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Le couple d'entrepreneurs Anne de Gravelaine et Philippe Rigal a quitté Paris pour une vie plus douce dans le sud. Mais c'était sans compter la rencontre avec le fils du fondateur du groupe Garella, qui les poussera à racheter son enseigne de prêt-à-porter haut de gamme Indies.

Nouveau look pour une nouvelle vie ? En haut d'une colline à Gardanne, non loin d’Aix-en-Provence, règne en maître un établissement de 4500 mètres carrés habillé des lettres capitales du groupe, Indies. Autrefois appelé Garella, ce groupe abrite deux marques de prêt-à-porter féminin haut de gamme; Indies et Bleu Blanc Rouge. La première a été créée en 1993, la même année où la seconde a été rachetée par le groupe. À l’intérieur attendent les nouveaux propriétaires, Anne de Gravelaine et son mari Philippe Rigal. Tout droit venu de Paris, ce couple d’entrepreneurs – l’un dans l'immobilier et l’autre dans les cosmétiques et les parfums – a décidé de se lancer un nouveau défi avec ce rachat. Mais en pleine période de crise, où l’économie du prêt-à-porter se désintègre à petit feu, relancer une marque de vêtements n’est-il pas un pari risqué ? « C’est un alignement des planètes. En 2019, nous avons décidé avec mon mari de changer de vie et d’aller nous installer dans le sud. Nous avons alors rencontré Jean-Brice Garella, le fils du fondateur du groupe et ancien propriétaire, à un dîner entre amis à la suite duquel il nous propose de racheter sa marque. J’ai baigné dans l’univers du textile et des cosmétiques au cours de ma carrière, et puis nous n’avons aucune raison de considérer ce rachat comme risqué quand nous avons une équipe aussi expertisée », balaie d'un revers de la main Anne de Gravelaine, présidente du groupe. 

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Cette équipe se compose de 50 salariés in situ, sur les 80 au total. Difficile de passer à côté de cet « esprit de famille » vendu par les propriétaires puisque sur le mur de la salle de pause est écrit en gros «Family Room». Malgré ce discours policé, les employés semblent réellement attachés à leur entreprise. Ils ont pour la plupart entre 15 et 20 ans d’expérience. C’est le cas de Sophie Maglione, employée du groupe depuis 20 ans. À la suite du rachat en 2022, elle a été nommée directrice artistique et a ainsi donné un nouveau souffle à la marque. « On travaille actuellement sur la collection été 2024. Tout part de Première Vision où je sélectionne les tissus, les accessoires qui me plaisent… L'important est de garder une cohérence dans les tons et les couleurs. » À ses côtés, ce sont cinq couturières – sept en période de grosse production – qui travaillent sur les différentes collections, soit 200 références par saison. Plus loin, les modélistes travaillent directement le patronage des pièces sur ordinateur, avant de le façonner en 3D. « Travailler de cette manière nous permet de limiter les chutes de tissus à 2% seulement », indique Anne de Gravelaine. Dans le bureau d’à côté, deux femmes gèrent la production, délocalisée et partagée entre 15 à 20 ateliers en Europe et dans le bassin méditerranéen, même si la création est 100% française. Le groupe applique la transparence quant à cette politique de délocalisation, conscient des impacts sur le prix de ses produits. « Pour fabriquer un t-shirt au Portugal, cela revient à 12 euros environ, 8 euros au Maghreb et 40 euros en France », énumère Fabienne, employée depuis 22 ans. Tout cela sur fond de guerre en Ukraine et de hausse de prix de l'énergie. « Évidemment, cela a eu des répercussions sur le coût des transports et de l'énergie. Mais la marque a pris tout en charge car nous estimons avoir les épaules assez larges », éclaire la présidente.

Au niveau des prix et du style, la marque est comparable à Sézane ou encore Balzac. Il faut compter entre 259 euros et 399 euros pour une robe, 200 euros en moyenne pour un pull. En termes de chiffre d’affaires, elle reste loin des 250 millions d’euros engendrés en 2021 par Sézane et tourne plus autour de celui Balzac. En 2022, Indies fermait l’année à 13,7 millions d’euros et espère atteindre les 15 millions en 2023. Avec un réseau composé de quinze boutiques en propre et 25 corners en affiliation, 100 magasins multimarques et d’un site internet, le groupe partage son chiffre d’affaires plus ou moins à part égale entre ce triptyque, soit entre 28 à 34% réalisé sur chacun des piliers du réseau. Présente à Lille, Nancy ou encore Clermont-Ferrand, l’objectif d’Indies est de poursuivre son développement en région avec en priorité l’intronisation de la marque dans l’ouest de la France. Mais la conquête ne s’arrête pas là. Déjà implantée en Europe, en Amérique du Nord et en Asie du Sud-Est, le groupe va renforcer sa présence à l'international principalement en Asie, au Bénélux et en Angleterre. Finalement, en dehors du sud de la France, la marque reste méconnue. Pourtant elle enregistre son plus gros chiffre d’affaires dans une des trois boutiques présentes à Paris, celle de Bonaparte. « La seconde est celle de Gardanne, à côté de notre entreprise de conception. Il faut le savoir car c’est assez reculé », plaisante le directeur général du groupe, Philippe Rigal. 

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C’est aussi la force de la marque, posséder et miser sur une clientèle fidèle, néanmoins assez restreinte : « 32 000 clientes viennent plus de deux fois par an en boutique et/ou sur notre site », avance Anne de Gravelaine. Le groupe souhaite bien sûr toucher de nouvelles clientes. Pour autant, lors de la présentation des axes stratégiques, aucune mention des réseaux sociaux n’est faite. Étonnant, surtout à l'heure du digital où toutes les marques pensent, respirent et dorment Gen Z. Mais pas Indies. « Nous connaissons notre cible, ce sont majoritairement des femmes quarantenaires, citadines, actives et chics. Bien sûr, nous disposons d’une équipe digitale composée de dix personnes et nous collaborons avec l’agence lyonnaise Digimood ; tous travaillent sur Facebook, Instagram et un peu sur TikTok mais nous ne sommes pas dans une recherche de jeunisme », avoue Anne de Gravelaine. En témoignent les sommes allouées par le groupe. En effet, leur investissement pour le digital équivaut à celui dépensé pour les boutiques. Si la conquête des jeunes n’est pas une priorité, ce n’est pas pour casser ni dénaturer l’héritage du groupe. À voir si sur le long terme cette prise de position osée et assumée perdurera. 

Chiffres clés

13,7 millions d’euros Chiffre d'affaires global 2022.

80 Nombre de salariés (50 au siège de Gardanne).

15 Nombre de boutiques en propre. Le réseau compte également 25 corners affiliés et 100 magasins multimarques.

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