TRIBUNE

[Tribune] Plutôt que des sigles ou des noms descriptifs à rallonge, les services publics ont besoin de noms émotionnels, parlants et attirants pour un public large. Sans cela, l’attachement du public s’affaiblira inexorablement.

Mardi 7 février, grève à la RATP - on dira plutôt mouvement social. Le trafic est annoncé comme très perturbé en région parisienne. Il y a quelques jours, je parlais avec un agent de station. Il m’informe que la RATP, institution légendaire détenue actuellement à 100% par l’Etat, sera à terme privatisée. Allons-nous peu à peu accepter de voir disparaître nos services publics, privatiser nos transports, nos écoles, nos hôpitaux, comme cela se produit en Angleterre, avec à la clé un affaiblissement des services, la progression des inégalités… ?

Je pense que l’affaiblissement de l’image et l’attachement aux services publics n’est pas seulement imputable à des aspects concrets (coût, grèves, insatisfaction, relationnel…) mais aussi à d’autres facteurs, plus impalpables. Je pense que notre prise de distance par rapport aux services publics - ou par rapport aux partis politiques - est directement influencée par l’ennui que nous ressentons par rapport à leurs noms.

Ce ne sont pas les grèves qui nous détournent d'eux mais plus largement leurs mots, qui renvoient à leur style, à leur personnalité. Les noms des choses, entreprises, services qui nous environnent, jouent un rôle central dans l’image qu’ils nous donnent d’eux-mêmes et dans notre attirance pour eux. Dès que nous cessons d’aimer un univers, que nous nous en éloignons, on peut se poser la question de notre attirance pour ses noms. Les noms des choses résument pour nous ces choses et toutes les impressions et sentiments que nous associons à un nom se transfèrent sur l’objet qu’il désigne. Dans notre esprit le nom et l’objet fusionnent.

Encapsuler dans un mot des valeurs multiples

Or les noms des services publics sont des sigles (RATP, SNCF), des noms descriptifs à rallonge (ministère des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées), des noms revisités, froids (Région Ile de France, Ville de Paris…), des noms géographiques (Hôpital de Vaugirard, Opéra de Paris), des noms historiques ou politisés (Hôpital Necker-Enfants malades, Hôpital européen Georges-Pompidou)... Ce sont des noms strictement fonctionnels, souvent datés, d’esprit administratif ou technocratique. Ces noms sans âme sont loin de nous.

Bien sûr, il serait impossible de tout nommer de manière attirante mais le problème vient du fait que quasiment tous les noms de toutes les offres créées sont des noms de ce type. Très rares sont les noms sympas, faciles à s’approprier, qui rattrapent ces mauvais noms. Pour un nom comme Navigo, combien trouvera-t-on de sigles, de noms techniques, glacés ?

Les sigles et les termes descriptifs jouent un rôle essentiel à l’intérieur des institutions pour concevoir et travailler sur un concept, on ne peut le nier. Mais si, pour une offre stratégique, le responsable de projet ou de communication ne se pose pas la question de trouver un vrai bon nom, émotionnel, parlant et attirant pour un public large, alors, inexorablement, l’attachement aux services publics s’affaiblira, le public se détachera d’eux.

Pour créer un nom de ce type, il faut réussir à encapsuler dans un mot des valeurs multiples, suggérer mais aussi faire rêver, c’est le travail d’une agence spécialisée en naming.

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