L'actu vue par
Vincent Grégoire, directeur prospective pour le cabinet Nelly Rodi, revient sur les grandes actualités de la semaine.

Le décès de Virgil Abloh, directeur artistique de Louis Vuitton.

C’est un véritable drame. Il avait une vraie vision, et portait un vrai projet. C’était un formidable remixeur d’images de sons, de couleurs. Virgil Abloh était un pur produit post-moderne. Il n’a pas eu de grandes inventions, au sens propre, mais son grand talent, c’était de savoir récupérer des choses dans l’air du temps pour les sublimer afin d’illustrer un point de vue. Il avait une position sur la diversité, sur l’inclusivité, qui a profondément changé Vuitton. Il a fait rentrer la marque dans la culture « bottom-up », la culture de la rue, populaire, en allant chercher les codes de la BD, du gaming afin de les intégrer dans le luxe. Tout ce qui était déconsidéré par le secteur, il l’a fait rentrer. Cela sera difficile pour la marque de le remplacer.

Grève historique à Sephora et dans la distribution.

C’est une conséquence du réveil de ceux qui sont dans l’ombre. Ils en ont ras-le-bol, marre des actionnaires, d’une économie qui va sans redistribuer, sans repartager les bénéfices. Ils demandent leur part. Ce sera d’ailleurs le sujet prioritaire des élections. C’est majoritairement le pouvoir d’achat qui est au cœur des questions, pas autre chose, pour les catégories populaires.

Les bons résultats de Kering en Bourse (et du luxe en général).
En cas de période chahutée, le luxe va toujours bien car c’est un exutoire. Il y a des zones géographiques où c’est plus sensible que d’autres car le marché se cherche, il est au milieu du guet, mais il finira par embrasser de nouvelles voies. Personnellement, j’identifie deux nouvelles vagues dans « les luxes » à venir. Une qui pourrait s’appeler le « Luxe populiste », très « bottom-up », qui embrasse le numérique, et de nouveaux domaines, comme le gaming, la réalité augmentée, la street culture, voire le mauvais goût. Un luxe foutraque, activiste, militant, qui mêle de nombreuses choses. Et un luxe que j’appelle « Uber Luxe » qui naît de la fusion de la haute manufacture, l’excellence de la maîtrise et de la virtuosité avec la haute technologie. Il cherche à réunir l’intelligence de la main avec l’intelligence de la machine. Comment fusionner ces deux éléments ?

Un bilan du Black Friday en demi-teinte.

Il commence à poindre une remise en cause du Back Friday, certains le voyant comme le pur produit d’une société capitaliste. On en a peut-être trop fait, avec les promos pré-Black Friday, post Black Friday... N’a-t-on pas trop tiré sur la corde ? Il y aura toujours des clients qui en profiteront car cela répond à un désir de consommation. Mais si les marques veulent questionner le modèle, elles peuvent penser autrement. Je préfère les enseignes qui trollent le système à celles qui s’y opposent. Pourquoi ne pas redistribuer les bénéfices de l’opération à une ONG qui lutte contre la consommation ? Ce qui m’intéresse c’est la reconsidération de l’événement, comment détourner de l’intérieur ? Des clients achèteront toujours par soif de consommation. C’est plus utile de parler avec eux, que de les braquer avec de la déconsommation.

La cinquième vague de Covid-19. 

2020 était l’année de la résistance, 2021 celle de la résilience… 2022, sera-t-elle celle de la renaissance ? On observe dans nos panels que les individus ont envie de voir le verre à moitié plein. Tout le monde accepte l’idée qu’il va falloir vivre avec le virus, et commence à s’adapter à ses contraintes, parce qu’il faut bien avancer. C’est une fatalité acceptable. On ne va plus s’arrêter de vivre pour cela. Elle est là, la vraie réinvention du monde, en acceptant le sort et en se trouvant une nouvelle cause : réparer les générations, créer du lien social, se focaliser sur ce qui marche plutôt que ce qui rate. Dans nos enquêtes de social listening, nos études consos, on entend cette majorité silencieuse.

La finale de Danse avec les Stars.
C’est toujours intéressant pour moi de suivre ces émissions car elles disent beaucoup de notre société. Ici on avait le match pour la final. Le gagnant, Tayc, est un chanteur français, noir, barbu, un peu dans les clichés de la masculinité. L’autre favori était Bilal Hassani, figure de regendering, qui symbolise l’acceptation de la différence, la singularité, la transgression. Et le peuple a tranché pour la conformité, en choisissant Tayc. Alors, certes, c’est une personne issue des minorités qui a gagné, mais conventionnelle. Ça veut dire que notre société est prête à faire un pas vers la diversité, mais pas trop. Bilal Hassani et les questionnements sur le genre clivent encore. C’est intéressant à observer pour apprécier l’évolution des mentalités. 

Le naufrage de 31 réfugiés dans la Manche. 

C’est un drame, et une profonde remise en question d’un système d’accueil. Pour moi, c’est un drame européen avant tout. La tâche la plus grande c’est de reconstruire cet esprit d’ensemble, car ce n'est pas limité à la Manche. Nous sommes en train de nous vider de personnes avec des cultures passionnantes, des forces vives prêtes à mourir pour un peu de vie.

La panthéonisation de Joséphine Baker. 
Beaucoup l’avaient sûrement oubliée. Une femme noire, qui a fait bouger les lignes de manière hallucinante, une maman, une artiste engagée… vraiment, je suis fier d’être français quand je vois qu’elle intègre le Panthéon. Ça prouve notre ouverture d’esprit et ça démontre que la France a été une terre d’accueil. C'est un doigt d’honneur à Zemmour, à Ciotti...

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