Dossier Com corporate
Comment éviter les retours de bâton quand votre entreprise promeut sa raison d’être ou communique sur le féminisme ou l’environnement ? La réponse des experts.

1. Choisissez vos combats

« Si on veut tout faire, on fait tout à moitié. » Pour Guillaume Pommier, directeur délégué de l’agence Social & Stories (groupe Figaro), le premier impératif d’une entreprise en matière de communication d’engagement consiste à « bien choisir ses combats ». Ce dirigeant travaille depuis deux ans sur la question du discours à tenir par les entreprises dans un contexte de défiance généralisée. Il cite les cosmétiques Lush, qui ont procédé étape par étape, en supprimant plastique et en arrêtant les tests sur les animaux, de manière « à créer de la confiance autour de quelque chose de réaliste ». Choisir ses combats, c’est aussi le conseil que donne Benoît Bergeaud, président de l’agence 1969. « Beaucoup de marques nous demandent s’il faut réagir lors d’un sujet tel que Black Lives Matter. On leur dit : est-ce dans vos valeurs ? Avez-vous déjà parlé de ce sujet ? Est-ce que vous allez continuer à le faire ou est-ce juste un coup pour suivre la tendance ? Selon la réponse, on conseille ou non d’y aller », explique-t-il, en mettant en garde contre « les coups de com qui vous retombent très vite dessus ».



2. Agissez en toute légitimité

Pour Amélie Aubry, directrice générale en charge des marques chez Edelman France, la question de la RSE, trop large, ne permet pas à une entreprise de choisir le bon terrain d’action. « C’est considéré comme un pré-requis, cela ne permet pas de faire la différence », observe-t-elle. D'où la question à se poser : sur quel territoire ai-je une légitimité ? Dans le secteur de l’alimentation, par exemple, la question de l’insécurité alimentaire constitue un bon cheval de bataille. « Comment aidez-vous à lutter contre l’insécurité alimentaire, avec quelle action, quel périmètre d’impact pour réaliser quelque chose ici et maintenant ? », liste-t-elle, citant l’exemple de Danone, membre fondateur du programme « Malin », qui consiste à distribuer des bons de réduction à destination des moins de 3 ans. Le soutien aux producteurs peut aussi se révéler judicieux. Pendant le premier confinement, Danone a sorti une ligne spéciale de yaourts, un peu plus chers que la normale, venant en aide aux producteurs de fraises Gariguette qui n’arrivaient pas à écouler leur stock. L’une de ses filiales, Blédina, a lancé de son côté un programme, « Sauvez William », destiné à aider la filière des producteurs de poires Williams. « Il faut de la légitimité et aussi la capacité à avoir un impact marquant », résume Amélie Aubry.



3. Proscrivez les effets d'annonce

Le mot d’ordre ici : faire avant de dire. « Nous avons beaucoup travaillé avec une marque de sous-vêtements qui nous disait avoir de grands objectifs pour 2025 et vouloir communiquer tout de suite dessus. On leur a dit non, vous allez vous faire taper dessus, il faut être honnête, ce n’est pas encore le moment », témoigne Guillaume Pommier, de Social & Stories. Le discours, il y a encore quelques années, c’était un peu l’adage « Fake it until you make it » (fais semblant jusqu’à ce que ça soit vrai). « Mais aujourd’hui, nous prônons plutôt le “Make it until you say it”, ce qui veut dire, en substance, faites-le et parlez-en après, en évitant tout effet d’annonce qui peut vous retomber dessus », note de son côté Lucas Duquenne, planneur stratégique à 1969. Ce conseil va de pair avec l’humilité que les entreprises doivent aussi mettre en avant, selon lui, en citant le cas de l’un de ses clients, la marque de produits d’hygiène Love & Green, qui admet « ne pas être parfait, mais y travailler ».



4. Évitez les mots suspects

« Transparence », « bienveillance »… Pour Lucas Duquenne, de 1969, utiliser ce type de « mots suspects » et de « formules tarte à la crème », « ça veut dire qu’il y a quelque chose derrière ». « Les employer, c’est presque inviter le consommateur à aller vérifier que c’est bien le cas », dit-il, en recommandant « d’arrêter de dire que vous êtes transparents » et « de mettre plutôt en avant des choses tangibles » qui le prouvent de manière précise. Pour Amélie Aubry, chez Edelman, le ton employé est déterminant. En la matière, le maître-mot est « empathie », une notion mise au premier plan lors de la crise du covid. « Aujourd’hui, on rejette les discours trop forts, il faut rester dans la nuance en assumant que le chemin sera long », dit-elle. Et l’empathie, « c’est prendre conscience de ce que les gens vivent et de voir quelles sont leurs préoccupations autour de la question du changement climatique mais aussi de celle de l’emploi », analyse-t-elle.



5. Construisez avec vos parties prenantes

« Aujourd’hui, il y a une défense des communautarismes très forte, notamment sur les réseaux sociaux, avec des sensibilités extrêmes et des communautés qui peuvent être très virulentes », remarque Stéphanie Bastide, directrice associée en charge de la communication sensible à l’agence Wellcom. Bien connaître ces publics est indispensable, selon elle, « pour s’assurer de la bonne réception d’une communication ». Amélie Aubry prône la co-construction avec les parties prenantes de l’entreprise, via des « shadow comex », une gouvernance ouverte aux jeunes collaborateurs de l’entreprise, comme Gucci ou Accor la pratiquent, ou en fédérant des experts, des ONG ou des citoyens capables d’apporter un regard pertinent. Il ne s'agit pas seulement de les consulter mais aussi de travailler avec eux sur un projet, comme Danone l’a réalisé avec le WWF et l'association Pour une agriculture du vivant, sur le thème d’une agriculture régénératrice. « Le meilleur moyen de faire bouger les lignes, c’est de le faire en étant inséré dans un écosystème et en s’appuyant sur un réseau d’alliés », avance Arielle Schwab, directrice générale adjointe en charge de l’influence à Havas Paris. Selon elle, « l’engagement, c’est aussi, parfois, un risque qu’il faut prendre. Il faut juste savoir pourquoi on le prend, être capable de soutenir ses positions, et pas forcément rester dans une logique défensive pour éviter les bad buzz à tout prix ».

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