Start-up
Difficile d’investir dans un secteur aussi imprévisible que la publicité digitale. Ces sociétés ont pourtant réussi à grandir grâce à des modèles originaux. Portraits de jeunes pousses qui continuent à innover.

BeOp, la publicité conversationnelle

En 2015, Nicolas Sadki et Louis Prunel fondent BeOp, une société qui repense l’expérience publicitaire sur les médias en ligne. Ancien directeur général France de Teads, passé par la régie de Libération, le premier est convaincu que les formats rectangulaires autour ou au milieu des articles ont fait leur temps. « L’internaute a pris l’habitude d’échanger avec les contenus, il ne veut plus d’une publicité intrusive, qui dégrade son expérience de navigation », justifie-t-il. BeOp propose des formats conversationnels, du type questionnaires ou tests de personnalité. Insérés à la fin des articles, ils bénéficient du contexte du média, favorisant l’attention. Ainsi, à la suite d’un sujet sur l’assurance vie ou sur les véhicules hybrides, il va suggérer quelques questions pour en savoir plus, incitant le lecteur à cliquer sur l’annonce.

Partenaire de la plupart des médias et annonceurs français, BeOp revendique « un taux d’interaction supérieur à 1 %, versus 0,06 % pour une bannière classique selon l’IAB, et un taux de rebond (le fait d’ouvrir et de fermer aussitôt une annonce) de 20 % à 30 % inférieur à la moyenne des autres acteurs », précise Nicolas Sadki. Autre indicateur : le taux d’attribution à la marque est trois fois supérieur à un format publicitaire traditionnel. Depuis trois ans, la société a anticipé l’arrivée du RGPD et a développé un moteur de ciblage sémantique qui utilise des mots clés présents dans l’article au lieu des données comportementales. En juillet 2019, BeOp a procédé à une levée de fonds de 6 millions d’euros qui lui a permis d’ouvrir un bureau commercial à New York. Elle est également présente à Paris et à Montpellier, où se trouve l’expertise technique, pour une trentaine de collaborateurs.

 

Skaze, le trading desk de proximité

Après une vingtaine d’années dans la publicité digitale, David Lévy a rejoint Raphaël Laïk et Harrys Melki en 2016 pour fonder Skaze, une plateforme d’achat d’espaces en programmatique. Si elle fait partie de la société Avent Media, experte du marketing digital depuis quatorze ans, elle fonctionne de façon indépendante avec 22 collaborateurs pour 3,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019. Comme tous les trading desks, elle met en place des campagnes multicanal d’acquisition et de fidélisation utilisant plusieurs solutions pour identifier les cibles, avec ou sans cookies. « Notre différence par rapport à des plateformes appartenant à de grands groupes, c’est que nous pouvons passer du temps avec chaque client, se félicite David Lévy. Cette proximité se mesure par un taux de reconduction des campagnes de 92 %. »

Après 150 % de croissance en 2018 et 60 % en 2019, Skaze devrait encore progresser cette année malgré le confinement. « Nous avons fait un meilleur mois de juillet que l’année dernière, et nous avons été agiles en allant chercher de nouveaux clients dans la banque-assurance », précise le PDG. Skaze recrute actuellement dans des fonctions commerciales et de communication ainsi que des responsables de clientèle.

 

Advalo, le marketing prédictif

Comment faire venir les acheteurs en magasin et convertir les intentions d’achat sans passer par un retargeting pénible ou des promotions préjudiciables pour la marge ? David Le Douarin et Olivier Marc, deux spécialistes de la donnée, ont ­lancé Advalo en 2014 afin d’optimiser les campagnes marketing grâce à l’intelligence artificielle. Il s’agit d’une plateforme de marketing prédictif qui identifie le meilleur profil pour adresser une campagne. « Prenons une marque automobile qui voit de nombreux clients passer sur son site, explique David Le Douarin. Comment savoir lesquels ont vraiment l’intention d’acheter ? On va analyser le nombre de pages consultées et le type de contenus, les horaires d’ouverture des concessions ou l’histoire de la marque n’ayant pas la même valeur. On va donner un score à ces données en fonction de l’intention et de l’appétence pour un produit. Par ailleurs, tous les clients présents dans une base de données ne se valent pas : mieux vaut privilégier ceux qui consomment avec une forte marge que ceux qui n’aiment que les promotions. On va aller chercher des profils jumeaux sur Facebook, Google ou Criteo pour concentrer les budgets d’acquisition sur cette cible. On passe d’un marketing indifférencié à un marketing personnalisé. »

Forte d’une cinquantaine de collaborateurs à Paris, Lille et Rennes où sont basés les ingénieurs, Advalo revendique 2 % à 4 % de chiffre d’affaires incrémental réalisé par ses clients en un an grâce à sa solution. Elle travaille avec un grand nombre de distributeurs français, de Beaumanoir (Cache Cache, Bonobo, Bréal…) à Éram (Éram, Gémo, Bocage), en passant par Leroy Merlin et l’automobile (Volkswagen, Seat, Skoda).

 

Adyoulike, le social native

Créée en 2011, Adyoulike fait partie du programme French Tech 120, les 120 start-up les plus prometteuses de 2020. Dès sa naissance, Xavier Niel, à travers son fonds d’investissement Kima Ventures, Jacques-Antoine Granjon (Veepee) et Éric Cohen (Keyrus) ont soutenu cette société qui répond aux nombreux défauts de la publicité digitale classique. Peu valorisée, peu efficace en termes de performance, celle-ci ne satisfait ni les annonceurs, ni les éditeurs, ni les internautes.

Plutôt que le display, Adyoulike a fait le choix de la publicité native (native advertising), bientôt rejointe par le social native. Elle a mis au point une plateforme qui intègre le contenu sponsorisé présent sur les réseaux sociaux directement sur les sites média. Concrètement, une story d’influenceuse sur Instagram peut être importée à l’intérieur d’un article sur la mode ou le maquillage. Mais cela s’applique aussi bien à un post sur Facebook ou Linked­In qu’à une vidéo sur TikTok. « On offre le meilleur des deux mondes : l’univers applicatif où l’internaute a l’habitude de naviguer et le contenu brand safe des médias, résume Yohan Elmaalem, cofondateur et COO de la start-up. Les sites éditeurs utilisent encore peu de formats stories. Notre plateforme permet d’en importer ou de transformer un article en story grâce à une intelligence artificielle. » Adyoulike compte aujourd’hui 90 employés répartis à Paris, Londres, New York et Montpellier pour la technologie, pour un chiffre d’affaires 2019 de 30 millions d’euros.

 

Golden Bees, le recrutement en programmatique

En 2015, Golden Bees était un des premiers acteurs français à utiliser la publicité programmatique dans le secteur du recrutement. Aujourd’hui, les offres abondent, mais la société a fait du chemin : elle réalise 10 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 48 collaborateurs et a fait son entrée à la 58e place du classement FT 1000 des entreprises européennes les plus performantes. Elle est également reconnue par le Pass French Tech et par Bpifrance Excellence, qui soutiennent les entreprises de croissance. À sa tête, Jonathan Bordereau, ancien de Figaro Classifieds et Tradelab, et Fariha Shah, spécialiste en marketing digital venue de Zanox. « Nous avons fait le constat que la publicité programmatique était arrivée à maturité chez les commerçants, mais était peu connue des recruteurs, explique cette dernière. Il fallait adapter les outils technologiquement et contextuellement avec une notion de performance importante, car les budgets sont contraints. » Avec une équipe complétée par Sébastien Accambray, ex-Rakuten Advertising, et Saqab Shah (le frère de Fariha) venu d’HSBC, Golden Bees a les compétences pour couvrir tous les besoins des recruteurs, du profilage des candidats à la mesure de la performance. En novembre 2019, l’entreprise a rejoint Figaro Classifieds, ce qui facilite les synergies avec Cadremploi. Elle travaille avec les principaux acteurs du recrutement, de Manpower à Adecco, ainsi qu’avec des groupes comme Vinci ou l’armée française, et diffuse plusieurs millions d’offres d’emploi tous les ans.

 

 

Pubstack, l’analyse des données pour les éditeurs

Face au duopole Google et Facebook, les médias en ligne perdent du terrain dans le partage des revenus publicitaires. C’est pour améliorer leur performance que Guillaume Polaert et Loïc Sfiligoi, tous deux ingénieurs, ont fondé en 2018 Pubstack, une plateforme qui analyse en temps réel l’inventaire publicitaire digital des éditeurs. La start-up collecte l’ensemble des données qui peuvent affecter leurs revenus et les restitue sous la forme d’un tableau de bord pour améliorer leurs prises de décision, dans le cadre par exemple du lancement d’un nouveau format ou d’une démarche d’AB testing. Webedia, CCM Benchmark ou 366, la régie de la presse quotidienne régionale, ont déjà fait confiance à la jeune société qui veut aller vite. En juillet 2019, elle a levé 2 millions d’euros auprès de Kima Ventures, le fonds de Xavier Niel, de Go Capital, de Bpifrance et de business angels comme Romain Niccoli, cofondateur de Criteo. Forte d’une quinzaine de collaborateurs basés à Paris, elle souhaite accélérer son développement technologique et commercial, y compris à l’international.

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