Tribune

La révolution métavers promet de vivre une expérience digitale où le virtuel et le réel s’hybrident totalement. Aux marques de s'y faire une place le moment venu, à condition de se poser les bonnes questions.

Nous n’avons jamais autant entendu le mot «métavers» que depuis ces dernières semaines. Et pour cause : le 28 octobre dernier, lors du Facebook Connect, Mark Zuckerberg présentait la vision de Facebook pour le web de demain et annonçait le changement de nom du groupe pour Meta. Quelques jours plus tard, Microsoft dévoilait de nouvelles images de Mersh et se fixait comme objectif une première sortie pour le premier semestre de 2022. D'où cette question : sommes-nous devant un phénomène de mode à la Clubhouse ou face à l’avènement d’un nouvel internet ? Et quels sont les enjeux pour les marques ?

Rappelons que les métavers existent depuis longtemps. Les lieux virtuels, investis par les utilisateurs et permettant de jouer, interagir et même acheter, sont loin d’être nouveaux, à l’image du précurseur Second life, lancé en 2003. Ont suivi de nouvelles plateformes : Roblox (115 millions d’utilisateurs actifs), Fortnite (30 millions de joueurs actifs), Sandbox (créé par deux Français qui viennent de lever 93 millions de dollars) ou encore Decentraland (un crypto-métavers organisé en mini mondes).

Métavers ou pas, si l’expérience proposée n’a pas d’intérêt, les consommateurs n’en voudront pas. Il faudra donc réfléchir à la valeur ajoutée rationnelle ou émotionnelle qu’une marque va être capable de générer grâce à ses actions. Pour le lancement de la saison 2 de la série Validé par exemple, Canal+ a étudié avec précision ses cibles et a identifié un nouveau lieu sur lequel les retrouver : le jeu GTA et sa ville phare Los Santos. Pour sa promotion, la série a ainsi eu droit à des affichages dans trois villes : Paris, Marseille et… Los Santos. De même, lorsque Burger King lance l’opération #BurgerClan et permet aux joueurs de passer commande directement dans leurs jeux, la marque s’adapte aux usages de ses consommateurs.

Un canal de plus à intégrer

Les questions que doivent se poser les marques pour toucher leurs publics restent les mêmes. Le métavers de demain ne sera pas «unique» et toutes les marques ont leur place dans les métavers. Extension de la stratégie des moyens actuelle, le métavers n’est qu’un canal de plus à intégrer dans la réflexion. Comme un nouveau niveau d’UX à étudier et à exploiter, s’appuyer sur le métavers consistera simplement à s’adapter à de nouveaux usages de consommateurs.

Assister à un concert avec un Travis Scott de 40 mètres de haut, pouvoir enfin vivre dans le monde de Snoop Dogg, les dispositifs imaginables n’auront pour limites que l’imagination des concepteurs (et un peu les moyens techniques). Et lors du dernier Facebook Connect, c’est une vision du commerce totalement repensé autour d’un univers expérientiel et immersif dédié à un produit qui a été présenté.

Par ailleurs, les métavers ne proposent pas d’avoir une vie alternative en digital, là est la révolution par rapport à Second Life, mais bien de vivre une expérience digitale où le virtuel et le réel s’hybrident totalement. Preuve en est avec les ados qui ne se donnent déjà plus rendez-vous au skatepark après les cours, mais au Vansworld sur Roblox.

Se poser les bonnes questions

Le public est prêt car le digital est plus ancré dans le quotidien de chacun, et encore plus chez la Gen Z, qui a pris l’habitude d’avoir une vie numérique parallèle dans les jeux vidéo où sont déjà présents les métavers. Cela offre à ce secteur un avantage concurrentiel non négligeable. Quant aux réseaux sociaux, ils se sont définitivement installés dans notre manière de cultiver nos liens sociaux, d’autant plus depuis la pandémie. C’est d’ailleurs le point de départ des métavers de Facebook et Microsoft.

Mais alors, que doivent retenir les marques ? D'abord, elles doivent continuer à se poser les bonnes questions. Qu’est-ce qui intéressera, fera vendre, fera venir ou interagir ? Il sera encore plus essentiel d’être en mesure d’écouter, observer, comprendre ses audiences. Le rôle notamment du planning stratégique, augmenté par la data, sera crucial dans cette quête d’audience intelligence.

Ensuite, les marques doivent ajouter de nouvelles dimensions dans la réflexion. Il sera nécessaire de prendre en compte le double niveau «digital-physique» pour décupler l’expérience, et non simplement la dédoubler. La marque Dolce & Gabbana a par exemple créé sa «collezione genesi», des pièces virtuelles vendues en NFT sur le site spécialisé UNXD, puis réalisées en physique, une collection qui s'accompagne d’un séjour expérientiel dans les ateliers pour les acquéreurs. Cette opération multi-expérientielle a rapportée 5,65 millions de dollars.

Une galaxie forcément complexe

Les marques doivent également maîtriser les nouveaux enjeux : sécurité des données, appropriation des datas collectées, capacité technique à produire et interagir dans ces nouveaux mondes (production d’opération de communication, mais aussi les crypto monnaies, NFT...). Comment «plugger» ce qui se passe dans un métavers avec les systèmes propriétaires déjà utilisés par la marque ?

Enfin, il conviendra d'appréhender une galaxie forcément complexe. Il n’y aura pas un, mais des dizaines de métavers. Sans compter les questions liées à la régulation de ces métavers et à de potentiels impacts de la guerre économique mondiale du «monde réel» sur ce nouveau monde virtuel. Aux États-Unis, la course au métavers est trustée par Meta (Facebook), Roblox, Fortnite et Microsoft. En Russie, Sensorium Galaxy, plateforme spécialisée dans l’expérience culturelle, apparue début novembre, prévoit des shows de DJ en 2022. En Asie, les BATX ont investi des millions dans cette course, bien qu’aucun projet n’ai été encore présenté. Quant à l’Europe, aucun acteur n’a su se faire entendre du grand public à ce jour.

De ce point de vue, le cas The Sandbox est particulièrement intéressant. Créé en 2011 par une start-up française, Pixowl, la plateforme est rachetée par l’éditeur de jeux vidéo hongkongais Animoca en 2018. Début 2021, ce dernier a levé 140 millions de dollars auprès de Coinbase Ventures (plateforme américaine de cryptomonnaie) et Samsung. Quelques mois plus tard, lors d’une deuxième levée de fond de 65 millions de dollars, le Français Ubisoft a investi massivement dans le groupe et a entamé le développement de nouveaux jeux basés sur le NFT et la blockchain. Quant à la filiale The Sandbox, elle vient de lever début novembre 93 millions de dollars auprès d’investisseurs principalement asiatiques.

Le cas The Sandbox montre bien que les métavers représentent réellement la bataille économique et culturelle de demain. Aux marques de s’emparer des infinies possibilités de ce nouveau champ d’expression, tout en veillant à ne pas oublier les fondamentaux pour se positionner.

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