est tout l'enjeu. D'autant plus à l'approche du Black Friday.

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