La pandémie n’a guère épargné les structures produisant des jeux d'entreprise, y compris ceux tournés vers la formation, la cohésion d'équipe, la prévention du risque ou la sensibilisation à certains sujets, comme Emeraude Escape. Avant le confinement, elle organisait de 30 à 40 escape games par an, dont 80 % pour de grands groupes et 20 % pour des PME, le plus souvent des services de santé au travail ou des cabinets de conseil qui veulent explorer de nouveaux outils pour enrichir leur offre. « Durant le début de la crise sanitaire, nous avons vu la demande d’escape games physiques baisser de 90 % », explique Virgile Loisance, directeur général et fondateur. Même constat à Nantes, chez Zen Organisation. « En 2019, nous avons organisé 870 événements dont une centaine d’escape games dans le cadre de séminaire d’entreprises, affirme Nicolas Guillermou, fondateur de la structure. En février, le nombre de séminaire s’est réduit avant d’être interrompus avec le confinement. »
Il fallait réagir. Mais comment transposer dans le digital des dispositifs pensés pour des événements éphémères en présentiel ? « Il nous fallait réussir à créer du lien entre les collaborateurs et à maintenir leur engagement dans des contextes de travail à distance et d'équipes éclatées, résume Aline Conxicoeur, cofondatrice de Collock, structure tournée exclusivement vers les entreprises. Notre réponse s'est axée sur trois points : digitaliser nos jeux de sensibilisation (handicap au travail, épuisement professionnel...), créer des nouveaux scénarios en ligne, et proposer des jeux sur mesure à distance. »
Collock développe aussi une autre piste, l’approche gamifiée de la conduite du changement. Zen Organisation a choisi, de son côté, de mettre au point un protocole sanitaire spécifique, dans le cadre d’un réseau européen regroupant cinq agences de France, de Belgique et du Luxembourg. La structure avait ainsi pu reprendre son activité en présentiel à partir du 27 mai.
Accent sur le digital
Chez Emeraude Escape, la crise du Covid marque avant tout une mutation de la demande. « Avant la crise sanitaire, nous avions cinq demandes par jour pour des escape games physiques, explique Virgile Loisance. Avant le deuxième confinement, nous en étions à deux par semaine alors que la demande pour les escape games digitaux tourne autour de trois par jour. » Il observe que beaucoup de séminaires de fin d’année dans les grands groupes sont en train de basculer vers le digital. Une évolution sur laquelle Emeraude Escape s’est appuyée pour sortir de l’Hexagone. « Cet accent sur le digital nous a permis d’accélérer notre développement à l’international. Nous sommes en train de nous développer en Allemagne, en Suisse, en Italie, au Royaume-Uni, en Espagne aux États-Unis et au Canada », poursuit-il.
Emeraude Escape prévoit d’organiser un escape game auquel vont participer simultanément 200 000 personnes avec des traductions dans trente langues. Et la croissance est au rendez-vous. « Notre chiffre d'affaires double tous les semestres », explique Virgile Loisance dont l’ambition est de transformer sa structure en « leader mondial dans le domaine des escape games pour entreprise ».
Perspectives incertaines
Le reste du secteur n’affiche pas une dynamique comparable. Cécilia Houel, directrice d’exploitation de Team Break, structure disposant d’une quinzaine d’installations en France, se montre cependant optimiste : « Nous espérons que le marché sera de nouveau relancé dans sa globalité en janvier mais nous continuons sur certaines agences à progresser même en l'état actuel des choses. » Rien ne sera cependant comme avant, souligne Aline Conxicoeur, de Collock : « Le digital aura une part structurelle dans le développement du jeu en entreprise dans les prochaines années. Cependant, il ne fera jamais complètement disparaître le présentiel. Aujourd'hui, les entreprises se rendent comptent qu'elles devront apprendre à lier présentiel et distanciel. »
D’autres structures sont dans une situation encore difficile. Chez Zen Organisation, le rythme de reprise sur l’escape game en présentiel était encore réduit en octobre. « Nous sommes à moins de 60 % du niveau d’activité enregistré en septembre 2019, explique Nicolas Guillermou. Cette baisse nette tient à la rechute du nombre de séminaires d’entreprise. Les escape games digitaux compensent très partiellement la réduction d’activité en présentiel. Nous avons mis nos équipes en chômage partiel, quasiment à 100 %.Nous anticipons une activité extrêmement faible sur le prochain semestre avant une possible reprise en avril 2021. » Avec les nouvelles mesures sanitaires dues à la flambée de contaminations au Covid-19, les espoirs de reprise à court terme vont encore s’éloigner. La mutation du secteur vers le digital a toutes les chances de connaître une nouvelle phase d’accélération.