Tribune
Que ce soit par leur recours aux influenceurs ou par la digitalisation des canaux de vente, les acteurs du luxe cherchent à ancrer davantage leurs produits dans le réel en passant par le virtuel. Une tendance qui crée plus de proximité avec le consommateur.

Jusqu’à présent, les marques de luxe ont attiré les consommateurs en travaillant leur univers de façon très inspirante. Ainsi, plutôt que le produit, c’est l’imaginaire autour de lui qui a été exploité. Depuis la montée en puissance des réseaux sociaux, notamment Instagram avec ses influenceurs superstars, la tendance s’est déplacée sur l’objet. Désormais, c’est donc avec d’autres que les maisons de luxe réinventent l’expérience autour de leur produit pour l’ancrer dans la réalité, virtuellement.

L’ancrage du produit dans son usage a été accéléré par la pandémie mondiale : boutiques fermées, consommateurs contraints de rester à la maison… Dans le même temps, les consommateurs ont cherché de la réassurance avant d’acheter en ligne des produits aux coûts relativement élevés. En effet, le panier moyen en France en ligne est à son plus bas niveau depuis 2010, selon la Fevad, à 60 euros. Dépenser plus de 1 000 euros sur un site e-commerce reste encore une démarche très exceptionnelle.

Là encore, une différence existe selon la zone géographique où officie la marque. En Asie, la maturité digitale et culturelle est bien plus forte qu’en Europe. Et, si le panier moyen a baissé en France, celui des produits de luxe en Chine a bondi de 40 % l’an dernier. Quoi qu’il en soit, de tels montants exigent d’avoir, avec les produits, une expérience physique. Lorsque ce n’est pas possible, il faut donc trouver des solutions.

Un schéma de valorisation qui se déplace sur les réseaux sociaux

La marque de luxe fait donc progressivement évoluer ses éléments de discours pour ancrer le produit dans une histoire réelle. Pour la raconter, elle se tourne vers des personnalités publiques, des influenceurs, qui comblent le besoin de réassurance du consommateur et transcendent l’univers de la marque. Si l’égérie est un concept qui ne date pas d’hier, cette dernière ne se contente plus de parader dans un film publicitaire. Désormais, sur son compte Instagram, elle teste les nouveautés de la marque, fait la promotion de tel ou tel sac à main, rouge à lèvres ou robe. Elle les détaille sous toutes leurs (hautes) coutures, sans filtre ou presque.

Mais surtout, elle les fait évoluer dans son quotidien. Ainsi, le produit n’est plus simplement associé à l’univers de la marque mais également à celui de l’influenceur qui le promeut. Cette vie fait souvent rêver celui ou celle qui la suit sur les réseaux et la dimension exceptionnelle se répercute automatiquement sur l’objet de luxe.

En Chine, ce phénomène est même devenu incontournable. Plus aucune marque de luxe ne peut espérer exister sans la complicité des KOL, pour Key Opinion Leaders, véritables machines à cash pour les grandes maisons. En 2018, selon les données de Weibo, la puissance économique des KOL représentait l’équivalent de 13 milliards d’euros environ. C’est peu dire si leur influence est forte.

Le paradoxe de la virtualisation

Au-delà des influenceurs, les initiatives de digitalisation se sont également multipliées au cours de l’année dernière, avec de beaux succès. Certaines marques ont ainsi mis en place des rendez-vous en ligne avec des conseillers, qui présentent l’article au client et lui donnent envie d’acheter. D’autres expérimentent le live streaming shopping, version modernisée et connectée du téléachat, qui représente déjà un marché mondial estimé à 138 milliards de dollars.

Enfin, pour franchir le pas de l’achat d’un produit haut de gamme, technologique ou technique, les consommateurs veulent accéder à une information exhaustive. C’est pourquoi des start-up se lancent sur ce créneau et imaginent des mises en relation entre potentiels acheteurs d’un bien premium et particuliers passionnés, prêts à échanger et à faire la démonstration des produits concernés. Ces plateformes fonctionnent en étroite collaboration avec les marques, qui identifient parmi ces passionnés leurs futurs ambassadeurs.

Ainsi, alors même que la relation semble prendre de la distance puisqu’elle se déporte en ligne, en réalité, cette virtualisation rapproche le consommateur du produit. Pour s’ancrer dans le réel, finalement, le luxe s’en est tout simplement détaché.

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