L'application nutritionnelle qui proposait aux consommateurs de signer une pétition pour interdire les nitrites et nitrates dans la charcuterie, et qui a été condamnée en première instance pour « dénigrement au préjudice » des charcutiers, a obtenu gain de cause devant la cour d'appel de Paris, le 7 juin. 

L'application Yuka, qui établi une grille de notation sanitaire des produits industriels, a obtenu gain de cause face au lobby de la charcuterie industrielle, mercredi 7 juin, sur la question des nitrites et nitrates, des additifs ajoutés principalement dans la charcuterie, mais aussi dans les crevettes, et dont le lien avec le cancer colorectal a été établi par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).

Pour rappel des faits, en 2019, Yuka, l'association de consommateurs Foodwatch et la Ligue contre le cancer ont lancé une campagne demandant le retrait dans les charcuteries des nitrites de potassium (E249), de sodium (E250), et des nitrates de sodium (E251) et de potassium (E252). La pétition, proposée aux utilisateurs de l'application quand ils scannaient un produit en rayon, a recueilli plus de 450 000 signatures.

C'est l'établissement d'un lien direct entre des informations nutritionnelles et une démarche militante qui a amené les charcutiers à saisir la justice, estimant que Yuka s'était rendue coupable d'un « appel au boycott » envers les consommateurs. Le tribunal de commerce de Paris avait jugé le 28 mai 2021 que Yuka avait eu « une pratique commerciale déloyale et trompeuse et commettait des actes de dénigrement au préjudice » de la Fédération des industriels charcutiers traiteurs (Fict).

Liberté d'expression

Ce jugement de première instance a été essentiellement infirmé par la décision de justice du 7 juin 2023. Sur le dénigrement, la cour, s'appuyant sur les pièces produites par Yuka, souligne « la réalité d'un sujet et d'un débat public d'intérêt général sur les conséquences en matière de santé pour les consommateurs de l'utilisation des additifs nitrés dans les charcuteries (...) de sorte que les allégations incriminées sur l'application Yuka (...) s'inscrivent dans le cadre d'un sujet d'intérêt général ».

La cour estime ainsi que « les actes de dénigrement imputés à la société Yuca ne sont pas caractérisés ». En décembre, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait également tranché en faveur de Yuca. « Il ne résulte des allégations incriminées aucun appel au boycott », a estimé la cour dans sa décision, soulignant que la pétition « ne vise à boycotter aucun produit mais tend à demander l'interdiction des nitrites ajoutés dans l'alimentation », et qu'elle « doit être protégée au titre du droit à la liberté d'expression dont il n'est caractérisé aucun abus ». 

Elle infirme également le jugement de première instance sur la responsabilité qu'il avait imputée à l'application Yuka en matière de pratiques commerciales déloyales et trompeuses et condamne la fédération des charcutiers à verser 60 000 euros à Yuka au titre des frais de justice.

« Aujourd'hui, la Cour d'appel reconnaît que la finalité de Yuka est d'informer le consommateur afin de lui permettre de choisir les meilleurs produits pour sa santé, et que cette dernière est protégée par la liberté d'expression », a déclaré Yuka dans un communiqué, se félicitant de sa « troisième victoire ». En décembre 2022 puis en avril de cette année, Yuka a gagné ses deux premiers procès en appel l’opposant aux sociétés A.B.C Industrie (commercialisant la marque Noixfine) et Le Mont de la Coste (commercialisant la marque Auvernou).

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