Manifeste
Le cabinet Eranos vient de publier « Vous êtes une industrie de la vie ! Manifeste pour la transformation sociétale des entreprises ». Stéphane Hugon, sociologue, nous explique la raison d'être de ce manifeste.

Pourquoi avoir écrit ce manifeste ? 

Stéphane Hugon. L’idée de ce « Manifeste pour la transformation sociétale des entreprises » a été accélérée par la crise du Covid. Mais nous avons par ailleurs remarqué que depuis cet été, les demandes de nos clients se sont transformées. L’idée de l’utilité, le thème de l’essentialisme, sont récurrents. Par essentialisme, on entend le fait d’aller vers ce qui a du sens... Les postures totalement nouvelles des banques et assurances, par exemple, sont plus que des signes. Nous nous trouvons au confluent d’un cycle court et d’un cycle long. Le cycle court est marqué par le coup d’accélérateur du Covid qui oblige à passer à l’acte. La transformation des sociétés, des industries, s’inscrit, elle, dans un cycle long. Or un rapport de McKinsey montre que les marques seront, encore plus aujourd’hui, jugées par les consommateurs sur ce qu’elles ont fait ou pas fait. Au début du premier confinement, Macron parlait de guerre. On est bien dans cet imaginaire, celui de la France sous l’Occupation : il y aura les héros et les traîtres. C’est très clivant. 



Vous opposez marques « extractives » et marques « contributives »..

Les entreprises extractives prennent et épuisent les personnes et les ressources naturelles. Les compagnies low-cost, par exemple, sont extractives : in fine, tout le monde y perd un peu, y compris le consommateur. Toutes les entreprises de l’après-guerre étaient d’ailleurs, peu ou prou, extractives. 

À côté de cela, les entreprises contributives font circuler l’argent, la parole, la considération, le temps, à l’instar des mouvements mutualistes qui se sont révélés après la crise des subprimes. D’un seul coup, on considère que les entreprises sont non seulement des agents économiques, mais ont une influence sur la manière dont les gens interagissent, sur la mobilité dans la ville... Une entreprise, c’est un agent de civilisation. On doit absolument s’orienter vers une logique contributive qui ne relève pas seulement du prélèvement fiscal. Ce mouvement est crucial pour refaire société, et touche aussi bien les marques que les entreprises de communication et les régies publicitaires, qui sont les premières caisses de résonance de cette démarche-là. 



Vous employez le terme d’« industries de la vie »... 

Parler d’« industries de la vie » élargit le champ de la responsabilité. Il faut sortir de la logique de compensation, cette équation magique qui consiste, par exemple, à replanter des arbres. Au lieu de dépolluer, il s’agit de ne pas polluer... On a aussi tendance à oublier la question de la considération, de la qualité relationnelle, de la citoyenneté et de la qualité de vie. La promesse relationnelle doit être le cœur de la raison d’être des entreprises. La première des natures, c’est la nature humaine. 

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