Entrepreneuriat
Par le biais de son accélérateur de croissance implanté à Libreville, la JFD (Journée de la femme digitale) contribue à la féminisation de l’écosystème digital gabonais.

En 2015, le Gabon décrète la période 2015-2025 comme « décennie de la femme gabonaise ». Objectifs : améliorer la représentativité des femmes, tous domaines d’activité confondus, et lutter contre les discriminations. « Il y a une véritable volonté de faire évoluer le statut des femmes dans notre pays, avec pas moins de onze femmes membres du gouvernement, dont la Première ministre, Rose Christiane Ossouka Raponda. En outre, la première dame, Sylvia Bongo Ondimba, se positionne en avocate de la parole des femmes à tous les niveaux », assure Camelia Ntoutoume-Leclercq, ministre déléguée auprès du ministre de l’Enseignement supérieur du Gabon.

Le numérique est un levier de croissance important pour l’économie du Gabon (5 % du PIB). C’est le sixième pays le plus performant d’Afrique dans le secteur des TIC (technologies de l’information et de la communication). Dans ce cadre, la Journée de la femme digitale (JFD), le mouvement de l’innovation au féminin dirigé par Delphine Remy-Boutang, inaugurait au mois de mars dernier son accélérateur de croissance en Afrique, en plein centre de Libreville, capitale du Gabon. Il s’agit de former plus de 500 femmes chaque année, de lancer cinq start-up fondées par des femmes d’ici 2022 ou encore de rendre le digital accessible aux femmes des zones rurales. « La JFD favorise l’inclusion et la représentation équitable des femmes dans l’entrepreneuriat et les métiers du digital. Notre accélérateur est un lieu où nous accueillons et réunissons des femmes entrepreneurs et des jeunes filles (entrepreneuses en herbe) pour des formations, des ateliers, des rencontres internationales, du networking, etc. », détaille la fondatrice. 

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En effet, les métiers numériques représentent une formidable opportunité pour les femmes de tous les milieux sociodémographiques. Pour autant, cette partie de la population peine à s’emparer des outils du digital, comme l’attestent les chiffres fournis par la JFD : alors que 50 % des hommes affirment avoir utilisé un ordinateur avant l’âge de 15 ans, la majorité des femmes interrogées déclare avoir utilisé un ordinateur entre 15 et 19 ans. Selon Sylvie N’Tchandi Touré, directrice de l’école 241, la première fabrique Simplon au Gabon entièrement gratuite, ouverte et accessible à tous, il existerait trois grands freins à lever pour emmener totalement les femmes africaines sur les sujets liés au digital et à la tech. Le premier, plutôt commun avec les hommes, est la méconnaissance de ces nouveaux métiers. « Culturellement, ces métiers ne font pas partie des professions connues des conseillers d’orientation formels ou informels (tels que les parents et les amis). Par conséquent, ils n’entrent pas ou très peu dans l’imaginaire de notre jeunesse. Encore une fois, culturellement, nous restons très classiques dans les choix des métiers chez les hommes et les femmes, la peur du risque est très forte », explique la directrice.

La seconde difficulté est la perception générale erronée qui laisse penser que les métiers liés à la technique ou aux nouvelles technologies sont dédiés aux hommes, bien que plusieurs femmes aient démontré le contraire. « En définitive, ces métiers ne font toujours pas rêver les filles et les jeunes femmes gabonaises. » Enfin, le dernier frein est lié à l’incertitude de trouver un emploi grâce à ces nouveaux métiers, une incertitude entretenue par le fait que ceux-ci sont également mal connus des entreprises et des administrations publiques. « Pourtant, le digital est une formidable opportunité pour les femmes, il est au cœur de tout, martèle Virginie Mounanga, fondatrice de l’agence en conseil Blanc Cristal au Gabon. Aujourd’hui, avec un smartphone, les femmes peuvent travailler en restant chez elles. Elles peuvent vendre des produits, se faire connaître, parler avec leurs clients, etc. En tant que professionnelles, les femmes qui ne sont pas sur LinkedIn, par exemple, sont invisibles. » Pendant la crise sanitaire, ce sont surtout les femmes qui ont été fragilisées et isolées. Les agricultrices et artisanes ont perdu entre 40 à 60 % de leur chiffre d’affaires selon le gouvernement gabonais. « Il faut les aider à travers des applications, leur montrer que les réseaux sociaux et les plateformes ne servent pas qu’à communiquer avec la famille, mais peuvent être des outils puissants pour faire du business », ajoute Virginie Mounanga.

Au-delà de l’initiation aux outils numériques, ce qu’il manque aux femmes c’est souvent la motivation, la confiance. « Quand nous les rencontrons, ces femmes sont souvent sous l’emprise du syndrome de l’imposteur. Ce dont elles ont besoin, c’est aussi de coaching, de développement personnel, de média training, de formations complètes de techniques commerciales, de gestion de projets, etc. », indique Camelia Ntoutoume-Leclercq. « Il s’agit d’encourager les femmes à devenir “role model” pour insuffler de la confiance aux autres », poursuit la ministre. Inspirer, encourager les femmes à oser, innover, entreprendre… Dans les locaux de l’accélérateur de croissance de la JFD, de nombreux événements de networking sont organisés pour réunir les femmes entrepreneurs. « La transformation digitale que connaît actuellement le Gabon représente une opportunité majeure pour encourager les femmes à entreprendre. Il est crucial de saisir cette chance en les accompagnant et en leur fournissant toutes les clefs pour ancrer leur présence dans un secteur qui représente le futur de nos sociétés », entrevoit Delphine Remy-Boutang.

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