Société
L’année 2020 aura été pauvre en apéritifs... Pourtant, les applications de livraison spécialisées dans les apéros mais aussi les plateformes de livraison de repas ont doublé d’ingéniosité pour rester dans les usages.

«L'intérêt du couvre-feu à 18 heures, c’est de contrer l’“effet apéro”.» Telle était la solution miracle proposée par le gouvernement en janvier dernier... C’était sans compter les applications de livraison d’apéro. Déjà bien ancrées dans le paysage, ces dernières ont connu un regain d’activité. En cause, le confinement suivi d’un couvre-feu à 20 heures, puis avancé à 18 heures, sans oublier le ras-le-bol des Français. Avant, les applications de type Alerte Apéro ou Allo Apéro – pour les plus connues – connaissaient une demande accrue entre 2 heures et 5 heures du matin. Elles permettaient aux soiffards  de remplir leurs verres vides. Ni une ni deux, ils sortaient leurs smartphones pour commander en quelques clics spiritueux et softs drinks, aux prix doublés voire triplés, histoire de continuer  jusqu’à l'aube. 

Les soirées étant désormais un lointain souvenir, et les arrêtés préfectoraux des mairies imposant des horaires limites de livraison, les acteurs de la livraison d'alcool ont dû se réinventer. C’est notamment le cas de Kol, application de livraison on-demand, lancée il y a cinq ans sur Paris. «Avant le premier confinement, nous étions concentrés sur le levier boisson à destination d’une clientèle très jeune, festive et adepte des spiritueux. Avec le premier confinement, nous avons observé plusieurs changements: une clientèle plus âgée a commencé à nous contacter avec des paniers moyens plus élevés, composés de moins d’alcools forts et plus de vins, de meilleure qualité. En termes de fréquence, ils consomment souvent, mais pas d’alcool fort. Lors du second confinement, nous nous sommes repositionnés afin d’étendre notre offre à l’épicerie. Actuellement, nous sommes à 50% du développement de notre carte», avance Pierre Nicolet, cofondateur de Kol. 

En effet, avec la fermeture des restaurants, bars et autres endroits festifs, les consommateurs doivent faire avec les moyens du bord pour organiser leurs propres apéros à la maison. «Les applications représentent une forme de continuité, elles permettent de faire perdurer ces moments de rassemblement dans le respect des règles. Sans oublier les applications de jeux “spécial apéro” qui permettent de se rassembler à distance et où les participants peuvent se faire livrer un pot entre eux», réagit Daniel Verschaere, directeur marketing chez Wavestone. Les spécialistes de l’événementiel et même les boutiques physiques se sont adaptés à cette mouvance de l’offre diversifiée, proposant à emporter houmous et tapenade à gogo. «L’acteur d’événementiel Fever met en avant des box apéros quand le spécialiste des repas d’entreprises Frichti propose désormais de l’apéro en livraison», ajoute Daniel Verschaere.

Deliveroo et Uber Eats à la fête

Les applications de livraison de repas ne sont pas en reste. Les deux grandes plateformes américaines ont connu un boom en pleine pandémie. Si Deliveroo a noté une augmentation de son chiffre d’affaires de 62% soit 868 milliards d’euros en 2019, Uber Eats n’a rien à envier à son concurrent. «Notre activité en France a doublé au deuxième trimestre 2020 comparé au deuxième trimestre 2019 (+100%) et nous avons connu une croissance de plus de 130 % entre août 2019 et août 2020. Nous avons également observé l'utilisation de notre application par une nouvelle typologie de clients, les familles, et une augmentation du panier moyen de 20-22 euros à 25-28 euros», avance Manon Guignard, senior communications associate chez Uber Eats France.

Fruit du hasard ou dénicheur de tendance, Uber vient justement d’annoncer le rachat de Drizly, application américaine de livraison d’alcool pour 1,1 milliard de dollars. Avant de devenir le prochain «Uber Tise», comme certains s’amusent à l’appeler, la plateforme a tout simplement créé des partenariats avec des acteurs de la distribution et proposé des livraisons de courses. «Début avril 2020, nous avons mis en place un partenariat avec Carrefour et les inscriptions d'autres commerçants se sont accélérées tout au long de l'année 2020. Aujourd'hui, on compte plus de 1 500 épiceries, supermarchés, commerces de proximité référencés sur l'application à travers des centaines d'agglomérations où nous sommes présents. Ainsi, au niveau national, nous avons cinq fois plus de points de ventes supermarchés-épiceries depuis le début de l'année et la partie dédiée aux produits du quotidien s'est multipliée par cinq entre mars et octobre 2020», énonce Manon Guignard.

Alcool et e-commerce : un cocktail gagnant

Selon le cabinet d’étude IWSR, spécialisé dans le secteur des boissons, qui a rendu public son rapport sur les tendances de consommation mondiales en 2020, et contrairement aux prévisions, le secteur se tient bien grâce à l’e-commerce. Encore minoritaires, les ventes d'alcool en ligne ont considérablement augmenté depuis le début de la pandémie et continueront. «La valeur de l'e-commerce d'alcool augmentera de 42% cette année, sur les dix marchés principaux, pour atteindre 24 milliards de dollars», estime l’IWSR. À titre de comparaison, sa valeur sur ces marchés n’avait augmenté que de 11% en 2019.

En France, la livraison à domicile, le click and collect et le drive ne cessent de croître et les catégories de boissons qui ne marchaient pas très bien dans ces domaines, dont les bières et les spiritueux, connaissent aujourd’hui un essor par rapport à l’année précédente. «La taille et la croissance prévues de l’e-commerce signifient qu'il ne peut plus être considéré comme une simple niche intéressante. Le marché du online est désormais un marché à part entière», annonce l’IWSR. Une tendance d'usage confirmée par le Baromètre Tendances Consommation de Wavestone : «34% des répondants admettent utiliser toujours/souvent les services de drive des magasins dont 45% sont des couples avec des enfants et 48% ont entre 18 et 29 ans, contre 24% en 2019.» Même si la livraison n'est pas encore au stade de la généralisation, les Français semblent séduits par cette nouvelle offre. «Je pense que cette habitude va rester dans le temps autant chez les jeunes que les moins jeunes. Il n'est pas question de faire machine arrière», avance Daniel Verschaere. C'est ce qu'on pourrait appeler des murges nocturnes de qualité. 

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