Création publicitaire
Pour son grand retour, le festival international de la création publicitaire des Cannes Lions propose une édition numérique. Malgré la distance, les avis des créatifs se rejoignent ainsi que leurs prédictions.

Cette année, au grand dam de la Croisette et du monde publicitaire, l’édition 2021 des Cannes Lions aura lieu de manière digitale. Les représentants du drapeau tricolore seront quinze cette année parmi les 285 jurés sélectionnés. 

À noter que le nombre de jurés féminins atteint 51% cette année. Une première pour le concours créatif. Tout comme sa numérisation, qui pour beaucoup a eu l’effet d’une gueule de bois mal passée. «Nous ne pourrons pas profiter du soleil et du rosé sur la plage, mais la passion qui règne afin d'obtenir le meilleur travail alimente toujours autant de débats. Au final, même si l'environnement n’est pas le même, l’esprit est resté», temporise Rosie Bardales, directrice de la création chez BETC Paris. 

Un avant/après Covid

Supposé se dérouler du 21 au 25 juin, le festival promet un nombre de catégories toujours aussi imposant avec pléthore de campagnes. Avec l’annulation des Cannes Lions saison 2020, à la suite de la pandémie de Covid-19, les jurys auront de quoi faire avec deux années de créations à juger. « Le plus compliqué n’est pas tellement la quantité mais la "re-contextualisation" des projets. Il y a des campagnes qui datent d’avant le Covid. Celles qui datent du début de la pandémie, celles où la pandémie n’est plus une surprise et celles sur les déconfinements. Chaque sujet demande de se replonger dans l’époque à laquelle il a été pensé», rappelle Céline Mornet-Landa, directrice de la création chez Sid Lee Paris. Un travail de mémoire qui s’avère être rassembleur, même à distance. «Au début, c'était intimidant. Mais l’équipe organisatrice a très bien géré ce nouveau dispositif», résume Rosie Bardales.

Avec la pandémie, les agences ainsi que les boîtes de production ont subi de plein fouet la crise économique. Mais qu’en est-il de la création, a-t-elle elle aussi essuyé une baisse de régime ? «Je ne pense pas que le Covid-19 ait eu un véritable impact sur la qualité des productions. Au contraire, cela a permis aux agences de se réinventer. La créativité publicitaire naît toujours de contraintes. Comme cela a été le cas ces 18 derniers mois», lance Olivier Lefebvre, président et directeur de la creation de Fred & Farid Paris.



En plus de leur agilité face à la pandémie, les agences fortement soutenues par les annonceurs, se sont postées comme des messagères de la bonne parole. Et cette année la tonalité des campagnes alternait entre le «larmoyant» et le «On est content de vous retrouver»... «La pandémie est une réalité qui nous a tous touchés et à tous les niveaux. Forcément c'était un sujet incontournable. Cela fait partie de notre histoire, et certaines marques ont décidé de l'aborder de front», acquiesce la directrice de la création Rosie Bardales. Pour Olivier Lefevre, cette empathie dans les films publicitaires relève du rôle des annonceurs dans la société. «En regardant de plus près le palmarès des derniers festivals internationaux, seulement 40% des campagnes sont "larmoyantes" ou du moins s’appuient sur ce type de mécanique. Et selon plusieurs études, deux français sur trois font plus confiance aux entreprises pour changer et faire avancer notre société, qu’aux gouvernements et différentes institutions. Ce qui pose d’ailleurs de vraies questions à un an des présidentielles. Donc, oui, les annonceurs se doivent de prendre part à ces questions sociétales, car c’est l’occasion pour eux de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs et surtout d’aligner enfin l’entreprise et la marque, ainsi que ceux qui la font et ceux qui l’achètent». Pour la directrice de la création de Sid Lee Paris, c’est tout naturellement que les marques s’engagent. «Les marques se doivent d’être en résonance avec la société et ses évolutions. Il y a quelques années une marque qui communiquait autour d’une grande cause le faisait souvent de façon opportuniste. Aujourd’hui c’est un peu différent : on demande aux marques d’avoir un point de vue, un avis, et de s’engager. Après il y a la façon de faire : beaucoup de marques tombent dans le misérabilisme en redoublant d’efforts pour jouer sur la pitié, ce qu’on ne peut que blâmer. On prône davantage des modèles d’engagements et de sensibilisation positifs, constructifs. Sensibiliser au handicap, par exemple, peut se faire en montrant les choses formidables qu’une personne en situation de handicap peut réaliser au lieu de la poser en victime. On préfèrera toujours une marque qui sensibilise en célébrant plutôt qu’une marque qui sensibilise en faisant pleurer.» 

Les prédictions 

En ce qui concerne les campagnes internationales, certaines créations semblent faire l’unanimité. Après Viva la vulva, Bodyform continue d’ouvrir le débat sur le tabou des règles et sublime l’utérus dans son film Womb stories, pensé par AMV BBDO. «Ce film est un des plus puissants et touchants que j’ai vu ces dernières années», confesse Olivier Lefebvre. Un autre film est revenu plusieurs fois dans les pronostics, il s’agit du Moldy Whopper de Burger King réalisé par Ingo, agence suédoise de WPP, David (groupe Ogilvy) et Publicis. Cette campagne date de 2020 et a été récompensée à de multiples reprises au sein des plus grands festivals de la pub. De manière plus générale, l’enseigne Burger King a fait mouche cette année. A coup de tweets et de messages, Burger King France a su tirer son épingle du jeu lors de la pandémie. Notamment le print Burger King & Friends conçu par l’agence Buzzman, qui invitait les consommateurs en ces temps drastiques à commander autant chez eux que chez leurs concurrents. «Cette opération Burger King & Friends a lancé un mouvement de solidarité à travers le monde», ajoute le directeur de la création de Fred & Faris Paris. 

Un autre film français semble se démarquer, il s’agit de celui réalisé par Publicis Conseil avec l’association Face à l’inceste, Deux cauchemars dans mon histoire. Egalement récompensé à plusieurs reprises lors de festivals internationaux, il semblerait qu’il suive le même chemin en France. «Il y a de très belles chances du côté des agences françaises. Il y a évidemment le film Lacoste, qui a déjà gagné de très nombreux prix dans différents festivals ainsi que la très belle campagne print Le chocolat des Français», résume Olivier Lefebvre. Toujours du côté de l’hexagone, Céline Mornet-Landa parie plutôt sur le court-métrage du jeu Watch Dogs Legions conçu par DDB Paris et l’innovation de la marque de pâtisserie française Vahiné et ses agences Grey Paris et Ogilvy Paris d’une bougie virgule pour fêter les demi-anniversaires.

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