Perspectives
Perspectives Indéniablement, la RSE progresse dans la culture des organisations. Mais entre démarches sincères et excès de communication, il n’est pas toujours simple d’évaluer la place et la fiabilité de la responsabilité sociale, sociétale et environnementale dans les entreprises.

Et si, en matière de RSE, les entreprises étaient enfin devenues vertueuses ? Selon une récente étude du cabinet Russell Reynolds, plus des trois quarts des sociétés du CAC 40 et la moitié des conseils d’administration du SBF 120 ont un comité traitant des sujets RSE. « Faire entrer la RSE dans la gouvernance des entreprises, au niveau stratégique, est un sujet crucial, explique Thomas Parouty, fondateur de l’agence Mieux. Un escalier, ça se nettoie toujours par le haut. » Cette année, des sociétés comme Vivendi, Lagardère ou Ubisoft ont ainsi créé un comité dédié dans leurs organes de gouvernance. D’autres, comme Accor ou le Crédit Agricole, donnent corps à la parité en plaçant des femmes aux postes clés. 
Désormais, la RSE semble être à l’agenda des groupes cotés. Parfois par conviction, mais surtout sous de multiples pressions. Du législateur d’abord qui, avec la loi Pacte notamment, a durci les obligations des grandes entreprises en la matière. De l’opinion publique ensuite, et notamment les jeunes qui, dans le sillage de Greta Thunberg, demandent des comptes aux sociétés sous peine de les boycotter. De l’interne également, avec des salariés et des candidats à l’embauche qui questionnent l’entreprise sur son rôle social, sociétal et environnemental. Et du marché enfin, où actionnaires, investisseurs et auditeurs prennent de plus en plus en considération la RSE et le risque réputationnel à ne pas agir. 
Alors, on fonce ? D’autant que selon le nouvel indice pour mesurer l’engagement sociétal des entreprises du CAC 40 mis en place par le Boston Consulting Group (BCG) en septembre dernier, l’engagement extra-financier nourrit les bénéfices et le rendement de l’action cotée en Bourse. Mais si des améliorations sont notables, les grandes entreprises n’ont pas vraiment toutes le pied sur l’accélérateur. Selon l’indice du BCG, l’ensemble du CAC 40 obtient à peine 48/100. Et même les trois meilleurs élèves (72/100 pour Kering, 66/100 pour Danone et 64/100 pour Sodexo) sont très perfectibles. Pas mieux du côté des PME. « Pas moi, pas aujourd’hui, pas ici, cela reste les réponses qu’on entend le plus souvent, pointe Hugues Carlier, directeur général du cabinet Des Enjeux et des Hommes. Alors certes, on ne ricane plus comme il y a dix ans quand on nous voit arriver dans l’entreprise, mais on est loin de remporter toutes les batailles. Intellectuellement, tout le monde est d’accord pour agir, mais pour la réelle mise en œuvre, c’est autre chose. »
Entre le dire et le faire, il y a la mer, et il est souvent difficile d’évaluer la fiabilité de la RSE affichée. Surtout quand la communication fonctionne à plein, aidée en cela par la multiplication des baromètres, palmarès et autres labels. « Pour les consommateurs, il devient impossible de s’y retrouver. Et c’est aussi contre-productif pour les entreprises. Celles réellement engagées voient leurs efforts louables noyés dans la masse », souligne Laure Mandaron, directrice RSE du groupe La Poste, qui précise que l’une de ses missions est d’être vigilante sur « les abus de communication et la valorisation excessive de la RSE ». Afin de pouvoir comparer les actions, Bruxelles prévoit de mettre en place avant la fin du premier semestre 2021 un référentiel commun, qui s’appliquerait aussi bien aux TPE qu’aux grandes entreprises, regroupant les informations extra-financières. 

Une approche globale

En attendant, comment trier le bon grain de l’ivraie ? La place accordée à la RSE dans l’organisation est un autre indicateur de la véracité de la démarche. « La rattacher à la communication ou aux services généraux est au mieux une maladresse, au pire un aveu », estime Laure Mandaron, dont le département RSE reporte à la direction générale. Et la lier à l’innovation, comme chez Gecina ? Ou à la DRH en connectant la rémunération et l’évolution de carrière à des objectifs RSE, à l’image de ce qui se pratique chez Schneider Electric ? Pourquoi pas. Mais l’approche doit avant tout être globale. « La RSE aura réussi quand il n’y aura plus de responsable dédié, elle ne se verra plus car elle aura pénétré, à l’instar de la qualité dans les années 2000, tous les métiers et services », résume Gildas Bonnel, président de Sidièse et de la commission RSE de l’AACC. 

Positionner la démarche au niveau stratégique est vital, avoir un représentant au comex est évidemment un plus, mais c’est ensuite aux salariés de s’en emparer. « Sans accompagnement du changement conséquent, les actions ne sont que cosmétiques, insiste Hugues Carlier. Cela nécessite beaucoup d’investissements, notamment en formation, sinon un changement de business model nécessitant de revoir tous ses process (fabrication, achats, relations aux sous-traitants, recyclage, politiques sociales inclusives…). »
C’est dans cette voie que s’est engagée La Poste. « Quand on fait tous les jours 50 fois le tour de la terre, on a des responsabilités », indique Laure Mandaron. Le groupe a revu toute sa chaîne de valeur, notamment en matière d’écoconception, et dispose de la plus grande flotte de véhicules électriques (37 000) au monde. L’ensemble des collaborateurs concernés ont ainsi été formés à l’écoconduite. De leur côté, tous les commerciaux du service courrier sont équipés avec leurs clients d’un outil de simulation de l’impact environnemental de leur campagne. 
Reste à savoir si ces bonnes trajectoires de la RSE des entreprises ne seront pas bientôt menacées par les effets de la crise sanitaire. « Il y a un grand risque que le court-terme l’emporte et que les démarches RSE soient remises à plus tard », note Hugues Carlier. « Au moins, cela permettra à tous de savoir si la démarche RSE des entreprises est sincère ou non », conclut Gildas Bonnel.

La RSE, un atout pour recruter

Les jeunes diplômés veulent plus d’engagement des sociétés en matière de RSE. Selon le dernier baromètre Ipsos « Talents : ce qu’ils attendent de leur emploi », 76 % d’entre eux souhaitent travailler pour une entreprise en accord avec leurs valeurs et qui agit au niveau social, sociétal et environnemental. Cela concernerait même 92 % des 15-25 ans, selon une récente étude Jam Trends. Un critère devenu plus important que le salaire ! Et gare au « RSE washing ». Les candidats se renseignent dorénavant sur la réalité des actions des entreprises par le biais de sites collaboratifs, allant parfois jusqu’à analyser les budgets associés à la RSE.

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