TRIBUNE

[Tribune] Loin des influenceurs de la télé-réalité, les dirigeants d'entreprises, qu'ils soient hommes ou femmes, peuvent créer des conversations de qualité avec leur communuaté sur les réseaux sociaux. A condition de faire de la pertinence une priorité.

Lorsque vous êtes un dirigeant d’entreprise, une directrice marketing et communication, un leader dans une communauté professionnelle ou associative, vous êtes en recherche d’influence. Logiquement votre position vous confère une certaine autorité. Sans doute vous manque-t-il un peu de visibilité, de notoriété et à la fin du compte, de followers ou d’abonnés. En tout cas, c’est ce que beaucoup de conseillers vous diront. Mais votre influence est-elle relative à cette forme de popularité ? Pourriez-vous être influent par la seule pertinence de vos propos ?

A la fin du siècle dernier, Hannah Arendt définissait l’autorité comme «la capacité à obtenir l'obéissance sans recourir à la contrainte par la force ou à la persuasion par arguments». Une autorité qui se voit de plus en plus disputée par d’autres moyens de légitimité, commentait déjà Olivier Le Deuff, dans l'ouvrage Autorité et pertinence vs popularité et influence : réseaux sociaux sur Internet et mutations institutionnelles, paru en  2006.

Bientôt la célébrité pris la place de l’autorité. Être vu dans une émission de télé-réalité, c’était être plus proche des vrais gens. C’était et c’est devenir célèbre rapidement… La question se pose alors de savoir où est passée l’autorité ? Tout le monde se mettant à parler de n’importe quoi, seule l’audience compte. C’est elle qui décide de ce qui mérite d’être vu et, en toute logique business, les algorithmes ont été construits pour adopter le fonctionnement de la foule, s’emparant vite de nos comptes puis de nos vies.

La pertinence construit l'influence

Alors certains sont devenus des influenceurs ou des influenceuses. La polémique récente autour de leur manque d’authenticité, des sommes folles que les marques dépensent pour les inciter à vanter leurs produits, tout contribue à leur conférer un pouvoir d’attraction inquiétant. Ils et elles ont pris une place énorme dans nos écrans et dans la vie des plus jeunes. A l’inverse, d’autres ont perdu en visibilité ou ont tout simplement abandonné l’idée d’être vus ou suivis sur ces mêmes plateformes digitales. Et pourtant...

Pourtant, ils ou elles ont des choses à dire. Ces personnes lorsqu’elles sont des leaders, des dirigeants d‘entreprise sont attendues par une audience qui dépasse leur cercle amical. Leurs collaborateurs, leurs partenaires de business mais aussi tous les autres, clients, fournisseurs, et inconnus. Parce que lorsqu’on suit Emmanuel Faber, Michel-Edouard Leclerc, ou Jean-Marc Jancovici, c’est parce qu’ils ont quelque chose d’intéressant à dire. Leur pertinence n’est pas à démontrer. Leur pertinence a construit leur influence.

Plusieurs indices sur les évolutions à venir indiquent clairement que la qualité prendra le dessus sur la quantité. Inexorablement. Les indicateurs quantitatifs baisseront, Google fera le tri dans des milliards de contenus majoritairement sans intérêt et finira par nous débarrasser de ce superflu polluant. En attendant, il est crucial de trouver une voie pour s’exprimer avec force et conviction, et engager des conversations qui nous enrichissent, au sens de la connaissance. Toute la différence est dans cette formulation : s’enrichir sans faire de l’argent. L’exact opposé de ce que sont les malheureux influenceurs nourris par les marques et les agences qui les exposent comme des animaux dans un zoo.

Une pertinence ouverte à tous

Laissons de côté les nombreux conférenciers professionnels, les amateurs du spectacle à l’américaine qui se font applaudir par des salles remplies de salariés réjouis d’être ainsi distraits, et parfois inspirés, à peu de frais. Non qu’ils et elles ne soient pas pertinents lorsqu’ils nous racontent avec talent les secrets de leur réussite extraordinaire, leur parcours inouï dans un monde cruel, leur ambition à changer le monde, mais parce que ces prises de parole là sont hyper travaillées, comme un one-man show, à la seconde près, au mot rigolo près, étudiées pour une audience naturellement conquise d’avance.

La pertinence est également à la portée de la dirigeante de PME, du CEO de start-up, et des autres membres du Comex. Elle est ouverte à tous. Elle est en nous. Mais peut-on encore la découvrir sur les réseaux sociaux et en particulier sur LinkedIn, censé être plus professionnel que les autres plateformes sociales ? Comme le note judicieusement Russel Brandom, dans un article publié sur The Verge, «ces plateformes sont devenues en grossissant des espaces de distribution de contenus plutôt que des espaces de création, perdant leur attrait pour ceux qui tenaient d’exprimer de nouvelles idées, de nouveaux concepts». Peu importe ce que vous dites, tant qu’un large groupe vous crédite d’un like, l’algorithme favorise votre exposition. Or ceci n’a rien à voir avec la pertinence du propos exprimé. Et c’est alors que tout bascule.

Thèmes qui leur sont personnels

Si la dirigeante ou le leader veut créer des conversations de qualité, avec des interlocuteurs ciblés, il est indispensable de travailler autour de la pertinence. Ils ou elles ont nécessairement des sujets, des thèmes qui les passionnent et qui ne sont pas nécessairement le dernier séminaire de l’entreprise, ni le prix reconnaissant les mérites de la dernière solution mise sur le marché. Des thèmes qui leur sont personnels. Des passions qui les animent dans l’univers professionnel qui est le leur. Alors seulement leur expression est riche d’enseignements pour les autres. Alors seulement, elle engage la conversation et suscite des commentaires de gens tout aussi passionnés et qui souhaitent ajouter quelque chose au propos ou au débat. De fait, l’intervention de personnes extérieures dans la conversation augmente la pertinence initiale de l’auteur. Publier régulièrement transforme ainsi le leader en un rendez-vous avec la pertinence, à l’instar d’une chronique de David Abiker, qui revient nous surprendre chaque semaine.

La communauté qui se forme autour des publications du leader, de la dirigeante, est infiniment plus valorisable que les indicateurs quantitatifs ne l‘indiquent en général. L’influence se porte alors sur la personne. Elle apparait comme estimable, judicieuse, proche de nous par sa volonté de partager avec nous ce qu’elle sait ou qu’elle aimerait savoir en profondeur. Sa richesse est bientôt la nôtre. Elle brille au milieu de ce nuage de poussière qui nous aveugle. Elle est ce soleil qui nous éclaire et nous réchauffe à la fois.

Celui ou celle qui expose sa pertinence n’a plus besoin de convaincre par des arguments. Son récit nous séduit et nous invite à la réflexion personnelle, puis le cas échéant à l’action. Il exerce son influence sans aucune forme de pression et avec une totale bienveillance. Si nous souhaitons tous être influent sur certains sujets, nous devrions nous exprimer sans autre objectif que la pertinence.

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