Dossier Social selling
Entre les récentes fonctionnalités d'achat lancées par les plateformes sociales et l’essor du digital à la faveur des confinements, le social selling a connu ces derniers mois un coup d’accélérateur. Les marques s'en emparent, même si l'étape du paiement se fait encore attendre.

Sur les moteurs de recherche, les gens sont en quête des produits, mais sur les réseaux sociaux, ce sont les produits qui viennent à eux. Simplificateur ? Peut-être. Néanmoins, c'est une façon de résumer le phénomène du social selling, en plein essor. Pour les marques, celui-ci consiste à vendre leurs produits via les réseaux sociaux, ou plutôt à utiliser les réseaux sociaux dans le processus de vente, l'étape du paiement - qui en serait la brique ultime - n’étant pas encore disponible en France. Si les marques l’ont déjà fait entrer dans leurs usages depuis longtemps, elles ont manifesté un regain d’intérêt pour le social selling à la faveur des confinements, durant lesquels le digital a représenté le canal essentiel, si ce n’est l'unique, pour toucher les consommateurs. « Les études montrent que plus d’un Français sur trois a déjà acheté sur les réseaux sociaux. C’est plus qu’une tendance émergente. Avec les confinements, l’ensemble des marques s’y sont mises ou ont l’intention de s’y mettre en 2021. Cela va être clairement le sujet de l’année », avance Sophie Noël, directrice générale de Heaven, agence de communication digitale.

Ce n’est d'ailleurs pas un hasard si L’Oréal a annoncé, en décembre 2020, avoir pris une part minoritaire dans le capital de la plateforme de social selling Replika Software. Le géant de la cosmétique entend ainsi accélérer en matière d'e-commerce, alors que celui-ci représente aujourd’hui un quart de son chiffre d’affaires. En France, 2020 a été marqué par plusieurs nouveautés majeures sur les plateformes sociales, à commencer par le lancement, en mai, de Facebook Shops, qui permet aux marques d’ouvrir une boutique sur Facebook et Instagram en piochant dans leur catalogue de produits. La marque de prêt-à-porter masculine Octobre Editions (liée à Sézane) a été la première à l’expérimenter.

+42 % de ventes sur Instagram

Depuis le dernier trimestre 2020, Instagram a aussi étendu à IGTV, sa plateforme vidéo, et au format Reels sa fonctionnalité Shopping, qui existe depuis 2018. Autant de nouvelles opportunités pour les marques à travers ces formats animés. « Facebook et Instagram sont les deux premiers canaux en termes de capacité à transformer les ventes », resitue Jocelyn Jarnier, fondateur et directeur du planning stratégique de So Bang, agence de publicité et de digital. En témoignent les résultats obtenus sur Instagram par Barbour. Cette marque de vêtements britannique, en utilisant sur les images de ses produits des tags incluant par exemple leur prix, explique, dans une publication sur le site Facebook for Business, avoir augmenté ses ventes sur Instagram de 42 % et le trafic vers son site web de 98 %.

A côté, TikTok, qui demeure aujourd’hui un réseau d’image et d’influence plutôt qu’un canal de vente, progresse en la matière. Celui qui est parfois qualifié de réseau montant du social selling a lancé en test, au printemps 2020, le bouton Shop Now, qui permet de réaliser des achats via les vidéos. Cette fonctionnalité a notamment séduit la marque Levi’s. Reste désormais à TikTok, toujours en construction de son modèle publicitaire, à prouver à plus grande échelle sa capacité à convertir son succès en ventes.

Tandis que les fonctionnalités se développent, les usages en matière de social selling évoluent. Les influenceurs, sollicités pour faire connaître les produits ou booster les ventes via le partage de codes promotionnels par exemple, apparaissent au cœur du jeu. Ils permettent aux marques de gagner en visibilité tout en bénéficiant d'un pouvoir de prescription et de recommandation. « Certains d’entre eux ont un gros reach mais peinent à le transformer en ventes. À communautés égales, il peut exister de grosses différences. L’idéal est de combiner nano, micro et macro influence pour réaliser des campagnes de social selling efficaces », souligne Jocelyn Jarnier.

Des jouets en live

De même, le live shopping, à savoir la promotion de produits pendant des vidéos diffusées en live, se développe. S’il n’en est en France qu’à ses débuts, son potentiel existe bel et bien. Carrefour, par exemple, l’a compris. Avec les sociétés Redpill et Quidol, le distributeur a organisé en novembre et décembre une série de trois sessions dédiées à la présentation de jouets de Noël, diffusées en direct sur un site ad hoc. « Des PME aussi sautent le pas. Pour tous, cela demande un vrai travail en amont, disposer d’un studio, préparer son animation », expose Laurent Blassin, directeur en charge du conseil marketing de Fabernovel, société de conseil et création de produits et de services numériques. « C'est un sujet prégnant, sur le modèle asiatique. Nous, on y croit car c’est un mariage entre l'e-commerce, l’influence, le live et l’événementiel », ajoute Sophie Noël. Autre brique du social selling : la messagerie. Autrement dit, le fait de donner la possibilité aux internautes de discuter avec les marques au cours de leur processus d’achat, comme sur Messenger ou WhatsApp. Le potentiel est là encore en développement.

Reste un grand absent : le paiement. Déjà possible au sein même des réseaux sociaux aux États-Unis, il se fait attendre en France. Sur Facebook, « il y a un bon espoir que cela arrive peut-être courant 2021. C’est dans les plans pour cette année tout en étant soumis à des fluctuations et des développements produits », promet Guillaume Cavaroc, son directeur du pôle retail et e-commerce. Pour les annonceurs, cela permettrait de créer un parcours client totalement fluide, sans que, à la dernière étape, le client n’ait à changer d’environnement en allant sur le site de la marque, au risque de se perdre en route. Un atout à tempérer, toutefois : l’arrivée de la fonctionnalité se double, par exemple, de questions autour de la confidentialité des données bancaires.

L'importance de l'expérience

Enfin, côté marques, les stratégies en matière de social selling ne doivent pas être déroulées au hasard. Au-delà de la nécessité de prendre le temps de les mettre en place - ce n’est pas parce que c’est du digital que c’est rapide - et de se fixer des objectifs adaptés, l’expérience utilisateur conserve son importance, recommandent les experts interrogés. « Il ne faudra pas se lancer tous azimuts, prévient Deborah Cohen, fondatrice de Dire, agence de communication digitale. Mieux vaut s’adosser à une stratégie de micro-influence car les réseaux sociaux permettent de multiples micro-communautés. La marque doit créer une valeur ajoutée, donner une expérience à son fan pour que cela fonctionne. »

Une telle stratégie peut se révéler porteuse à condition de respecter certains codes. « Mon conseil est de jouer l’intégration, la fluidité, pour optimiser la perception de l’utilisateur. Le choix des images doit être adapté à l’usage de la plateforme. Souvent, des catalogues produits se retrouvent sur l’ensemble des plateformes », regrette Thomas Mesnier, directeur de la performance Social de l’agence de publicité Ogilvy Paris. En matière de social selling, 2021 devrait être studieuse.

L’œil international :

« Le modèle WeChat »

Si le social selling est en plein essor en France, il a déjà largement fait ses preuves en Chine. WeChat, la super app qui sert à peu près à tous les usages (payer ses achats, discuter avec son réseau, commander un taxi, se faire livrer…), apparaît très avancée en la matière. « Le social selling y repose sur trois piliers : le paiement, depuis 2014, les mini-programmes, qui ont été un énorme changement en 2017, et les groupes d’utilisateurs », dépeint Rachel Daydou, associée et directrice générale Chine de Fabernovel, société de conseil et création de produits et services numériques. Les mini-programmes sont des espaces où les marques peuvent notamment fournir certains services aux utilisateurs.

Au-delà de la notion d’échelle, l’intérêt est que toute l’expérience se passe au sein d’une même plateforme : le paiement, la recommandation… De quoi créer un parcours « sans friction » pour le client et faciliter ses achats. Reste que le modèle n’est pas facilement duplicable, compte tenu justement de cet environnement intégré et d’une dimension culturelle, les consommateurs chinois étant particulièrement sensibles à la recommandation.

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