Langage
Valoriser l’image de l’entreprise tout en mobilisant les salariés avec du sens nécessite un bon équilibre entre les vocables classiques et ceux qui sont dans l’air du temps.

De la transparence à l’authenticité

Le mot « transparence », dérivé du latin transpareo (« être visible à travers ») suggère une forme de vision complète depuis l’extérieur et d’accès à une vérité pure. Ce qui n’est jamais vraiment le cas. « La notion a beaucoup évolué depuis que le philosophe Alain Etchegoyen a mis en évidence sa dimension diabolique, explique la linguiste Jeanne Bordeau. Ce sont les Anglais qui en ont peut-être donné la meilleure définition : the truth lies in the middle. » « Transparence » est-il voué à s’effacer devant la prévisible réhabilitation de la nuance sous toutes ses formes ? Son successeur semble tout trouvé, selon Jeanne Bordeau : « “Authenticité” est devenu un mot phare depuis deux ans, il a quasiment doublé le mot “émotion”. »

De l’écologie à la transition

C’est un détail qui compte : le mot « écologie » est euphonique, voire esthétique. Il a d’ailleurs fait beaucoup de petits : écogestes, écocitoyens, écoréfugiés, écoresponsabilité ou écoanxiété. Son principal intérêt est d’englober tous les éléments de l’enjeu le plus important et le plus complexe du XXIe siècle. Sauf que « les entreprises ont beaucoup de mal à s’y retrouver, relève Émilie Grossi, consultante en stratégie RSE à Lyon. Il y a déjà beaucoup de terminologies, de normes, de labels. Elles ont besoin de mots pour mettre des choses derrière, mais surtout besoin de simplifier. » Le mot « transition » met, lui, l’écologie en mouvement, en suggérant une forme d’action et de projection, qui correspond bien à la nature des entreprises, et leur permet d’épouser la cause environnementale.

 

De l’inclusion à la diversité

Ces deux mots, omniprésents en RSE et très proches l’un de l’autre, ont pourtant des acceptions quasi opposées. « Ce sont deux siamois, note Jeanne Bordeau. “Inclusion” est presque une sous-partie de “diversité”, qui embrasse un spectre plus large. D’ailleurs, curieusement, le mot “diversité” est toujours utilisé au singulier, alors que la diversité est par définition plurielle. » Les concepts d’inclusion et de diversité ont tous deux vocation à lutter contre les discriminations. Mais là encore, le sens profond peut différer. « De façon paradoxale, alors que les diversités suggèrent une ouverture vers l’extérieur, la différence, l’inconnu, “inclusion” vient du latin cludere, qui veut dire “fermer”, souligne Jeanne Bordeau. Il fait appel à une notion d’appartenance, il est moins large, moins nourri. »


De la responsabilité à l’engagement

Présent en français comme en anglais, le mot « engagement » s’est au fil des ans modernisé et allégé. L’engagement suggère une projection, tandis que la responsabilité fait référence à un statut ou un rôle préexistant, qu’il faut honorer. « C’est donner des gages, donner des preuves, alors que le mot “responsabilité” vient du latin respondere, qui signifie “faire face”, indique Jeanne Bordeau. Dans l’engagement, il y a un mouvement, une émotion. Il est aussi significatif que le mot “responsabilité”, mais moins lourd. »

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