Dossier Emploi et formation
En décuplant l’attrait du digital, la pandémie a accéléré la mutation en cours. Si les fonctions liées directement au numérique continuent d’être très demandées, les autres évoluent aussi pour s’adapter aux modes de communication en vigueur sur les réseaux sociaux.

COMMUNICATION

 

  • Content

La dimension contenu bénéficie d’une forte demande, tant de la part des agences que des annonceurs. Selon Laetitia Parise, directrice du marketing du cabinet Aquent, « c’est lié au besoin renouvelé des clients de communiquer avec leurs consommateurs. Cette demande concerne aussi bien les concepteurs-rédacteurs que les responsables SEA ou SEO, ou les responsables de structuration des contenus, qui pilotent leur industrialisation, conçoivent l’architecture des content factories et la génération des contenus. »

Attention aux évolutions, prévient cependant Rémy Doehaerd, cofondateur de Moonlike (groupe Australie.GAD) : « Le métier de concepteur-rédacteur a aussi beaucoup changé. Une des vertus des réseaux sociaux, c'est de nous remettre à écrire. Nous n'avons pas seulement besoin de gens qui savent écrire de bons claims, mais aussi de gens qui ont une sensibilité pour l'écriture longue comme le demandent les descriptions de post. Il faut aussi être capable de proposer de nouveaux contenus quasiment tous les jours, alors qu'une bonne campagne TV peut tourner pendant trois ans sans bouger. »

 

  • Création

La création n’est plus celle d’antan. Rémy Doehaerd explique qu'« il y a quatre ans, on avait des DA et des motion designers. Aujourd'hui, nous recrutons des profil DA motion "tout en un" qui fusionnent les deux expertises. Nous gagnons en cohérence, et en rapidité du fait des contraintes de temps et de fabrication. Ce genre de profils sont souvent très junior, formés aux nouveaux usages mais manquant d'expérience. Il faut donc veiller à bien équilibrer l'équipe. »

 

  • Design

« Le design fait un retour en force, depuis les fonctions de team lead jusqu’à UX designer ou UX researcher », estime Laetitia Parise, d'Aquent. Elle note cependant qu’identifier les bons profils par rapport à la problématique spécifique d’un client reste complexe. Même son de cloche à Razorfish, agence digitale du groupe Publicis. « Le dynamisme du marché est important et concerne tous les métiers mais plus particulièrement les métiers liés l'UX et l'UI ainsi que ceux de la création appliqués au digital », note le directeur des ressources humaines de Razorfish, Stéphane Bartolomucci.

 

  • Influence / e-réputation

Les métiers de l'influence et de la réputation en digital sont aussi sous tension. « La difficulté va persister, ce qui va augmenter les durées de recrutement, prévoit Marc de Torquat, cofondateur du cabinet Shefferd. Certains profils digitaux en communication, dès lors qu'ils cumulent l'expertise technique et les soft skills en adéquation avec le poste et les valeurs de l'entreprise, ont le choix entre deux ou trois propositions simultanées. » Une tendance que confirme Sarah Pachter, chief delivery officer d'Ogilvy : « Les profils PR et influence sont en pleine relance, de même que les profils en lien avec le content, ainsi que le social dans une acception large (community manager, social strategist, social media manager...). Nous recherchons aussi des profils qui ont une expérience du CRM, de la data et du consumer journey. »

 

  • Acheteur média

Pour ceux qui veulent recruter un acheteur média, il faudra s’armer de patience car la pénurie est presque... totale. « Le problème, c'est qu'il n'y en a pas, résume Mylène Cabrera, cofondatrice de Moonlike. Il sont en poste à plus de 97 %. Pour recruter, il faut débaucher quelqu'un chez un concurrent ou chez un annonceur. Il faut parfois passer par des cabinets de recrutement. »

 

ÉVÉNEMENTIEL

 

L’événementiel va-t-il renaître ? Les premiers signes sont en tout cas positifs, constate Laetitia Parise, d'Aquent. « L’événementiel, en très grande difficulté en 2020, a aussi repris des couleurs. Annonceurs et agences sont de nouveau à la recherche de profils avec quelques années d’expérience pour organiser des événements. C’est d’autant plus surprenant que ces demandes viennent de secteurs très variés. C’est sans doute le besoin de retrouver du contact. C’est un rebond bienvenu après une année catastrophique. »

 

MARKETING

 

Avec la crise sanitaire, le marketing gagne des galons supplémentaires et la chasse aux talents s’intensifie. « Dans l'e-commerce, les métiers les plus recherchés sont les postes middle (chef de projet e-commerce) ou techniques (développeurs) mais aussi l'acquisition et l'e-merchandising, ainsi que les profils data, très sollicités, au point que répondre à une offre conduit à coup sûr à un entretien », explique Marc de Torquat.

La pénurie est telle que certains profils ne comptant que six mois d’ancienneté sont sollicités à nouveau dans leur nouvelle entreprise. Ils céderont difficilement aux sirènes des recruteurs. « La plupart préfèrent rester sur leur premier choix d'autant plus s'ils ont des opportunités de formation afin d'améliorer leur expertise », ajoute le spécialiste. Pour autant, Shefferd note que le marché se détend légèrement. « Si on prend une base 100 en 2016, je dirais que nous sommes maintenant aux alentours de 60 – 70 », note Marc de Torquat.

L'analyse est partagée par Bertrand Jonquois, administrateur de MMA France [Mobile Marketing Association] : « La demande la plus importante porte sur les chefs de projets capables d'articuler CRM, e-commerce et digital. Il est important d'avoir un pilote marketing capable de gérer ces trois aspects. Il faut des profils hybrides qui connaissent le marketing et la techno tout en étant orientés résultats. » Il ne faut pas oublier la qualité de l’exécution, rappelle Pierre Harand, partner de Fifty-Five : « L’excellence opérationnelle reste aussi une dimension critique, en particulier l’enjeu de l’acquisition des clients. »

 

DIGITAL

 

La tension est manifeste sur les fonctions digitales (head of social, social media manager, community manager, création de contenu, événementiel digital). Selon Marc de Torquat, du cabinet Shefferd, « il y a parfois un ou deux candidats pour une offre ». Contraintes par des marges réduites, les entreprises misent moins sur la rémunération que sur les avantages : autonomie, télétravail, jours de congés, variables garantis, possibilité de bonus en fin de période d'essai ou après deux ans dans l'entreprise.

 

  • Data

Sans  surprise, la data concentre les difficultés. « La recherche de profils la plus complexe concerne la data (web analyst, data analyst...), relève Bertrand Jonquois, à MMA France. La demande est peu satisfaite, faute de formations. La difficulté tient à ce que les entreprises disposent d'un volume de données plus important et que, pour cette raison, elles sont plus nombreuses à vouloir les traiter. »

Si le data scientist reste emblématique de ce domaine, les besoins sont finalement réduits car leur apport se concentre sur les algorithmes. « Les entreprises ont en revanche besoin de beaucoup de data ingénieurs qui vont, à partir de l’algorithme, exploiter la donnée et mettre en place les plateformes de traitement de ces données, note Pierre Harand. Pour un data scientist, il faut en moyenne cinq data ingénieurs. Le petit secret caché du monde de la data, c’est la collecte et le traitement de la data. »

 

  • Acquisition, conversion, trafic, growth-hacking

Pour Jacques Froissant, dirigeant du cabinet Altaïde, la crise sanitaire a poussé nombre de sociétés B2B à investir massivement dans l'e-commerce, ce dont elles se gardaient jusque-là pour ne pas froisser leurs réseaux de distribution physiques. « Pour autant, cela n’a pas fait progresser la demande de développeurs parce qu’elles utilisent essentiellement des plateformes déjà prévues pour cet usage, note le spécialiste. En revanche, elles ont recruté des profils liés à l’acquisition, à la conversion, au trafic management ou au growth-hacking. Ces profils sont très pénuriques et il faut compter six mois ou plus pour faire aboutir un recrutement. Le marché s’est tendu et c’est maintenant l’approche directe qui permet de réussir dans 90 % des cas. »

 

  • Les profils les plus critiques

Plus encore que les profils data, d’autres commencent à atteindre un degré critique inédit. « Il s’agit de ceux qui font la synthèse des technologies nécessaires et coordonnent tous les acteurs impliqués, depuis la DSI jusqu’au juridique, RGPD oblige, en passant par le marketing, la communication, voire d’autres, détaille Pierre Harand. Ce type de profil est polarisé entre les juniors, qui ont entre 5 et 10 ans d’expérience, qui seront chefs de projet, et les seniors, avec dix ans d’expérience ou plus, qui vont occuper des postes de direction d’expérience client ou de directeur du digital, avec pour mission essentielle de mettre de la cohérence entre toutes les initiatives digitales qui se basent sur la data. » Trouver de tels profils est difficile car il n’existe aucune formation qui prépare à ces fonctions. « C’est l’expérience et la personnalité des personnes qui font la différence », résume Pierre Harand.

 

FONCTIONS ÉMERGENTES

 

Pas encore en tension extrême, certaines fonctions peuvent être considérées comme émergentes, note Bertrand Jonquois, administrateur de MMA France : « Les chargés de contenu et de merchandising multi-canal ont pour mission de définir quel produit doit être proposé sur quel canal. La fonction de retail media manager émerge aussi. Ils gèrent la mise en avant des produits dans les marketplaces. Ils sont employés soit par des plateformes, soit par les agences qui créent des dispositifs de retail media. »

À ces profils s’ajoutent les e-commerce managers. Selon Pierre Harand, « les e-commerce managers, qui animent un site, sont aussi très recherchés et difficiles à trouver car ils doivent combiner un esprit "commerçant" pour se mettre à la place du client tout en étant familiers des technologies web. »

« De nouveaux métiers apparaissent »

Claire Piau, responsable de département Observation et prospectives de l'emploi à l'Afdas

« Les métiers du secteur sont soumis à plusieurs facteurs d’évolution, en particulier l’arrivée de nouveaux acteurs, comme les plateformes de publicité programmatique ou les influenceurs, qui complexifient la chaîne de valeur de l’écosystème. La diversification des supports est un second facteur qui vient lui aussi favoriser le développement des compétences. L’ensemble de ces évolutions orientent les métiers dans trois directions : une digitalisation croissante, une interaction de plus en plus poussée à travers les réseaux sociaux, ce qui favorise des secteurs comme le marketing d’influence, et enfin un poids croissant des enjeux liés à la responsabilité sociale des acteurs de l’écosystème publicitaire. De nouveaux métiers apparaissent, comme celui de data strategist, une fonction chargée d’élaborer une stratégie d’exploitation des données afin d’assurer leur valorisation, celui d'analyste des médias sociaux, ou encore de chargé de relation avec les influenceurs. »

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