Tribune
Plus que de faire rêver, les marques se doivent aujourd'hui de s'inscrire dans le quotidien des consommateurs à travers des actions concrètes et cohérentes. Et cette utilité publique des marques renforce la confiance même que leur accordent les Français.

Longtemps, les marques ont raconté des histoires. Des histoires pour faire rêver, mettre en valeur, embellir, s’affirmer. Des histoires aspirationnelles ou identitaires. Pourtant, la «suggestion de présentation» qui se racontait depuis quelques années sous couvert de causes morales et éthiques ne suffit plus. L’existence même d’une responsabilité sociale pour les marques est aujourd’hui absolument nécessaire.

Mais parce que les gens veulent désormais du concret, du bénéfice personnel et collectif, c’est à la question du comment que ces dernières doivent désormais répondre : comment chaque marque peut assumer cette transition de la fiction au réel, de l’imaginaire à l’action ? Comment être en phase avec la réalité des individus, afin d’agir concrètement dans leur vie ?

La clef est en réalité la proximité, qui crée l’envie d’acheter les produits et services d’une marque, mais surtout celle d’installer durablement la marque comme premier choix, en se faisant plus proche du consommateur. A l’objectif noble mais lointain du purpose, qui ne constituait qu’une belle histoire, se substituent dorénavant les actions cohérentes, qui peuvent prendre part au quotidien des gens en particulier et de la société en général.

Crises et mouvements sociaux, le nouveau fer de lance des marques

De ce point de vue, de nouvelles opportunités s’ouvrent pour les marques. En 2020, deux phénomènes ont transformé la relation des consommateurs avec celles-ci et créé de nouveaux registres d’attentes. Sur le plan de la communication, les problématiques sociales telles que le mouvement Black Lives Matter, l’essor de l’attitude body positive ou des mouvements LGBTQIA+, et la continuité des risques environnementaux ont amplifié l’intérêt des marques à s’inspirer du réel et de la sensibilité accrue au racisme, aux discriminations, à l’impact écologique des produits comme à l’aspiration à être reconnu tel que l’on est.

Sur le plan marketing, la crise de la covid-19 et la fermeture des points de vente ou les restrictions horaires ont obligé les marques et les entreprises à apporter des solutions pour accompagner des consommateurs qui ne pouvaient plus faire leurs courses comme avant, en accélérant dans l’urgence le développement des boutiques online, du drive et de la livraison à domicile.

Par ces deux approches, les marques ont dû montrer qu’elles partaient de la réalité des consommateurs et manifester qu’elles les comprenaient avec de vraies solutions. Il n’est d’ailleurs pas exagéré de parler du rôle politique des marques : nombre d’entre elles sont déjà actives sur des missions qui relèvent de l’action d’un gouvernement dans de nombreux domaines tels que l’éducation, la sécurité, le commerce, le sport, la santé ou l’égalité hommes-femmes.

Dans ce dernier secteur par exemple, alors que le plan gouvernemental Angela de 2020, contre le harcèlement de rue, ne se déploie encore que très lentement, la marque L’Oréal Paris s’est récemment emparée de cette problématique en s’associant à l’ONG Hollaback ! et à la Fondation des Femmes afin de mettre en œuvre un programme de formation mondial pour aider les victimes et les témoins à agir, insufflant dans le même temps, et selon ses propres termes, une portée militante à son message «Parce que je le vaux bien».

La confiance des Français en hausse

Cette démonstration de l’utilité publique des marques aura permis d’augmenter la confiance des Français à l’encontre de ces dernières. En 2019, 34% des Français déclaraient avoir confiance dans les grandes entreprises, contre 53% en avril 2020, 54% en juin et 49% en avril 2021, selon l'étude Global Advisor Earth Day d'Ipsos. A l’inverse, la confiance dans la présidence de la République, à 44% en 2017, déclinait à 36% en avril 2021, comme si avait lieu une inversion entre acteurs privés et acteurs publics, les premiers ayant mis en œuvre (jusqu’aux campagnes de vaccination) des ressources matérielles et opérationnelles supérieures aux seconds, afin de prendre la main et d’accélérer les changements.

Enfin, deux autres leviers sont à prendre en compte pour les marques. En termes de relais d’opinion et de réseaux sociaux, les influenceurs vont faire place aux expérienceurs avec le passage de l’image et du discours de telle ou telle personnalité à un témoignage d’autant plus crédible qu’il est lié à l’usage concret du produit ou du service. En termes d’innovation, le temps de la surpromesse avec des produits «10 en 1» se termine. Les consommateurs ne croient plus qu’une innovation puisse être à la fois surpuissante, bio, moins chère, made in France, ultraconcentrée... Leurs attentes se portent sur un positionnement plus marqué, avec un driver d’autant plus efficace qu’il est simple, transparent, réaliste, parce que l’on ne peut pas satisfaire toutes les catégories d’attentes à la fois.

Pour opérer à toutes ces échelles, la marque doit s’interroger sur son rôle, le qualifier en lien avec sa catégorie et intégrer quatre paramètres : la vitesse (l’effet de l’action doit être immédiat ou au minimum le plus rapide possible, notamment pour les jeunes générations qui vivent dans l’instantanéité), la vérité (tout ce que fait une marque, tout ce qui constitue un produit, est accessible et vérifiable : il faut donc un maximum de transparence et un minimum de déformation entre ce qui est dit ou fait et ce que le consommateur peut contrôler), la cohérence (l’expérience doit être alignée avec la promesse et la perception de la marque, ce qui implique de bien connaître et d’évaluer les risques de distorsion et de déformation) et enfin l’ambition politique.

Sur ce point, les marques doivent aller là où on ne les attend pas encore. Elles doivent aller plus loin, imaginer d’autres contributions à la culture, la jeunesse, l’emploi, l’insertion..., et ce, pour se rapprocher encore davantage du quotidien des consommateurs. On l’aura compris, si le marketing réaliste n’interdit rien en termes de storytelling et de contenus, il doit à tout prix rester connecté à la «vraie vie».

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