Réglementation
Les professionnels du secteur saluent l'adoption de la loi «Jeunes influenceurs», en octobre dernier, par l'Assemblée nationale, qui pourrait mettre fin aux abus de certains parents.

[Dans le cadre du partenariat entre Stratégies et l'IEJ Paris, l'école de journalisme du groupe MediaSchool, certifiée par l'Etat, les étudiants du master presse écrite web ont réalisé une série de dix articles sur l'influence marketing.]

 

Mettre fin aux cas de surexploitation de certains parents d’influenceurs, qui s’accaparent les revenus de leurs enfants, afin de vivre de ces économies: voici l'objectif de la loi «visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne», définitivement adoptée mardi 6 octobre 2020 par l'Assemblée nationale. Chose rare, les 69 députés présents dans l'hémicycle ce soir-là ont tous voté en faveur du texte, quelque soit leur orientation politique. Et, en l'occurrence, lorsque la loi parle «d'exploitation commerciale», il faut bien comprendre que les principaux revenus en question sont évidemment publicitaires.

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Comme à la télévision, c’est à Mohamed Mansouri, le directeur délégué de l’autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), qui valide le contenu des publicités destinés aux services de VOD ou de Replay à la télévision, de veiller particulièrement au contenu des publicités mettant en scène ces influenceurs débutants. «Depuis peu, l'ARPP est sollicitée sur la problématique des enfants influenceurs, concernant leur statut, que la nouvelle loi permet de clarifier», se félicite Mohamed Mansouri. Selon lui, si les marques ont bien connaissance de ce cadre, ce n'est pas nécessairement le cas des youtubeurs ou instagrammers. «Les marques intègrent de plus en plus de chartes internes pour faire respecter via leurs agences des engagements de l’industrie alimentaire pour éviter ces débordements chez les jeunes», souligne-t-il néanmoins. 

La France, pionnière en matière de droit des jeunes influenceurs
Bruno Studer est à l’origine de cette loi, promulguée le lundi 19 octobre dernier. Le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation s’est inspiré des modalités de travail des jeunes mannequins ou enfants du milieu du spectacle pour mettre en place cette loi, dont il est le rapporteur. Dans l’idée de protéger ces jeunes influenceurs de 16 ans et moins, le député du Bas-Rhin a échangé avec les plateformes de contenus pour collaborer, et ainsi déboucher sur une réglementation parmi les plus avancées au monde.
«Nous avons approché Tik Tok et Youtube, qui présentaient une volonté de contribuer à l’avancée du travail, concernant le droit des enfants», raconte Bruno Studer. «Ces entreprises ont un devoir moral à encadrer ce phénomène, et un intérêt réputationnel. Elles se doivent de donner des gages de bonne volonté, alors que la commission européenne va déposer un nouveau texte sur la régulation du secteur numérique», ajoute-t-il.
La loi se place du côté des jeunes influenceurs
Les auteurs de la loi jeunes influenceurs se sont tournés vers les contrats de travail des agences de jeunes mannequins, ou d’enfants du spectacles, dont l’activité rémunérée fait figure d'exception, car elle permet à des mineurs de travailler en toute légalité. Cyrielle Dufloux, avocate spécialisée en droit de la famille a déjà eu affaire à déjà été témoin d’affaires de litige entre des influenceurs et leurs parents, au sujet des bénéfices engendrés par ces contenus web.
Selon elle, la loi «Jeunes influenceurs» va permettre aux enfants de pouvoir jouir de leurs revenus, grâce à un contrôle accru des conditions de travail de ces derniers: «L’idée de cette nouvelle loi "Jeunes influenceurs" est de protéger ces revenus. C’est pour ce cas de figure là que le gouvernement a mis en place cette nouvelle loi, qui permet, au-delà d’un certain seuil de revenus ou d’heures de vidéos de basculer au sein du droit du travail. Cela débouche sur des déclarations administratives, un contrôle des heures réalisées, les revenus générés bloqués pour que ces enfants puissent en disposer à leur majorité.» Pour l’avocate, la loi «Jeunes influenceurs» permettra dès son application de mettre fin à la surexploitation des enfanrs par certains parents.
«Nous attendons plus de clarifications de la loi»
Quand un Bruno Studer décrit l’encadrement de l’activité des jeunes producteurs de contenu comme l’un des plus robustes au monde, Guillaume Doki-Thonon, PDG de Reech, une agence spécialisée en marketing d’influence, nuance: «Nous attendons plus de clarifications de la loi.» Le professionnel détaille ainsi: «Quand vous travaillez avec des familles, il est très clair que l’enfant doit apparaître dans la vidéo, avec un brief qui implique une présence de l’enfant. Dans ce cas-là, il faut un contrat pour l’enfant. Le mystère réside dans la part de revenus de l’enfant par rapport à celle du parent, qui est sollicité au départ. Nous ne savons pas comment répartir les revenus, du fait de la participation des enfants qui peut ne pas avoir été prévue au départ.»

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