Dossier Humour
Au Royaume-Uni, les agences de pub rivalisent d'ingéniosité pour faire sourire sans froisser. Les pressions du régulateur et la vocation internationale des campagnes expliquent cette standardisation de l'humour.

David Beckham qui prend la pose en boxer, en noir et blanc, dans une ambiance intimiste, avec une musique de chambre. Tellement classique. Jusqu'à l'arrivée de l'humoriste James Corden, lui aussi muni du plus simple appareil, en partie recouvert par des amours de graisse. On n'ose pas sourire. Jusqu'à ce que le visage benêt de Corden essaie d'imiter l'expression virile de l'ancien footballeur, puis se lance dans une variété de personnages, de l'assistant intimidé à l'admirateur intrusif.

Moquer sans froisser

Cette pub pour les boxers D&J (David & James) a été l'une des plus drôles de ces dernières années… mais elle était fausse. Fausse car trop risquée, dans un univers publicitaire britannique raidi par le rationalisme anglo-saxon. « Dans un contexte où les marques veulent créer des actifs transposables dans le monde entier, la comédie est souvent vue comme trop nuancée, trop destinée à des niches, trop polémique, et trop chère à recréer dans les langues locales », regrette Kate Stanners, directrice de la création de Saatchi & Saatchi.

L'Advertising Standard Authority a également élevé son niveau d'exigence ces dernières années, comme le montre l'interdiction d'une publicité de Philadelphia Cream, moquant deux trentenaires masculins dans un restaurant avec leurs deux enfants en bas âge. Voyant deux desserts manifestement appétissants passer sur le tapis roulant, ils ne résistent pas à la tentation de poser leurs enfants sur ce tapis pour goûter aux crèmes. Quelques secondes plus tard, ils prennent conscience de leur erreur en voyant que les enfants sont déjà quelques mètres plus loin. « Cette publicité repose sur le stéréotype que les hommes sont incapables de s'occuper d'enfants », a tonné l'autorité britannique.

Moquer sans froisser. « Dans une ère où il faut minimiser le risque et la vulnérabilité, beaucoup de formes d'humour "dangereuses" ne sont plus acceptables », estime Simon May, professeur de philosophie au King's College de Londres et auteur de l'ouvrage The Power of Cute.

Humour mignon

En matière d'humour « mignon », l'un des spots les plus réussis de ces derniers mois est le McCafé de McDonald's (Leo Burnett London). Une femme profite d'une pause professionnelle pour aller boire un simple café, mais arrive dans un McDo transformé en capharnaüm bruyant. Son léger malaise exprime l'idée qu'elle est juste venue prendre un café au calme, ce que tout les McDo du monde offrent, sauf celui de cette publicité surréaliste. McDonald's se moque également des clients toujours plus exigeants.

Faire (sou)rire à l'échelle internationale implique désormais de prendre de la hauteur avec tout ce qui est humain, trop humain. « La force de l'humour cute, conclut Simon May, c'est qu'il ne se fait aux dépens de personne, car son objet est souvent non-humain et inoffensif. Mais il est tout aussi criticable. »

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