TRIBUNE

[Tribune] En matière de leader advocacy, les entreprises qui ne prennent pas de risque, par exemple en plongeant les comptes de leurs dirigeants sur les réseaux sociaux dans le silence, les prennent en réalité tous.

Premiers porte-parole de l’entreprise, l’implication des dirigeants dans sa communication ne date pas d’hier. Depuis toujours, ce sont eux qui en portent les messages, même les plus délicats, dans la presse traditionnelle. A l’ère des réseaux sociaux, les directions de la communication sont de plus en plus nombreuses à comprendre que ces leaders ont également un rôle central à jouer sur ces nouvelles plateformes. Mais on ne communique pas sur LinkedIn ou sur Twitter comme on communique dans les médias, et les règles de ces réseaux conçus pour la conversation peuvent parfois rendre les communicants un peu frileux…

Si les dirigeants s’expriment dans les médias traditionnels depuis des décennies, les réseaux sociaux ont bouleversé la communication des marques et de leurs leaders. Alors que les exigences des différentes parties prenantes de l’entreprise vont croissant quant à son devoir de responsabilité, les prises de parole digitales personnelles des dirigeants, considérées comme plus transparentes et authentiques que les publications corporate, constituent la caution humaine des engagements de la marque. Elles renforcent ainsi la proximité avec l’ensemble des audiences de l’entreprise et régénèrent la confiance dans un contexte de méfiance généralisée envers les discours institutionnels.

Conversation à grande échelle

Mais si les dirigeants sont habitués à l’exercice de l’interview ou de la conférence de presse, avec les journalistes pour seuls interlocuteurs directs, les réseaux sociaux ont été conçus pour la conversation à grande échelle et leurs prises de parole y sont exposées aux réactions du plus grand nombre. Ce nouveau modèle, riche en opportunités, peut malgré tout donner aux entreprises et à leurs leaders un certain sentiment de vulnérabilité, notamment lorsqu’il s’agit de communiquer sur les sujets les plus sensibles.

Ce fut notamment le cas en février dernier, au début de la guerre russo-ukrainienne. Alors que les internautes attendaient des prises de position claires de la part des entreprises implantées en Russie et de leurs dirigeants, force est de constater que nombre d’entre elles ont d’abord choisi de mettre en sourdine les comptes sociaux de leurs leaders pour se préserver de tout risque de trolling, de réactions négatives ou encore de bad buzz.  

Alors, quelle posture adopter dans ce nouveau paradigme de communication ? Ces craintes sont-elles fondées et cette réserve raisonnable ou bien, au contraire, les directions de la communication ont-elles plus à gagner à surmonter leurs appréhensions et oser libérer la parole digitale de leurs dirigeants ?

Rares critiques qui provoquent véritablement la polémique

Aucune prise de parole ne peut faire le consensus total, surtout lorsqu’il s’agit de sujets économiques et sociétaux - sur lesquels les dirigeants sont particulièrement attendus par leurs communautés puisque 72% des Français pensent que les PDG devraient être personnellement visibles dans le dialogue sur les politiques publiques, selon le Trust Barometer Edelman 2022.

Observez les publications des dirigeants les plus influents, qui sont aussi bien souvent les plus engagés : dans les commentaires, les critiques sont légion mais rares sont celles qui provoquent véritablement la polémique. Quant aux publications qui ont pu avoir des répercussions négatives pour l’entreprise, elles relèvent généralement d’une erreur de communication grave et non pas seulement d’un simple désaccord exprimé par quelques internautes.

Pour bénéficier de tout le potentiel d’engagement et de notoriété qu’offrent les réseaux sociaux, il est donc essentiel que les directions de la communication en acceptent les règles et les aléas. Terminée la communication feutrée, cadenassée qui ne laisse pas de place à l’imprévu. L’interaction est inscrite au cœur de l’ADN de ces plateformes, et c’est justement leur capacité à provoquer la conversation, voire le débat, qui rend les publications des dirigeants si engageantes et leur permet de donner un tel écho aux messages de la marque.

L’image de dirigeants responsables et accessibles

Aussi, à l’heure où l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise exigent une communication moins verticale et plus transparente, peut-il être pire signal que de plonger les comptes sociaux de ses dirigeants dans le silence ou d’empêcher, par les paramètres de confidentialité, qu’on puisse y répondre ? Alors que la crise énergétique est aujourd’hui au premier plan de l’agenda médiatique, mettant une nouvelle fois les entreprises devant leur responsabilité, cinq des dix CEO les plus engageants du CAC40 ont déjà dédié au moins un post à ce sujet ces dernières semaines. Les autres dirigeants suivront-ils leur exemple ?

Communicants, abandonnez donc la peur de voir vos dirigeants exposés pour bénéficier de toute la force de frappe de dirigeants engagés. Ceux qui assument publiquement leurs positions et celles de leur entreprise - et qui vont, pour certains, jusqu’à interagir avec les membres de leur communauté même les plus véhéments pour les défendre - construisent l’image de dirigeants responsables et accessibles. Des dirigeants que vos clients, salariés et partenaires suivront désormais avec enthousiasme, sur les réseaux sociaux comme dans leurs projets.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.