[Tribune] Malgré l'incertitude et les fortes turbulences économiques, il serait dommageable pour une entreprise de couper subitement toute action de communication. Des stratégies alternatives existent.

En période d’incertitude et de fortes turbulences économiques, la tentation est parfois grande pour les annonceurs de couper subitement toute action de communication dans une recherche d’économies drastiques, un peu comme on sonnerait la fin de la récré. A première vue, difficile de les blâmer et pour cause : la communication fait partie des rares leviers facilement actionnables ayant un effet immédiat sur le P&L d’une entreprise. C’est donc tout naturellement l’un des premiers dommages collatéraux en temps de crise.

Pour autant, réduire la communication à une simple variable d’ajustement s’avère particulièrement risqué. Car si ce genre de mesure tactique apparaît comme un «moindre mal» aux yeux de certains dirigeants pour maintenir l’équilibre de l’entreprise à court terme, elle est aussi dommageable pour la marque à long terme. Les épisodes récents de crises économique et sanitaire nous l’ont cruellement rappelé : en matière de communication, les absents ont (presque) toujours tort.

Dans des secteurs hyperconcurrentiels où l’offre est souvent supérieure à la demande, désinvestir en communication, c’est prendre le risque de sortir du radar des consommateurs et de devoir repartir de zéro le jour où l’on reprend la parole. Comme le démontrent les dernières recherches en marketing faisant autorité sur le sujet, notamment Binet & Field ou encore Byron Sharp, la mécanique est simple : la part de voix d’une marque est étroitement corrélée à sa part de marché. Or quand la part de voix d’une marque baisse et devient inférieure à sa part de marché, la probabilité est grande pour que sa part de marché diminue l’année suivante.

Mauvais calcul

Renoncer temporairement à prendre la parole pour soulager son budget serait donc un mauvais calcul, puisque les pertes engendrées par la suite seront bien plus difficiles à compenser et nécessiteront encore plus d’efforts et d’investissements. C'est un dilemme auquel bon nombre de start-up ou scale-up sont aujourd’hui confrontées : fortement tributaires des levées de fonds en net recul, ces dernières sont contraintes de tenir plus longtemps avec les mêmes montants pour exister et bâtir de la présence à l’esprit. Au lieu de se taire, elles doivent imaginer de nouvelles façons de faire.

Différentes stratégies s’offrent alors aux annonceurs pour éviter d’avoir à se murer dans le silence. D'abord, accélérer en se montrant plus offensifs que jamais pour conserver, voire même augmenter, leur part de voix et leur place sur le marché. C’est le cas de nombreux leaders qui, en période de crise, déploient de nouvelles offres et nouveaux services pour maintenir un lien de proximité avec les consommateurs à tout prix.

D'un autre côté, il est possible de décélérer pour faire «mieux avec moins». Pour relever ce défi, il est clé de s’armer d’outils d’analyse et d’indicateurs précis permettant de piloter à l’euro près chaque dépense de communication, d’être capable d’évaluer la contribution de chaque levier à la performance de la marque (notoriété, image, leads, trafic, ventes…) avant d’investir ou de désinvestir. Les acteurs issus de la nouvelle économie, dotés d’une culture forte du test & learn et de l’optimisation, ont souvent une longueur d’avance en la matière.

Nécessité d’être plus créatif

Mais s’il y a bien un point sur lequel les leaders comme les challengers doivent se retrouver en ces temps chahutés, c’est sur la nécessité d’être encore plus créatif, de faire preuve d’encore plus d’audace pour dépasser les normes de leurs secteurs et émerger avec moins de GRP. La conjoncture économique actuelle est une formidable opportunité pour les marques d’explorer de nouveaux terrains de jeu, de nouveaux formats et grammaires créatives, comme le permet TikTok par exemple.

Ne nous y trompons pas : opportunité créative ne veut pas dire pour autant «opportunisme». Si cette crise est l’occasion de démontrer plus d’inventivité, elle implique aussi une grande responsabilité pour les marques : les thèmes du pouvoir d’achat, du défi climatique ou de la sobriété sont autant de sujets sensibles pouvant rapidement se révéler explosifs dans l’opinion publique. Il convient de les adresser à la fois avec une plus grande justesse et une forme de décence pour se montrer utile, du côté des gens, en faisant le pari de leur intelligence sans jamais être paternaliste ou donneur de leçon.

En 2023, une chose est sûre : si les marques ne doivent surtout pas s’arrêter de communiquer, elles devront d’abord commencer par écouter.