PATRIMOINE

Les petits menhirs détruits à Carnac pour construire un magasin de bricolage présentaient-ils une valeur archéologique ? Si les défenseurs du patrimoine assurent que oui, la Drac et la mairie de cette commune du Morbihan restent plus mesurées.

« La question restera en suspens » faute de fouilles complémentaires, déplore un chercheur proche du dossier qui souhaite demeurer anonyme. Trente-neuf petits menhirs, d’une hauteur comprise entre 50 cm et un mètre, ont été récemment détruits au cours du chantier de construction d’un magasin de bricolage. Leur démolition a été révélée le 2 juin par un archéologue amateur, Christian Obeltz, sur son blog, suscitant un vif émoi au moment où les alignements de menhirs du sud du Morbihan s’apprêtent à candidater pour entrer au patrimoine mondial de l’Unesco. « Plusieurs aménagements brutaux ont été réalisés, cet hiver et au printemps, aux abords des alignements de menhirs de Carnac, dénaturant ce site mondialement connu », dénonce-t-il. Le passionné de patrimoine s’est désolé de la destruction d’un site qui, « même modeste », illustrait toutefois « la structuration du territoire dès le Néolithique ».

En décembre 2014, une première demande de permis de construire est déposée. Le terrain, situé dans une « zone d’activité » selon le plan local d’urbanisme (PLU), fait alors l’objet de fouilles par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), qui s’étaient achevées « sur un constat contradictoire ». Deux files de blocs de pierres, insérés dans deux anciennes clôtures recouvertes de taillis, sont mises au jour. Pour les révéler, huit tranchées de trois mètres de large avaient été creusées sur ce terrain partiellement encombré de déchets divers, de déblais et de bosquets. « Seules des observations complémentaires sur les monolithes, voire une fouille, permettraient de certifier l’origine néolithique de cet ensemble », détaillait l’organisme archéologique dans son rapport publié en avril 2015.

« Difficile de dater »

La Direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Bretagne a précisé jeudi à l’AFP avoir à l’époque « émis une prescription de fouilles au promoteur » que celui-ci « n’a pas mise en œuvre ». Réagissant à l’émotion suscitée par cette destruction, la Drac a également souligné dans un communiqué le « caractère encore incertain et dans tous les cas non majeurs des vestiges » trouvés lors des fouilles préventives de 2015. « L’atteinte à un site ayant une valeur archéologique n’est pas établie », s’est défendue la Drac, ajoutant qu’il « n’est par ailleurs pas répertorié parmi les zones de présomption archéologique, c’est-à-dire les zones qui justifient un avis du service régional d’archéologie ».

Le maire, Olivier Lepick, atteste de son côté avoir « parfaitement respecté la législation » et invoque lui aussi « la faible valeur archéologique » des objets retrouvés. Contactée, la direction de l’enseigne de bricolage « regrette sincèrement cette situation » et ajoute que « la Commission départementale d’aménagement commercial (Cdac) du Morbihan a donné son accord pour l’exploitation commerciale en janvier 2022 ».

Une association de défense du patrimoine, Koun Breizh (« Mémoire bretonne », en breton), a annoncé avoir déposé une plainte contre X. L’archéologue amateur Christian Obeltz assure lui que « les petits menhirs du Chemin de Montauban constituaient sans doute l’un des ensembles de stèles les plus anciens de la commune de Carnac ». Selon lui, ces menhirs pourraient dater de la même période que les vestiges d’un site voisin dont les datations carbone 14 obtenues en 2010 remontent à « 5480-5320 avant J.-C., soit la datation la plus haute obtenue pour un menhir dans l’ouest de la France ».

Sur cette datation, Philippe Gouézin, docteur en archéologie et archéométrie à l’Université de Rennes, se montre prudent. « Il est difficile de dater des éléments et tout dépend de ce que l’on peut trouver : du carbone 14, des os, des noisettes ou des baies piégées dans des conditions particulières, le tout bien enfoui dans le sol », décrypte-t-il pour l’AFP. Et cette datation aurait nécessité une analyse scientifique au-delà du diagnostic préventif qui consiste en « des sondages ou repérages », explique l’expert.

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